Constitutionnalisation de l’avortement : le RN a-t-il évité un piège ?

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Mardi 30 janvier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi pour inscrire la « liberté » de recourir à l’avortement dans la Constitution. Un texte voté très majoritairement par 493 voix pour et seulement 30 voix contre. Il doit maintenant passer par le Sénat le 28 février, puis, mais à la seule condition que le Sénat présente le même texte, rassembler enfin une majorité des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès à Versailles le 5 mars.

D'une main le réarmement démographique et de l'autre l'avortement

Si Marine Le Pen n’a eu de cesse de le répéter - « Cette agitation ne me paraît pas justifiée. Nous ne sommes pas les États-Unis et aucun parti n’envisage de changer notre législation » -, cette dernière, ainsi que 45 autres députés de son groupe, a quand même soutenu le projet de graver l’avortement dans le marbre de la Constitution. La France, qui subit un vieillissement de sa population sans précédent et qui aurait plus que jamais besoin de ce fameux « réarmement démographique », faute de quoi les naissances d'origine extra-européenne y seront majoritaires dans vingt ans, est donc « en même temps » en passe de devenir le premier pays en Europe à reconnaître dans sa Constitution la liberté de recourir à l'avortement !

Julien Odoul, député RN de l’Yonne, a voté pour ce projet de loi. Joint par téléphone, il nous explique que « ce texte ne va rien apporter de plus, il ne va rien changer s’il est voté en Congrès. Mais qu’une très large majorité du groupe s’est exprimée pour, tout en critiquant et en dénonçant la manœuvre lamentable de la majorité qui a essayé de tendre un piège grossier. » Réaffirmant ainsi la position du parti à la flamme sur le sujet de l’avortement - « Le RN est favorable aux droits des femmes à disposer de leur corps et, donc, de l’accès à l’IVG qui n’est évidemment pas remis en cause » -, Julien Odoul déplore le glissement du débat sur des questions de fond : « On voit bien que cela a été instrumentalisé par le président de la République pour en faire un débat sur l’accès à l’IVG, avec des fins bassement politiciennes pour faire diversion, pour essayer d’inventer une menace qui n’existe pas aujourd’hui. » En outre, le député de brandir cet autre péril qui a fait figure « d’angle mort dans ce débat : la menace islamiste, le seul vrai danger, demain, pour l’accès des Françaises à ce droit qu’est l’IVG ».

Le RN, un parti progressiste ?

Mais quid des voix dissonantes sur l’avortement au RN ? Hervé de Lépinau, député du Vaucluse, qui a voté contre ce projet de loi, nous confie que « même si nous ne sommes pas d'accord sur tous les sujets, nous essayons de garder une certaine cohésion. » Pragmatique, le député acte que « 90 % des députés sont favorables à la constitutionnalisation de l'avortement, et que la majorité des Français se moque totalement de ce sujet », il appelle donc à « changer de braquet, et lutter contre les causes de l'avortement : précarité économique de la femme, violences intra-conjugales, insécurité qui conduit aux viols et agressions sexuelles, maladies génétiques...» Quant à la catholique pratiquante Laure Lavalette, députée du Var, qui avait signé, en 2014, un texte demandant aux élus locaux de soutenir, pour les élections sénatoriales ou l'élection présidentielle, les candidats s'engageant, entre autres, à « abroger, à terme, le droit à l'avortement », et en démentant, en 2022, être contre l'avortement, (que nous n'avons pas réussi à contacter), elle était dans l'impossibilité de se rendre à Paris ce mardi, ce qu'elle a regretté amèrement selon une source proche.

Les voix conservatrices comptent-elles encore au Rassemblement national ? Pour Julien Odoul : « Il faut tordre le coup à cette idée que l’électorat du RN est un électorat conservateur. Sur les questions sociétales, l’électorat du RN est quelquefois, d’ailleurs, très en avance sur un certain nombre de questions qu’il ne juge pas fondamentales et qui ne l’obsèdent pas matin, midi et soir. Notre électorat est de plus en plus étoffé et divers, rassemble toutes les catégories, et en cela, nous sommes cohérents avec ce que demandent la majorité des Français. » Hervé de Lépinau nuance : « Les questions sociétales ne sont pas la préoccupation de Julien Odoul. Mais si nous prenons le pouvoir en 2027, je pèserais de tout mon poids pour que l'on mette en place une véritable politique familiale permettant de réduire le nombre d'avortements ».

Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

80 commentaires

  1. Inscrire les embryons morts dans la constitution est une honte sociale. Comment un peuple peut-il se structurer autour d’un acte d’entrave ? Car la constitution c’est ce qui structure un peuple. C’est pas parce qu’on veut protéger un droit que c’est une cause civilisationnelle en devenir. Et pour finir, on met la liberté d’avortement dans la constitution, mais on ne met pas la liberté de grossesse dans la constitution, c’est aberrant.

  2. En aucun cas, je ne voterai pour un député (ou un parti) qui aura voté pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Car cela dénaturerait complètement la loi Veil de 1975 qui était une loi d’exception. Il ne s’agit pas de remettre en cause cette loi. Et la liberté de pratiquer un avortement n’est remise en cause par personne en France. Mais les conditions d’accès à l’IVG ont sans cesse été élargies depuis 49 ans. Elles doivent rester exceptionnelles. Les symboles ont leur importance, si une liberté fondamentale devait être inscrite dans la Constitution de la France, ce serait celle du respect de toute vie humaine dans notre pays, immigrée ou non, à naitre ou proche de sa fin…

  3. Avec de confortables indemnités et avantages en tous genres ( qu’ils s’octroient eux-mêmes), les politiques ne deviennent pas députés par conviction, mais par intérêt personnel.
    C’est pour cela que tout va si bien…

  4. Bravo! dans 20 ans, peut-être un peu plus, mais certainement, les Français d’origine vont devenir minoritaires.
    Inexorablement, c’est la population musulmane qui va devenir majoritaire. Elle est déjà entrain de le devenir.
    Les Français l’auront bien cherché, et il sera trop tard.

  5. On aime…ou pas! le RN a depuis des années tenté de bénéficier d’espace médiatique. Voter contre la constitutionnalisation leur aurait surement fait de la pub, mais les aurait probablement ostracisés. Font-ils confiance au sénat pour détricoter cette inscription? J’ai peur que le Sénat ne soit pas unanime ni suffisant. Ça n’est que depuis l’arrivée de MLP que l’avortement n’est plus combattu par le RN. C’est la raison pour laquelle je ne vote que rarement pour le RN

  6. A ma connaissance, la France est le 1er pays au monde à graver dans sa constitution la peine de mort contre les créatures humaines les plus faibles et les plus vulnérables.
    Elle le paiera très cher.

  7. Ils auraient pu « en même temps » pour gagner du temps, inscrire aussi dans la constitution, l’euthanasie pour les vieux qui ne peuvent plus travailler, comme le préconise Jacques Attali, contrairement aux bébés, ils ne sont pas l’avenir. Je pense que nous y arriverons…….Pauvre France!

  8. La prochaine étape est d’inscrire dans la constitution le droit de changer de sexe, le droit de vivre en trouple, les droits échangistes Etc….l´avenir tout en rose.

  9. Décidément, le RN et LR n’osent plus affirmer leurs valeurs traditionnelles et se renient pour essayer de plaire au lobby progressiste. C’est triste. Il faut chercher ailleurs la défense des plus faibles.

  10. En tant que croyant et patriote, je ne comprends pas ce soutien apporté par le RN à cette reconnaissance du droit à l’avortement alors que notre pays est déjà fragilisé par la dénatalité, c’est stupide; c’est une erreur stratégique majeure !

  11. « On voit bien que cela a été instrumentalisé par le président de la République pour en faire un débat sur l’accès à l’IVG, avec des fins bassement politiciennes ». Alors pour quelle raison le voter? Prochaine étape, l’intégration dans la majorité macronienne?

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