Course aux parrainages : la prime aux losers ?

Nathalie Artaud

La campagne se suspend un instant. Le Pen et Zemmour ont annulé leurs déplacements pour trouver leurs ultimes parrainages. Une pause bienvenue dans une campagne à la fois bavarde, violente et terriblement révélatrice de l'essoufflement de notre système démocratique. Mais aussi l'occasion de regarder à quel point le système est en échec.

Prenons cette histoire de signatures d'élus, par exemple. Jusqu'en 1976, date du vote d'une loi organique, il en fallait 100, afin d'éviter les candidatures fantaisistes. L'élection de 1981 sera la première à entériner le principe des 500 parrainages. François Hollande ajoutera une couche de complexité, en rendant obligatoire la diffusion des noms des parrains, ce qui mettait ainsi les élus locaux sous le feu des projecteurs. On peut certes comprendre que ce soutien - qui, formellement n'en est pas un - à des candidats doive être assumé, surtout pour des enjeux aussi importants, mais, par ricochet, les élus sont devenus prisonniers des consignes de leurs partis et, plus largement, du système, comme on dit, la majorité des maires n'étant pas encartée.

Alors, dans un paysage politique français où les équilibres se recomposent de plus en plus vite, les vieux partis, morts et enterrés au niveau national, bougent encore à l'échelon local. Mieux : ce sont eux qui, finalement, tiennent le haut du pavé.

Ainsi, un petit coup d'œil sur les noms des candidats qui ont déjà, à ce jour, leurs signatures vous surprendra peut-être : on trouve évidemment Valérie Pécresse, forte d'un réseau LR profondément ancré ; on trouve aussi Emmanuel Macron, pas encore candidat, mais qui peut compter sur l'obéissance aveugle de gens qui lui doivent tout - ou quand le « monde d'après » n'a jamais autant ressemblé au monde d'avant… Il y a également Anne Hidalgo, du haut de ses 2 % (selon les plus optimistes), qui revendique 1.177 parrainages ! Plus surprenant encore, les Shirley et Dino du stalinisme, Nathalie Arthaud et Fabien Roussel, peuvent compter respectivement sur 559 et 582 parrainages. Jean Lassalle, avec 561 parrainages et moins de 1 % d'intentions de vote, a passé le cap, lui aussi. Tout comme Yannick Jadot.

Et les autres ? Mélenchon, donné à 10 %, a 442 signatures. Marine Le Pen, à 16 %, en a 393. Éric Zemmour, à 15,5 %, seulement 350. En d'autres termes, trois candidats qui regroupent près de 40 % des intentions de vote ne sont pas encore sûrs de pouvoir concourir à l'élection présidentielle. On peut, comme Anne Hidalgo, considérer que si l'on n'a pas 500 parrainages, c'est qu'on ne mérite pas de concourir. On peut aussi se dire que tout cela n'est pas très démocratique ; on peut même en conclure que la démocratie française sent le sapin.

Parmi les gestes courageux, à contretemps, on peut citer celui de David Lisnard, président (LR) de l'Association des maires de France. Pour montrer qu'un parrainage ne valait pas soutien, et parce que sa candidate avait déjà son content de signatures, il a parrainé Jean-Luc Mélenchon. En voilà au moins un qui n'a pas oublié à quoi servait le débat démocratique. Puissent les élus suivre son exemple... et pas celui d'Olivier Véran. Décidément brillant, le ministre de la Santé a déclaré, ce week-end, que les candidats qui n'avaient pas leur 500 signatures étaient « déconnectés » des élus locaux, à qui ils n'auraient pas réussi à « faire envie ». Je laisse l'analyse de ces propos bruts à votre sagacité.

L'élection, on en est certain à présent, se joue entre le centre et les périphéries, entre les enfants du système et les laissés-pour-compte. Les centristes de la mondialisation heureuse ont leurs parrainages ; leurs idiots utiles (Roussel, Arthaud) aussi. Jean Lassalle, dernier avatar, incroyablement sympathique mais terriblement inutile, de la rébellion des provinces, aussi. Qu'en sera-t-il des trois véritables contestataires ?

Jean Castex vient d'exhorter les élus à soutenir des candidats. Sur les 42.000 parrains (et marraines) potentiels, il n'y en a, en effet, que 10.000 qui aient donné leur signature. C'est peu. Mais c'est facile à dire quand on ne tremble pas pour ses subventions. À force de petites lâchetés individuelles, on peut toujours dénoncer la disparition des valeurs, ma bonne dame, mais il ne faut pas s'étonner.

Plus cocasse est la réaction de Sandrine Rousseau, qui est prête à accepter l'idée d'un réservoir de parrainages, mais... seulement pour celles-et-ceux qui font partie du jeu démocratique ; « Éric Zemmour et Marine Le Pen n'en font pas partie », précise-t-elle immédiatement à l'attention des malentendants. Alors que les communistes, si. Ces gauchistes sont impayables !

Décidément, quelque chose ne va pas dans ce mode de désignation. À propos de démocratie malade, on attend toujours, évidemment, l'annonce de la candidature du Président sortant.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

51 commentaires

  1. il est plus judicieux d’accorder son parrainage a un candidat n’ayant aucune chance d’etre élus qu’a des candidats représentant plus de 14% d’intentions de votes a vaincre sans péril on triomphe sans gloire honte a Macron qui se cache derrière une candidature pas encore déclarée

  2. si les » trublions » Z, MLP, MEL, ne sont pas de la partie, je pense que la vie en France risque de devenir un peu agitée pour le nouveau président(e)

  3. Tout ça à cause de Hollande ! Pourquoi aucun média ne l’a interrogé sur cette mesure antidémocratique votée sous son quinquennat ? C’est curieux , non ? ! Mais comme il appartient au camp de la bienpensance , pas touche !

  4. Si dans les attendus de ces dispositions il est précisé qu’elles ont pour but d’écarter les fantaisistes, il va de soi que les trois candidats qui feraient 40% ne le sont pas!
    En conséquences ils ne sont pas concernés par elles!

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