Conclave : E. Macron s’active. Comme d’autres, du temps de l’affaire Rampolla

Le Président Emmanuel Macron semble déjà avoir sa préférence parmi les « papabili ».
Le cardinal Rampolla, par Philip de Laszlo.
Le cardinal Rampolla, par Philip de Laszlo.

L’histoire du cardinal Mariano Rampolla del Tindaro, écarté du trône pontifical en 1903 malgré sa stature diplomatique et théologique, illustre de manière saisissante les tensions persistantes entre pouvoir spirituel et calculs politiques. Cette éviction spectaculaire, la dernière officiellement orchestrée par une puissance étrangère au sein d’un conclave, marque un tournant décisif dans les relations entre l’Église et les États, entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Aujourd’hui encore, alors que certains chefs d’État contemporains, à l’instar d’Emmanuel Macron, semblent avoir leur préférence parmi les « papabili », les échos de cette affaire plus que centenaire résonnent de nouveau.

Une figure éminente de l’Église fin de siècle

Né en 1843 en Sicile, Mariano Rampolla del Tindaro suit une formation brillante à l’Accademia dei Nobili Ecclesiastici, creuset des futurs diplomates du Saint-Siège. Il entame alors une carrière diplomatique fulgurante qui le conduit à être nommé, en 1887, Secrétaire d'État du pape Léon XIII. Proche de la France républicaine, il incarne une ligne de conciliation jugée trop audacieuse par les courants monarchistes et conservateurs. Son intelligence, son expérience diplomatique et son poids au sein de la Curie en font pourtant le successeur naturel de Léon XIII lors du conclave de 1903.

Le veto de l’Empire austro-hongrois

Lors du conclave d’août 1903, Rampolla obtient rapidement une majorité relative, plaçant sa candidature en position favorable. C’est alors qu’intervient un événement rarissime et retentissant : le cardinal Jan Puzyna de Cracovie, agissant au nom de l’empereur austro-hongrois François-Joseph Ier, annonce publiquement un jus exclusivae, un « droit d'exclusive », qui se traduit par un veto impérial contre la candidature de Rampolla.

Ce veto, coutume admise bien que non codifiée, repose sur la crainte de voir apparaître une Église trop complaisante envers la République française, voire envers la franc-maçonnerie, au cœur d’une Europe encore fortement composée de monarchies. Une partie du Sacré Collège s’indigne de cette ingérence, mais l’effet escompté est atteint : Rampolla perd progressivement des soutiens et c’est finalement le patriarche de Venise, Giuseppe Sarto, qui est élu pape sous le nom de Pie X.

Une réforme décisive

Peu après son élection, Pie X entend mettre fin à toute influence séculière dans les conclaves, même si c'est par ce moyen qu'il a pu devenir le successeur de l'apôtre Pierre. Ainsi, la constitution Commissum nobis, promulguée en 1904, abolit à perpétuité toute tentative de veto ou d’intervention étrangère et laïque dans l’élection pontificale, sous peine d’excommunication automatique. Cette réforme majeure, toujours en vigueur, rétablit alors la pleine souveraineté du Sacré Collège. L’affaire Rampolla marque ainsi la fin d’un monde : celui des États prétendant encore peser sur la direction de l’Église romaine. Elle inaugure également un siècle d’indépendance pour le Saint-Siège, du moins en apparence.

Échos contemporains

Plus d’un siècle après Commissum nobis, la séparation institutionnelle entre l’Église et les États est encore formellement établie. Toutefois, la tentation d’influence n’a pas disparu. Emmanuel Macron, président d’une République laïque, a à plusieurs reprises manifesté un vif intérêt pour les questions religieuses, comme en témoigne notamment son discours aux Bernardins en 2018. Selon des révélations rapportées notamment par Le Figaro, Emmanuel Macron verrait d’un bon œil l’élection éventuelle du cardinal Jean-Marc Aveline, qu’il considère comme plus progressiste et proche de sa sensibilité que le cardinal Robert Sarah, jugé trop conservateur et donc peu favorable aux projets portés par certains politiques dans notre pays, que ce soit en termes de bioéthique ou d’immigration.

Il ne s’agit évidemment plus d’un veto impérial, mais bien d’une petite stratégie d’influence douce et non dissimulée, dans l’esprit de l’affaire Rampolla. Notre Président, spirituellement rattaché à l’Église catholique en tant que baptisé depuis l’âge de douze ans, serait donc visé par l’excommunication promise par Commissum nobis s’il lui venait l’idée de vouloir orienter le conclave d’une quelconque manière.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Il a un illustre prédécesseur :Philippe Iv Le Bel qui s’est mêle de faire élire Clément v pape français avec obligation de résider en Avignon après avoir fait enfermer les cardinaux en conclave pendant 6 mois .
    Mais je doute qu’il y arrive: n’est pas roi de France qui veut!

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