Couple en safari : où est notre Président, si prompt à faire la leçon sur les zones dangereuses ?

VILLACOUBLAY

Ma grand-mère, qui n'avait jamais quitté son département du Sud-Ouest, serait considérée comme la pire des arriérées par notre Président, Nathalie Loiseau et tous les adeptes de l'ouverture, et de tous les jeux sans frontières – safaris compris. Elle, elle ne connaissait que les gentils « Jeux sans frontières » de Guy Lux. Et pourtant, cette grand-mère, qui n'avait que son certificat d'études, avait des conseils de « bon père de famille » (sa façon à elle d'être féministe) qui, par les temps qui courent, ressemblent à des leçons géopolitiques de haut vol qui en remontreraient à beaucoup de nos énarques et de nos globe-trotters.

Jugez plutôt : du fin fond de son village, elle nous adressait toujours deux mises en garde. Primo, « évitez les foules, les manifestations. Un mouvement de panique peut vite dégénérer ! » Elle est morte quinze avant que les Black Blocs et le maintien de l'ordre façon Castaner lui donnent raison. Et d'ailleurs, sur ce point, elle aurait été bien d'accord avec le Président Macron quand celui-ci, il y a un peu plus d'un mois, avait fait la leçon à Mme Legay, 73 ans, qui avait manqué de « sagesse » en se rendant à une manifestation de gilets jaunes, un samedi, à Nice. Elle avait été violemment bousculée lors d'une charge policière. Nice est en France et n'est pas une zone dangereuse infiltrée par des djihadistes. Quoi que... Nice, 14 juillet 2016, aurait sans doute dit ma grand-mère, avec son esprit de l'escalier géopolitique. Mais ma grand-mère aurait aussi approuvé Geneviève Legay dans sa réplique au Président Macron, qui, selon elle, est bien celui qui « manque de sagesse ».

Sa seconde leçon concernait nos destinations touristiques ou de travail à l'étranger : « Non, ce pays-là, il ne faut pas. Tu sais bien. C'est trop risqué. Ils ne nous aiment pas. » Et sa liste rouge, ou noire, s'allongeait d'année en année. Il se trouve que l'État français a lui aussi établi des listes rouges de pays considérés comme dangereux, ou à risques. La zone de safari des deux otages français faisait partie de cette liste.

« Quand on est fragile, qu'on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci. »

Telle était la leçon d'Emmanuel Macron à Mme Legay et, au-delà, à tous les Français désireux de manifester. Il parlait de lieux situés en France. Il n'y eut, bienheureusement, dans l'affaire Legay, pas de mort, ni du côté de la police ni du côté des manifestants.

Il en est tout autrement avec l'opération de libération des deux otages par nos forces spéciales. Il y a eu des morts et la zone était autrement dangereuse que Nice.

J'ai entendu les recommandations bien polies du ministre Le Drian, ce samedi : « La zone où étaient nos deux compatriotes était considérée, depuis déjà pas mal de temps, comme une zone rouge, c’est-à-dire une zone où il ne faut pas aller, où on prend des risques majeurs si on y va. » Il semblerait que ce ne soit pas tout à fait exact. Question de zonage. Mais, au fond, peu importe, qui peut penser un seul instant que la zone sahélienne et ses marches soient sûres ?

En revanche, je n'ai pas entendu la leçon du Président Macron : « On ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci. »

S'il s'est permis de faire la leçon à une dame de 73 ans, peut-être aurait-il pu la rééditer pour les « deux garçons » (ainsi étaient-ils appelés par certains membres de leur entourage) de 46 et 51 ans, notre garçon-président de 41 ans ?

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