Constat lucide d’un fédéraliste : l’Europe, « moins que jamais une démocratie »
« Ce n’est pas un hasard si les élections européennes de juin 2024 se traduiront sans doute par une vague populiste. » L’homme qui conclut ainsi son article, ce 11 juillet, compte parmi les meilleurs connaisseurs, en France, de l’Union européenne. Jean Quatremer ne fait pas mystère de ses opinions très éloignées de la droite et de l’extrême droite. Correspondant européen de Libération, il est aussi chroniqueur sur France Info, LCP, LCI et Arte, des médias pas très opposés à l'Europe... Sa critique n’en a que plus de poids. « Peut-on avoir confiance dans les institutions européennes ? En un mot, non, et c’est un fédéraliste convaincu, l’auteur de ces lignes, qui l’affirme », lance-t-il, dès les premiers mots. Ce très bon connaisseur de la machine européenne sort le scalpel pour opérer à cœur ouvert. Le 26 juin, Quatremer racontait comment la Cour de justice de l’UE avait étouffé une affaire de violences sexuelles. Ce 11 juillet, il titre « L’Union européenne, moins que jamais une démocratie. »
Un entre-soi coupé du monde
Pourquoi ? « Faute de contre-pouvoirs, d’organes de contrôle indépendants et surtout de société civile européenne, [les institutions européennes] ont pu organiser leur irresponsabilité », tranche Quatremer. Comment ? « Chaque organe protège l’autre par souci de se protéger lui-même, la chute d’un domino risquant d’entraîner tous les autres. » Le journaliste ne cache pas sa déception. « On ne peut que constater, à regret, dit-il, que l’Union européenne (UE) est devenue un fromage dans lequel les États et les partis politiques placent leurs affidés qui considèrent, tel un Vatican dévoyé, que l’idée européenne est leur propriété. » En clair, dans les couloirs tranquilles de ces administrations coupées de la dureté du monde, la démocratie s’est évaporée comme une flaque d’eau sous la canicule. Il fait si bon être ensemble, loin des grondements du peuple, l’avenir assuré, la solde et la satisfaction de soi en bandoulière.
On est loin, là, des ouvriers désespérés par la délocalisation de leur usine, tant l’Europe est devenue l’épouvantail des industriels, des paysans tentés par le suicide, tant l’aumône donnée par l’Europe à cette profession qui fut si fière de son indépendance farouche est devenue humiliante. Quatremer décrit ce que nous savons et dénonçons à BV : un entre-soi coupé du monde, dans lequel la démocratie n’a plus de prise.
Il y a pire : l’Europe ne gère plus les affaires courantes mais cette machine rien moins que démocratique se substitue aux États. « Ce qui pouvait à la limite passer à l’époque du "marché commun" est devenu intolérable à l’heure où les compétences de l’UE touchent désormais au cœur des souverainetés nationales (défense, énergie, État de droit, valeurs, etc.) », analyse avec raison Quatremer. La confiscation de la France et du droit de son peuple à décider son destin se fait ainsi sans tambour ni trompette, à la sauvette.
Jean Quatremer a raconté, ailleurs, comment la Cour de justice de l’Union (CJUE) a tranquillement « étouffé une affaire de violences sexuelles qui auraient été commises par l’un de ses juges contre une subordonnée ». L’impunité règne dans ces milieux convaincus de respirer au-dessus des nations et de leurs lois. Personne pour contrôler ces juges qui se sont eux-mêmes drapés dans une forme d’immunité diplomatique. Tout le monde se tient, constate Quatremer : les juges nommés par les États, les députés qui soutiennent les dirigeants desdits États et les européistes qui tremblent devant la CJUE « considérée, à raison, comme le garant d’une intégration communautaire toujours plus étroite ».
Fraudes impunies
Mais, direz-vous, les médias, la télévision, la radio, la presse, n’est-ce pas leur fonction de dénoncer cette dérive folle ? Leur devoir ? Hélas, la presse « a toujours été mal à l’aise avec les affaires mettant en cause les institutions de peur de porter atteinte à l’image même de l’Europe », répond Quatremer. C’est un peu le syndrôme de l’immigration en France : l’idéal sans-frontiériste est si grand, si beau, qu’il vaut bien un silence, voire même un bon gros mensonge, et pourquoi pas plusieurs...
Le correspondant à Bruxelles cite plusieurs fraudes restées impunies. Il n’évoque pas l’affaire des valises de billets de la députée grecque Kaïlí et de ses amis. Sans doute parce que l’affaire est en cours. C’est ainsi un tableau réaliste, étayé, qui surgit, à un peu plus d’un an des élections européennes, alors que le récent accord noué avec la Nouvelle-Zélande ou la loi Restauration de la nature alourdissent encore un peu plus l’angoisse des Français impuissants devant le rouleau compresseur européen. L’Europe menace les peuples, les écrase et les gouverne sans leur avis, avec la bénédiction des macronistes aveugles. La campagne européenne mettra-t-elle sur la table l’ampleur du désastre ?
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41 commentaires
Y aurait il, même chez les eurolâtres convaincus, une lueur de lucidité sur le caractère de plus en plus antidémocratique du fonctionnement des instances européennes ? Mais que faire pour sortit de cette situation, sinon prôner un frexit, que tant que Macron est là, n’a aucune chance de trouver un semblant de concrétisation, le dit Macron ne croyant plus à l’existence de la France.