Corse : le syndrome de Munich (2)
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L’article 72 autorise les collectivités territoriales à "déroger à titre expérimental et pour un objet et une durée limitée aux dispositions législatives". Malgré sa prudente rédaction, son application se heurte à des objections de taille. N’y a-t-il pas, d’abord, incohérence à magnifier d’un côté une "Corse, au cœur de la République" et, en même temps, vouloir l’exiler dans un article de la Constitution ? On ne met pas la Corse au piquet ! On ne remédie pas à l’insularité géographique par l’insularité constitutionnelle. De plus, il n’est pas prévu de s’assurer de l’indispensable consentement de la population insulaire, comme on y procéda au moins en Nouvelle-Calédonie.
L’autonomie constitutionnelle est doublement dommageable, pour la Corse et la nation.
S’agissant de la Corse, il faut d’abord faire voler en éclats le dogme de l’insularité, synonyme d’autonomie. L’insularité n’est qu’une donnée géographique. L’autonomie procède d’un choix politique souverain que n’a même pas fait le lointain département de Mayotte. Le traitement des handicaps de l’insularité ne nécessite aucunement un recours à un artifice constitutionnel, sauf idée derrière la tête. Il impose simplement un « Pacte de continuité territoriale » relevant de la loi et prenant en compte tous les aspects de la question, et pas seulement le domaine des transports comme jusqu’ici. L’insularité se soigne mieux par des mesures concrètes de soutien économique et social que par une aventure constitutionnelle. L’autonomie, constitutionnelle ou pas, compromet par étymologie l’assurance tous risques de la solidarité nationale, vitale pour la Corse - région pauvre. En la matière, les intérêts du bon peuple, dont « la patrie est la seule richesse », divergent carrément de ceux d’un néo-clanisme dominateur, avide de pleins pouvoirs.
Quant à la nation, l’autonomie de la Corse dans la Constitution pourrait se révéler un cancer à métastases inoculé à la République. Comment pourrait-on, en effet, en refuser le bénéfice à d’autres régions qui frappent déjà à la porte ? Cette sorte de vente par appartements de la maison France la ferait régresser au Moyen Âge. En cela, la question corse est devenue cause nationale majeure, appelant une solution nationale qui ne soit plus de facilité.
En définitive, le projet de l’autonomie de la Corse dans la Constitution est irrecevable. Mais n’est-il pas, de surcroît, voué à l’échec ? Battant en brèche les principes intangibles d’unité et d’égalité de la République, il y a tout lieu de penser que cet accroc ne pourra pas normalement franchir les fourches caudines du Conseil constitutionnel ou du Congrès du Parlement. Il est, alors, probable que l’on va de nouveau effeuiller l’artichaut institutionnel pour accoucher d’un cinquième statut particulier encore plus « corsé ». Et l’on repartira pour un tour !
À moins que les hautes autorités qui président au destin du pays ne s’arment d’audace réformatrice et ne prennent, enfin, le taureau par ses cornes girondines. Plutôt qu’un énième statut particulier pour la Corse, il serait salutaire d’inventer un nouveau statut général pour la France, procédant d’une refondation radicale de son architecture administrative. Par pleine application du principe de subsidiarité, toutes les régions devraient accéder à une même autogestion administrative, hors domaine régalien bien évidemment, et au moins égale à celle de la Corse aujourd’hui. La diversité peut parfaitement s’épanouir dans l’unité. Son exception insulaire doit valoir à la Corse l’exception d’un « Pacte de continuité territoriale » défendu plus haut. En fait, l’autogestion, c’est le droit à la différence expurgée de la différence des droits. C’est l’autonomie sans ses inconvénients et dans la sécurité. C’est dans ces pleines retrouvailles avec une République modernisée que la Corse s’y ancrera le mieux, et non dans un recoin de la Constitution.
Cette « régionalisation pour tous » concilierait la libre expression des légitimes identités provinciales (Corse comprise) et l’incontournable unité nationale. Et on peut penser que cette réforme historique obtiendrait l’adhésion du peuple souverain.
Pour en finir une fois pour toutes avec Munich !
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