Condamné pour agression sexuelle, il poursuit en Justice sa victime

La jeune femme est poursuivie pour avoir diffusé sur TikTok le visage de son agresseur.
@tingeyinjurylawfirm/unsplash
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Quand la victime se retrouve sur le banc des accusés... Mi-février, Louise était convoquée devant le tribunal correctionnel de Lyon. Victime d’une agression sexuelle, la jeune femme est poursuivie par son agresseur pour « diffamation » et « atteinte à la vie privée », après avoir publié sa photo sur TikTok en mars 2024. La partie civile réclame à l’étudiante 5.000 euros de dommages et intérêts.

La victime présente ses excuses

Septembre 2023. Louise, toute jeune étudiante, se rend à la soirée du bureau des étudiants d’une école de commerce de Lyon. Sur place, un étudiant, qu’elle ne connaît pas, l’agresse sexuellement avant de s’en prendre à une seconde jeune femme. Interpellé, l’individu est jugé rapidement dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Il écope, en première instance, de six mois de prison avec sursis, 800 euros de dommages et intérêts et 700 euros de frais de justice.

Dix mois plus tard, en mars 2024, une nouvelle tendance visant à publier une photo de son agresseur présumé ou coupable émerge, sur TikTok. Louise, utilisatrice du réseau social chinois, s'inscrit dans ce mouvement et partage alors le visage de son agresseur sur son compte. En légende, elle écrit : « Ça ne l’avait pas dérangé quand il y avait du monde, ça ne devrait donc pas le déranger que tout le monde le sache. » Le tout assorti d’un petit rond violet, symbole des violences sexuelles, sur ce réseau social. Mais alors que ses précédentes publications ne rassemblaient que quelques centaines de vues, son dernier post devient viral et cumule, rapidement, plus de 25.000 vues.

L’agresseur de Louise, reconnu par certains, raconte alors avoir été visé par des commentaires haineux. Selon son avocat, il aurait ainsi reçu « des menaces de mort et des injures raciales ». Le jeune homme aurait également fait « une tentative de suicide ». Une situation qui le conduit donc à poursuivre en justice sa victime.

Face à la cour, Louise assure ne pas avoir eu l’intention de « lui porter atteinte ». « Je voulais simplement raconter mon histoire et faire bouger les choses en montrant qu’on est beaucoup dans cette situation », explique-t-elle. Utilisatrice pour un usage personnel de TikTok, elle ne pensait pas que sa vidéo aurait un tel impact. Et elle ajoute : « C’était une erreur de publier cette vidéo et je la regrette. » « Ce n’était pas dans un but de vengeance », répète-t-elle, avant de présenter ses excuses à son agresseur pour « les conséquences » de sa vidéo. Mais la présidente lui rétorque qu’elle a dévoilé « à la Terre entière » le visage de son agresseur. Si elle n’était pas satisfaite du jugement rendu, elle aurait dû « faire appel », rappelle la magistrate. L’avocat de la partie civile dénonce, pour sa part, un<« lynchage » contre son client et demande donc 5.000 euros de dommages et intérêts. Le procureur prône la relaxe. Un jugement devrait être prochainement rendu. Contacté à ce propos, le tribunal de Lyon n’a pas encore donné suite à nos sollicitations.

Se faire justice soi-même

À l’instar de Louise, plusieurs femmes choisissent, également, de publier le visage de leur agresseur (présumé ou coupable) sur les réseaux sociaux. Sous les publications constatées par BV, beaucoup justifient leur action par un manque de confiance criant en la Justice. Certaines femmes déplorent, ainsi, de voir leurs plaintes classées sans suite ou leur agresseur condamné à des peines peu sévères. Ainsi, selon le ministère de l’Intérieur, en 2020, 112.000 adultes ont déclaré avoir subi un viol ou une tentative de viol. Mais si toutes les agressions ne mènent pas toujours à une plainte, seules 683 personnes ont, finalement, été condamnées pour des faits de viol. Résultat : certaines victimes décident de se faire justice elles-mêmes. Mais bien souvent, comme dans le cas de Louise, cela peut se retourner contre elles…

Le procès intenté à Louise n'est pas sans rappeler celui du vigile de Nantes qui avait décidé de rendre publique une vidéosurveillance dans laquelle on voyait une personne handicapée se faire violer dans un centre commercial. Poursuivi, notamment, pour « atteinte à l’intimité de la vie privée », il avait été écopé de six mois de prison avec sursis et était condamné à verser des dommages et intérêts à la victime de l'agression (soit), mais également à son agresseur... un clandestin algérien sous OQTF.

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

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