La Commission européenne s’érige en Conseil constitutionnel de certains États membres

Le socialiste hollandais Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, chargé de l’Amélioration de la législation, des Relations inter-institutionnelles, de l’État de droit et de la Charte des droits fondamentaux, aurait aimé que le ministre des Affaires étrangères polonais Witold Waszczykowski vienne lui donner des éclaircissements sur la réforme de la justice dont le Parlement débattait cette semaine à Varsovie. Le Polonais a très justement répondu au Néerlandais qu’il n’avait pas à lui donner des éclaircissements sur des projets de loi débattus par le Parlement polonais souverain.

Donald Tusk, le président du Conseil européen, qui n’est plus Premier ministre de son pays depuis deux ans, souhaitait parler de la question avec le président de la République de Pologne Andrzej Duda. Duda a répondu à Tusk qu’il n’avait pas à discuter non plus avec lui, la question de la réforme de la justice en Pologne n’étant pas à l’ordre du jour du Conseil européen.

Donald Tusk, dont ont dit qu’il a accepté ce job à Bruxelles parce qu’il est moins prenant et bien mieux payé que celui qu’il avait à Varsovie (et peut-être aussi parce qu’il commençait à traîner pas mal de casseroles dans son pays : enquête bâclée sur la catastrophe de Smolensk, affaires de corruption…), semble oublier que si le poste de « président de l’Europe » est mieux payé que celui de président des États-Unis, sur le plan des compétences et des responsabilités, ce n’est rien de plus qu’un boulot d’assistant du conseil d’administration de l’Union européenne.

Frustrés, les deux eurocrates (Timmermans et Tusk) ont laissé entendre que des sanctions pourraient être prises contre la Pologne si la réforme de la justice voulue par le parti conservateur PiS au pouvoir est menée à bien.

Le vendredi 21 juillet, après s’être réunie, la Commission européenne a rappelé, par la voix de son premier porte-parole, le Grec Margaritis Schinas, qu’elle disposait de nombreux instruments pour influer sur la situation en Pologne. Le président de la Commission, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a justement demandé la semaine dernière à Frans Timmermans de présenter chaque semaine aux commissaires européens des informations sur les trois projets de réforme de la justice en cours d’adoption au Parlement polonais.

Pourquoi tout ce raffut ? Tout simplement parce que la Commission de Bruxelles estime que les projets de loi discutés à Varsovie ne sont pas conformes à la Constitution polonaise. Les commissaires originaires du Luxembourg, des Pays-Bas, de Tchéquie ou d’ailleurs ont-ils seulement lu la Constitution polonaise alors qu’ils ne connaissent pas la langue ? Savent-ils que cette Constitution donne de grands pouvoirs au Parlement pour organiser et éventuellement réorganiser l’institution judiciaire ? Sont-ils au courant de toutes les affaires qui ont montré que l’indépendance de la justice était parfois toute théorique quand Donald Tusk était Premier ministre ? Leur a-t-on expliqué l’héritage communiste d’une institution encore jamais réformée ? Et quand bien même le PiS irait-il trop loin, violant la Constitution polonaise, faut-il que la chose soit tranchée à Bruxelles, par des fonctionnaires qui s’imaginent « éclairés », plutôt que par les juges du Tribunal constitutionnel polonais à Varsovie ?

Ne serait-ce que pour le bon fonctionnement de l’Union européenne et pour la pérennité du fameux « vivre ensemble » (entre nations européennes), il serait temps que les arrogants commissaires européens soient remis à leur place, et pas seulement par les gouvernements polonais et hongrois.

Olivier Bault
Olivier Bault
Directeur de la communication de l'Institut Ordo Iuris

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