Confiance dans l’école : un rapport illustrant l’ignorance des rapporteurs

Comment restaurer la confiance entre les familles et l'institution scolaire ? Pour répondre à cette question, rien de mieux que de ne rien y connaître : on sera sans doute plus objectif !

C’est à cette tâche que se sont confrontées les députées Aurore Bergé (La République en marche) et Béatrice Descamps (UDI, Agir et indépendants). Ceux qui auront le courage de lire leurs conclusions ne seront pas déçus : leur rapport est à la hauteur de leur ignorance. Il ne vole pas haut et a légitimement suscité les réactions négatives des professeurs du terrain.

On y apprend, par exemple, que la plupart des enseignants, "issus des couches les plus favorisées de la population", sont déconnectés de la réalité. Il serait certainement utile aux enseignants qui arrivent en poste de connaître la « sociologie du quartier » dans lequel l'établissement est implanté. Propos scandaleux, quand on sait que les enseignants sont les seuls, à part les pompiers qui s’y font caillasser, à fréquenter régulièrement ces quartiers sensibles que nos deux parlementaires ne connaissent que par rapport interposé.

Ces professeurs subissent quotidiennement les « incivilités » d’une partie des élèves et cherchent, envers et contre tout, à les faire progresser. Nul doute que, s’ils connaissaient mieux la population de ces quartiers, s’ils se comportaient comme de « grands frères », les élèves feraient encore plus de progrès. De qui se moque-t-on ? S’il y a des déconnectés dans cette affaire, ce sont bien nos deux députées !

Elles recommandent également que les enseignants évitent de recourir à un vocabulaire "involontairement opaque". Mieux vaut, sans doute, parler le jargon des banlieues que le français académique. Au moins les élèves ne seront pas dépaysés ! On pourrait avoir recours à "des jeunes du service civique qui, bien souvent, viennent des mêmes quartiers que les parents en difficulté et partagent avec eux les mêmes codes sociaux". Ben voyons !

Autre préconisation : éviter, dans les bulletins scolaires, les remarques "désobligeantes voire stigmatisantes sur le long terme pour l'élève et son orientation". Outre que nos parlementaires ignorent que les remarques désobligeantes ont depuis longtemps disparu, y compris dans les établissements sans problèmes, on peut se demander si de ne pas stigmatiser le cancre le rendra plus sérieux.

Mais la bêtise de nos rapporteurs – ou, plutôt, rapporteuses à quatre chandelles – ne s’arrête pas là. Pour mieux intégrer les élèves, pour favoriser le retour à l'école des parents qui se sont "éloignés" de l'institution scolaire, il faut organiser des "prétextes inclusifs" et des "rituels positifs" (à croire que le non regretté Michel Lussault, ancien président du Conseil supérieur des programmes, a fait des émules). Par exemple, "une semaine du goût", où chaque parent pourra apporter "un plat de son pays". Avec cette recette miracle, les élèves s’assagiront à coup sûr et deviendront performants !

On constate que nos deux députées bien-pensantes remettent en cause le fonctionnement de l’école, mais se gardent bien d’évoquer la responsabilité du gouvernement et des législateurs. Car les regroupements ethniques, les établissements ghettos, ce sont les politiques qui les fabriquent. Pas question de permettre aux élèves qui veulent travailler de s’inscrire dans une autre école, pas question de créer dans les établissements d’éducation prioritaire des classes de niveau : on n’est pas élitiste, que diable !

On se donne bonne conscience en pondant des rapports sur l’enseignement dans les zones difficiles où, pour rien au monde, on ne mettrait ses propres enfants !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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