Conseil constitutionnel : un bâton de maréchal pour Ferrand

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Donc, ça sera Ferrand : Emmanuel Macron devrait désigner son fidèle Richard, macroniste de la première heure, pour succéder à Laurent Fabius. Un retour d’ascenseur – de ceux qui ne tombent jamais en panne, comme dans les barres d’immeubles – avec fauteuil en velours incorporé, garanti sur facture pour neuf ans. Un bâton de maréchal à celui qui fut socialiste durant des décennies et décida de franchir le Rubicon, un beau soir d'octobre 2016, en devenant le premier secrétaire général d’En marche !

Portrait-robot d'un parfait président du Conseil constitutionnel

Richard Ferrand, prochain président du Conseil Constitutionnel ? Lointain - mais alors très lointain – successeur de ces grands serviteurs de l’État que furent des hommes comme Gaston Palewski, membre du cabinet de Lyautey au Maroc, excusez du peu ? Ou encore comme Léon Noël, premier titulaire de la charge en 1959 ? Ce dernier, représentant le ministre des Affaires étrangères à Rethondes, en juin 1940, refusa d’apposer son paraphe à la convention d’armistice. De lui, le général de Gaulle écrivait, dans ses Mémoires d’espoir : « Tout ce que peut offrir une vaste expérience juridique, administrative, diplomatique et politique, quand elle est jointe à la valeur d'un esprit d'envergure et l'ardeur d'un patriote, Léon Noël l'apporte aux avis qu'il me donne sur le fonctionnement de nos nouvelles institutions.. Le portrait-robot de ce que devrait être un président du Conseil constitutionnel. Celui de Richard Ferrand ? On peut en discuter.

Nommer un petit copain : une tradition

Mais que voulez-vous, offrir un bâton de maréchal à un rescapé des campagnes macroniennes, ça vous donne le sentiment d’avoir fait Austerlitz… On ne peut d’ailleurs pas exclure chez Macron, en voulant désigner cet homme sauvé par le gong judiciaire de la prescription pour une obscure histoire de favoritisme supposé, la volonté de montrer « qui est Raoul » dans la maison. De provoquer, un peu, aussi. Certes, les présidents du Conseil constitutionnel n’ont pas toujours été de grands légistes. Beaucoup de législateurs, aussi. Le château fait même passer l’information que c’est devenu en quelque sorte une tradition que de nommer un ancien président de l’Assemblée nationale : Jean-Louis Debré, nommé par Chirac, Laurent Fabius par François Hollande. Mouais, disons que c’est une coutume. En revanche, ce qui est une tradition bien établie depuis plus de quarante ans, c’est, à l’évidence, de nommer un petit copain.

Passe-moi le sucre et reprends donc des viennoiseries !

En tout cas, si cette désignation se confirme, avec ses 64 ans au compteur, notre maréchal Ferrand pourra glisser tranquillement vers l’âge où l’on finit par se résoudre à regarder son avenir dans un rétroviseur, sauf lorsqu’on s’appelle Mélenchon. Ā moins que… cette nomination ne passe pas le casting du Parlement. En effet, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, « le président de la République ne peut procéder à une nomination [en l’occurrence du président du « Cons cons »] lorsque l'addition des votes négatifs, dans chaque commission [en l’occurrence, les commissions des lois de chaque chambre], représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés ». Au Sénat, les LR et centristes plus ou moins macronistes sont majoritaires et l’addition des opposants plus ou moins farouches (communistes, écolos et socialistes) est loin de constituer les trois cinquièmes de la commission des lois. Mi-janvier, rapportait récemment Le Figaro, Emmanuel Macron avait convié à tour de rôle les présidents Larcher et Braun-Pivet autour d’un petit déjeuner. On a dû discuter échange de bons procédés : passe-moi le sucre et reprends donc des viennoiseries avant de rentrer au palais du Luxembourg. Or, le président du Sénat doit, lui aussi, désigner un nouveau membre au Conseil constitutionnel. Son candidat serait le sénateur Philippe Bas. Une « élection » (le terme est impropre) lui est assurée au Sénat mais, dans une Assemblée nationale, façon puzzle, où les LR sont moins de cinquante, le soutien de la Macronie lui sera nécessaire pour obtenir le nihil obstat.

« Élection » de maréchal pour Ferrand ?

En revanche, pour Richard Ferrand, l'audition à l’Assemblée risque d'être plus compliquée s'il ne veut pas être « barré ». Éventualité qui n’aurait pas de conséquences sur sa nomination car, vraisemblablement, si on part de l’hypothèse que Larcher n'a pas ramené que des croissants en son palais, cela n’arrivera pas au Sénat. En revanche, la Macronie est largement minoritaire à la commission des lois du palais Bourbon (21 députés sur 73). Les députés RN, UDR, LFI, écolos et communistes sont 34. Il en faut 44 pour être désapprouvé. Les socialistes sont 9. Mais que feront-ils donc ? On ne sait plus trop, avec eux. Avec leurs voix, on aurait théoriquement 43 voix négatives. Il manquerait juste une voix pour que la candidature de Ferrand soit désavouée. Restent les LR, qui sont 6. Là encore, que feront les LR ? On ne sait jamais, avec eux, non plus. Et les trois députés LIOT ? En tout cas, un vote (à bulletin secret) négatif serait une gifle pour Ferrand et surtout pour Emmanuel Macron. Même si ça passe à l'Assemblée, ce ne sera pas une « élection de maréchal » pour le fidèles des fidèles.

L'enjeu

Maintenant, quel est l’enjeu de cette nomination, outre le petit plan de carrière de Richard Ferrand, dont on se contrefiche, et le petit orgueil d’Emmanuel Macron (dont on se fiche un peu moins !) ? C’est, nous l’avons évoqué récemment, l’après-Macron et surtout l’éventualité d’une accession de Marine Le Pen à l’Élysée. On peut imaginer que cela devienne une obsession chez tous ceux qui veulent que le système continue à tourner comme avant. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le titre de ce bouquin que l'énarque Pierre-Yves Bocquet vient de sortir : La "Révolution nationale" en cent jours. Allusion, façon grosse ficelle, à la révolution nationale du maréchal Pétain. Dans La Croix, cet ancien conseiller de Hollande à l’Élysée n’hésitait pas à déclarer, la semaine dernière : « Le RN a les moyens d’instaurer un régime autoritaire en moins de cent jours. » Le même, le 5 juillet dernier, à deux jours du second tour des législatives, signait une tribune dans Le Monde, avec Jean-Marc Eyrault, titrée : « Le scénario de la "priorité nationale", prévu par le RN, peut être enrayé ». Comment ? Notamment - on vous la fait courte - grâce à un Conseil constitutionnel qui déclarerait inconstitutionnelle l’organisation d’un référendum au titre de l’article 11. Vous avez compris ? Avoir plusieurs fers au feu : un bon maréchal-ferrant sait ça...

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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