Commission nationale du débat public : un organe inconnu et inutile ?

convention citoyenne pour le climat

Créée en 1995, la Commission nationale du débat public (CNDP) est une autorité indépendante censée garantir la participation des citoyens sur « les projets ou les politiques qui ont un impact sur l’environnement ». Vieux serpent de mer, l’existence de cette autorité administrative indépendante est régulièrement remise en cause. Coût, utilité marginale, méthodes, manque d’indépendance… Des parlementaires appellent à l’enterrer.

En effet, dans le cadre des discussions sur le projet de loi « Industries vertes », des députés Les Républicains ont déposé plusieurs amendements visant à supprimer la Commission. Pour certains, cet organe « se révèle être un poids supplémentaire pesant sur les délais d’implantation de nouvelles entreprises industrielles ». Pour d’autres, elle « apparaît comme un doublon avec les élus locaux ». Leur amendement est soutenu par des membres du Rassemblement national (RN), dont Pierre Meurin, qui dénonce le manque de notoriété et d’utilité de la CNDP. « Quel citoyen dans vos circonscription connaît la CNDP ? Aucun ! », s’exclame l’élu du Gard. Et de poursuivre avec véhémence : « La CNDP est complètement hors-sol. Cette institution n’a de débat que le nom […] C’est une institution dans laquelle sont rassemblées toutes les associations écologistes […] Supprimons-la ! » Au terme des discussions, l’amendement déposé par Les Républicains a finalement été rejeté, ce 19 juillet.

Ce n’est pas la première fois que la CNDP est attaquée. Déjà, en 2018, des députés LR avaient déposé une proposition de loi « visant à supprimer la CNDP, instance pseudo-démocratique participative inefficace et coûteuse ». Les parlementaires accusaient alors la Commission de n’avoir qu’une « portée cosmétique ».

« Une mascarade démocratique »

Il faut dire que, derrière son nom pompeux, cette institution cache de nombreux défauts. Premier écueil qui semble mettre tout le monde d’accord : son manque d’indépendance. La CNDP a beau être une autorité administrative indépendante, force est de constater qu’elle dépend de plus en plus de l’exécutif. Si son ancienne présidente, Chantal Jouanno, clamait sur tous les plateaux de télévision sa liberté totale, son successeur, Marc Papinutti, ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne et de Christophe Béchu, considéré comme un « proche » d’Emmanuel Macron, peut difficilement en dire autant. Un problème, quand on sait que la CNDP est amenée à organiser des débats sur des projets environnementaux non consensuels, y compris ceux lancés par l’exécutif.

Mais là n’est pas la seule critique formulée contre la CNDP. La Commission, dotée d’un budget de 10 millions d’euros, selon son site Internet, est régulièrement pointée du doigt pour les indemnités versées à ses dirigeants. Ainsi, La Lettre A révélait que Chantal Jouanno, alors à la tête de cet organe consultatif, percevait un salaire annuel brut de 176.000 euros (soit environ 14.666 euros par mois). Une rémunération peu justifiée, selon certains. L’association Contribuables associés juge ainsi « superflue » la CNDP au vu des millions d’euros qu’elle « dévore » chaque année. Éric Ciotti déclarait, en 2019 : « Il faut cesser le gaspillage d’argent public. À quoi servent toutes ces agences indépendantes technocratiques comme la CNDP ? » Et Marine Le Pen de qualifier de « fumeuse et onéreuse » cette institution.

Les coups portés contre la CNDP ne seraient pas si violents si l’institution parvenait à démontrer son efficacité. Or, cette Commission ressemble fort à un de ces comités Théodule que notre régime semble affectionner. Si la CNDP a bel et bien organisé des débats sur de nombreux projets - autoroutes, nouvelle ligne SNCF, parcs éoliens… - , la qualité du débat n’a pas toujours été vérifiée. La commission d’enquête du Sénat sur les autorités administratives indépendantes considère ainsi que la concertation sur les nanotechnologies (2009) a viré au « fiasco ». Sur d’autres sujets, comme récemment sur l’avenir du nucléaire, la CNDP est accusée d’entretenir « une mascarade démocratique ». Il arrive que l’exécutif ou le Parlement ait en réalité déjà statué sur le sujet et que le débat ne soit organisé que dans le but d’apaiser les tensions. Début mai, au cours de l’audition de Marc Papinutti en vue de sa nomination à la tête de la CNDP, le sénateur Bruno Rojouan résumait : « L'efficacité de l'action de la CNDP suscite des interrogations légitimes. On peut se demander si elle a la capacité de mener à bien ses missions. Par ailleurs, elle n'a pas été capable d'organiser le grand débat national voulu par le président de la République en 2019. » Et de conclure : « Plus largement, la CNDP ne semble pas avoir la capacité d'organiser des débats apaisés sur les projets dont elle est saisie. »

Si la CNDP a tant de défauts, alors, pourquoi la maintenir ? Pour poursuivre la « mascarade démocratique » ?

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Notre pays se caractérise malheureusement, entre autres « avancées », par une multiplication d’instances totalement inutiles, sinon nuisibles (« défenseur des libertés », etc. par exemple) et d’innombrables comités Théodule, qui coûtent « une blinde » pour reprendre les termes ou à peu près de Macron lui même. Une des premières décisions courageuses à prendre d’un gouvernement digne de ce nom devrait être la suppression du jour au lendemain de tous ces machins totalement inutiles.

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