Conservatisme : so British !
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Le conservatisme serait-il intrinsèquement lié à l’Histoire du Royaume-Uni, et à la vie politique britannique toutes formations confondues ? Votre serviteur approfondit cette question dans la revue trimestrielle Liberté politique.
Le sociologue radical Ralph Miliband défend l’idée que le Parti travailliste, en soutenant les institutions de la politique britannique, a en réalité réduit la classe ouvrière au silence et ainsi participé à contenir la « pression venue d’en bas » qui a conduit à la révolution partout ailleurs. Dans le même temps, il reconnaît à contrecœur que la capacité des institutions britannique à contenir les protestations du peuple explique la paix inégalée dont jouissent les Britanniques depuis la fin du XVIIe siècle. « Remplacez le verbe « contenir » par « répondre à », poursuit le regretté philosophe conservateur anglais Sir Roger Scruton, et cette phrase pourrait être la première étape d’une riposte de droite à la vision biaisée qu’avait Miliband de notre Histoire nationale. »
Au Royaume-Uni, le conservatisme y est repérable au premier coup d’œil, tels Big Ben, un autobus à impériale rouge à deux étages, un taxi noir, une iconique cabine téléphonique aux croisillons rouges qui perdure sans téléphone à l’intérieur, aussi intangibles que les Seven Sisters, ces falaises crayeuses de la côte sud de l’Angleterre ou la chasse aux renards. Ce qui caractérise ce conservatisme, c’est qu’il empreigne la littérature anglaise à tel point qu’il imprègne le peuple au fil des générations au grand dam de certains critiques modernes.
« Si vous vous approchez de moi à un arrêt de bus et murmurez “Ô toi, l’épouse encore inviolée de la quiétude”, alors je suis instantanément conscient que je suis en présence de littérature. Si les romans n’étaient pas jetés en pâture aux masses, elles pourraient réagir en dressant des barricades. » Le constat amer du marxiste Terry Eagleton, théoricien et critique de la littérature britannique, qui fait suite à l’évocation d’un vers du célèbre poème « Ode à une urne grecque », de John Keats, ne confirme-t-il pas, à son corps défendant, ce qu’écrivait Dickens sur la nécessaire conservation de ce qui nous vient de la sagesse de nos ancêtres, et le rôle conservateur, de fait, de la littérature anglaise ?
C’est la langue qui fait l’âme d’un peuple, l’homme, le pays… et c’est l’enjeu de la littérature. « Le vieux Marley, l’associé de Scrooge, était aussi mort qu’un clou de porte » (as dead as a doornail) : c’est ainsi que commence Un chant de Noël. Une histoire de fantômes pour Noël, de Charles Dickens. L’écrivain nous confie qu’il aurait lui-même plutôt parlé d’un clou de cercueil pour faire une métaphore sur la mort. « Mais la sagesse de nos ancêtres est dans l’analogie, et mes mains profanes n’y toucheront pas ; autrement le pays est perdu. » Tout le conservatisme so British tient dans cette phrase, un conservatisme qui est le socle de la civilisation britannique.
À l’ère de Boris Johnson, le conservatisme a plus que jamais le vent en poupe et vous comprendrez pourquoi, au fil de ces Réflexions sur le conservatisme anglais, il n’est ni un statu quo, ni un statu quo ante, mais un évolutionnisme. Cela pourrait nous inspirer. Constance Prazel, rédactrice en chef de la revue, parle de L’Impossible Conservatisme français, en ouverture du dossier sur ce « vent de conservatisme » qui souffle de la Russie aux États-Unis. Ayant pointé la logique de table rase qui est son opposé, elle propose de redonner un contenu valorisant au conservatisme (français) à travers le recours raisonné à l’Histoire via le patrimoine, et grâce à la reconstruction d’une culture de droite authentique. Excellent programme.
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