Commission d’enquête : les silences éloquents de Gérard Collomb

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L'audition de Gérard Collomb, ce lundi matin, par la commission d'enquête de l'Assemblée sur l'affaire Benalla ne nous a pas appris grand-chose. Elle était censée faire la lumière, mais ni les députés présents ni les téléspectateurs qui l'ont suivie n'étaient plus avancés après plus de deux heures de débat.

La seule chose qu'on ait apprise, c'est que le ministre de l'Intérieur ne savait rien et n'était responsable de rien. Comme il a prêté serment de « dire la vérité, rien que la vérité », on peut présumer que, malgré sa fonction, le premier flic de France n'est pas au courant de tout ou qu'il pêche par omission.

Le rôle exact d'Alexandre Benalla auprès d'Emmanuel Macron ? C'est pour lui un mystère, qui le dépasse. Il l'a bien croisé pendant la campagne électorale et, peut-être, depuis l'élection présidentielle, mais il croise beaucoup de monde. En tout cas, ce n'est pas lui qui l'a invité à participer en « observateur » aux opérations de maintien de l'ordre : « Le préfet de police devait être au courant », a-t-il expliqué. Ce n'est pas lui qui lui a fait fournir un casque, un brassard de police et une radio pour correspondre avec... on ne sait qui.

Ce n'est pas son ministère, non plus, qui a équipé sa voiture de fonction d'accessoires réservés aux policiers et à des personnalités triées sur le volet. Il lui a même refusé l'autorisation de port d'armes, qu'il a fini par obtenir. Du reste, M. Benalla ne faisait pas partie de la police et ne dépendait pas de son autorité. Bref, si l'on veut en savoir plus, il faut se tourner vers le cabinet de l'Élysée et la préfecture. Et puis, d'après François de Rugy, le président de l'Assemblée nationale, le rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) sur cette affaire devrait être remis « à la fin de cette semaine ».

Quand on lui demande pourquoi il n'a pas appliqué le fameux article 40 du Code de procédure pénale selon lequel « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République », Gérard Collomb répond invariablement que ce n'était pas son rôle, mais celui du supérieur hiérarchique de Benalla.

Il assure que son directeur de cabinet a été informé par le cabinet de la présidence : l'action de cet individu était « inacceptable » et une « sanction » serait prise. L'affaire ne le concernait donc plus : « Je ne me suis donc plus occupé de ce sujet », déclare-t-il, comme si c'était normal. Avec tout ce qu'il a à faire ! Il reconnaît avoir évoqué ce sujet, samedi ou dimanche, avec Emmanuel Macron, ajoutant, dans une étrange formule, qu'il en a parlé « le moins possible ».

Après cette audition, on peut penser que Gérard Collomb n'a pas envie de servir de fusible et qu'il renvoie sur d'autres la responsabilité des fautes éventuellement commises. Son grand argument a été de dire qu'il n'était pas au courant de tout : mais ses ignorances, feintes ou réelles, confirment soit qu'il est un bien mauvais ministre de l'Intérieur, soit que l'existence d'une hiérarchie ou d'une police parallèle n'est pas un fantasme des amateurs de romans d'espionnage.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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