Le commissaire était choqué
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Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et ci-devant ministre de l’Économie sous François Hollande, vient de découvrir un fait qui le choque : Airbnb ne paie pas suffisamment d’impôts en France. La plate-forme d’hébergement temporaire n’aurait payé que 100.000 euros d’impôts alors que dix millions de Français ont utilisé ses services l’an passé.
Poursuivant sur sa lancée purgative, le commissaire s’émeut également, à la faveur du transfert de Neymar, de l’opacité qui couvrirait le paiement des impôts par les joueurs de football en général. Le joueur brésilien a annoncé qu’il paierait ses impôts en France, ce qui réjouit le Trésor public français (tu m’étonnes…) et doit, pour M. Moscovici, devenir la norme. On ne peut que s’incliner avec respect, selon la formule d’usage, devant tant d’honnêteté et d’impartialité.
Mais, au juste, Pierre Moscovici n’a-t-il pas déjà eu la main sur les finances de notre pays ? Certaines sociétés multinationales n’étaient-elles pas déjà en délicatesse avec l’administration fiscale à son époque ? À défaut d’avoir su, pu ou voulu y remédier, il se réfugie, à ce qu’il semble, et selon une logique propre au débat d’idées démocratique, dans l’incantation immobile, qu’il voudrait performative. Mais Juncker n’est pas Dieu, et Moscovici n’est pas son prophète : il ne suffit pas de dire des choses pour qu’elles existent (ni, d’ailleurs, de les taire pour qu’elles n’existent pas).
Airbnb continuera de payer ses impôts comme bon lui semble, et il est peu vraisemblable que Neymar casque plein pot sur notre territoire. La voiture jaune de Oui-Oui continuera de rouler droit vers le mur sur le chemin de l’espérance européenne. "On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant “L’Europe, l’Europe, l’Europe !”", constatait de Gaulle en sous-entendant que cela ne servait à rien. On était alors à la fin des années soixante et rien n’a changé.
Pierre Moscovici a toujours eu du flair : troskiste à l’époque des libéraux, européiste à l’époque du retour des patries, il voyait, il y a peu, dans la Turquie un merveilleux exemple de république islamique laïque et lui accordait volontiers une place dans l’Union européenne. Aujourd’hui, alors que les capitaux changent de mains à la vitesse de la lumière et que les pays, selon la très juste formule d’Attali (qui y a beaucoup contribué), deviennent des « hôtels », il s’émeut d’une situation qu’il a provoquée. Difficile, comme souvent en politique, de faire la part du machiavélisme et de l’aveuglement.
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