Contrôle « humain » des chômeurs : bouleversement profond ou réformette ?

Mme Pénicaud, ministre du Travail, vient de déclarer qu’elle refuse un contrôle automatique des demandeurs d’emploi. Celui-ci sera exercé d’une manière "humaine", notamment sur un point essentiel : la notion d’une offre "raisonnable" d’emploi.

Jusque-là, les critères pour la définir étaient géographiques et financiers et étaient appliqués d’une façon mécanique. Maintenant, le conseiller et le demandeur d’emploi établiront ensemble ses caractéristiques lors de l’inscription à l’UNEDIC. On ne peut qu’approuver, car parfois des emplois inappropriés étaient proposés (situés dans des villes où le chômeur ne pouvait pas se rendre faute de transports publics adaptés ou de véhicule personnel, travail où la qualification demandée ne correspondait pas aux compétences du demandeur d’emploi).

Cette définition conjointe sera importante, car les sanctions en cas de refus injustifiés seront accrues : l’allocation sera suspendue pendant un mois pour la première infraction, deux mois la deuxième et quatre mois la troisième. En outre, à partir du second rejet, l’allocation sera définitivement amputée.

Jusqu’à présent, des sanctions existaient, mais elles n’étaient jamais appliquées ou presque (77 en 2017 !). Le but est, désormais, d’y avoir systématiquement recours pour motiver les demandeurs d’emploi.

Ceux-ci, dans deux ans, devront tenir un carnet de bord de leurs recherches et le montrer systématiquement à leur conseiller. Pour l’instant, cette mesure sera testée dans deux départements avant d’être étendue à toute la France.

Selon le ministre (mais ses chiffres sont proches de la réalité), 66 % des demandeurs d’emploi cherchent de manière active un nouvel emploi et n’encourent aucun reproche, 20 % sont découragés car ils sont inscrits depuis longtemps à l’UNEDIC sans avoir rien trouvé, et 14 % profitent du système (ils ne font aucun effort). C’est cette dernière catégorie qui sera visée par les nouvelles sanctions et le travail des conseillers sera de distinguer les profiteurs des découragés, ceux devant être remobilisés et remis sur les rails.

D’autres sanctions seront allégées : refuser une formation n’entraînera plus de rétorsion, l’absence à un entretien avec un conseiller induira une suspension des allocations de quinze jours au lieu de deux mois. Il y avait, dans ce domaine, quelques abus : chômeur malade dont le certificat médical n’était pas pris en compte, demandeur d’emploi qui ne recevait pas de convocation.

Mais ces mesures ne sont pas la révolution annoncée. Elles ne sont que des adaptations aux réalités du terrain et ne changeront pas grand-chose. Désormais, cinq cents chômeurs seront sanctionnés chaque année pour non-recherche d’emplois, guère plus, car un profiteur arrivera toujours à se justifier. Il écrira quelques lettres à des entreprises en choisissant celles dont il est sûr qu’elles ne l’embaucheront pas. Ces annonces sont symboliques de la méthode de gouvernement de M. Macron : faire croire à des bouleversements profonds lorsqu'il ne s’agit que de petits ajustements (bienvenus !).

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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