Condamnation de Marine Le Pen : un air de justice politique

La cour justifie sa décision par le « risque de récidive » et de « trouble à l’ordre public démocratique »...
© Capture d'écran
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« Stop à la justice politique. » Après avoir été arrêtés à quelques pas de l’Assemblée nationale, où ils comptaient organiser une action remettant en cause la Justice française, les militants de l’Institut pour la justice ont dû se résoudre à plier bagages. Finalement, ce lundi 31 mars vers 22h30, à quelques rues de la tour Eiffel, ces militants ont réussi à projeter leur message pendant quelques instants. Sur la façade d’un immeuble haussmannien, on pouvait ainsi lire « Stop à la justice politique », inscrit sur fond rouge. « L’objectif de l’action était de dénoncer une forme de justice qui se politise de plus en plus », explique l’un des membres de l’IPJ, contacté par BV. « On remarque que certains magistrats font toujours en sorte que les jugements dans les affaires politiques soient liés à l’actualité. C’est très dommageable pour la crédibilité de la Justice française », ajoute le militant, faisant notamment référence à la candidature de François Fillon en 2017. Le lendemain matin, de nombreux politiques de droite reprennent cette même analyse pour dénoncer la condamnation de Marine Le Pen. Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, accuse la juge d’avoir « décidé de faire de la politique ». Eric Ciotti, quant à lui, dénonce « une confiscation du débat démocratique par une petite caste ».

Des conséquences disproportionnées

Face à ces nombreuses critiques, la magistrature s’indigne. « Cette décision n’est pas une décision politique mais judiciaire, rendue par trois juges indépendants, impartiaux », affirme Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, au micro de RTL. Le Conseil supérieur de la magistrature s’offusque, quant à lui, de ces « réactions [qui] sont de nature à remettre en cause gravement l'indépendance de l'autorité judiciaire ». Et le Syndicat de la magistrature ose, dans un communiqué, expliquer que « les attaques personnelles et procès en "politisation" contre les juges sont intolérables ».

Tout d’abord, si la décision de justice prise à l’encontre de Marine Le Pen s’inscrit certes dans un cadre légal, adopté par les parlementaires, il n’en demeure pas moins que la cour a décidé de faire une lecture maximaliste de ce cadre légal en condamnant, notamment, la députée du Pas-de-Calais à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate. Par ailleurs, s’il n’est pas question de contester cette décision de justice - Marine Le Pen et les co-accusés pourront la contester en appel -, il n’en demeure pas moins que les conséquences du jugement peuvent paraître disproportionnées (l'élimination de Marine Le Pen dans la course à l'Élysée), voire politisées.

Faiblesse des arguments

En effet, pour justifier l’exécution provisoire de l’inéligibilité, la cour invoque en premier lieu un « risque de récidive ». Un argument que beaucoup pourraient qualifier de faible, si ce n’est d’hypocrite, étant donné que Marine Le Pen n’est plus députée au Parlement européen depuis 2017. La récidive est donc impossible. La cour avance, ensuite, comme argument le risque de « trouble à l’ordre public démocratique […] qu’engendrerait le fait que Marine Le Pen soit candidate, voire élue, par exemple, et notamment à l’élection présidentielle, alors qu’elle est condamnée pour détournement de fonds publics ». Un argument, cette fois-ci, bien plus politique… Et comment, alors, ne pas penser à cette petite phrase glissée par la procureur lors de son réquisitoire en novembre dernier ? La magistrate expliquait, sur l’un des points du dossier : « Je n'ai aucun élément, mais je ne peux pas demander la relaxe parce que ça me ferait trop mal. »

À cela s’ajoute un contexte plus global qui fait peser sur cette décision de justice des soupçons de politisation. Même si la décision a été prise en collégialité, le profil de la présidente du tribunal, qui précisons-le ne serait pas syndiquée, en interpelle plus d'un. En 2020, dans le podcast Déclic, elle expliquait ainsi avoir choisi de passer les concours de la magistrature à 37 ans grâce à Eva Joly, ancienne magistrate financière devenue candidate pour Europe Écologie Les Verts. « J’ai vu Eva Joly, j’ai eu envie de faire ce qu’elle faisait […] Elle a changé ma vie », déclarait-elle. D’autre part, en juin 2024, le Syndicat de la magistrature publiait un communiqué appelant « l’ensemble des magistrats ainsi que toutes celles et ceux qui participent à l’activité judiciaire à se mobiliser contre l’ascension au pouvoir de l’extrême droite ». Une déclaration qui, inévitablement, laisse planer un soupçon de politisation sur le travail effectué par l'ensemble des magistrats. Le risque est grand, avertit l'Institut pour la justice. « Nous sommes les premiers témoins du manque de confiance des Français en la Justice. Déjà 62 % des Français disent ne plus avoir confiance en la Justice », s'alarme l’Institut.

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

58 commentaires

  1. A l’annonce de ce verdict ahurissant (je parle de l’exécution provisoire seulement- ne connaissant pas le dossier je suis mal fondé pour émettre une opinion sur cette affaire), j’ai ressorti de ma bibliothèque cet excellent livre re de Régis de Castelnau: une justice politique. Tout y est écrit et disséqué. Oui il y a une justice politique dans notre pays, destinée à disqualifier des candidats de droite.

  2. Il sera particulièrement intéressant de suivre les promotions probablement spectaculaires qui récompenseront les magistrats composant la cour dans ce procès. Il faut être un simple d’esprit pour croire que la justice est indépendante.

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