Covid : Eric Clapton parti en croisade contre la tyrannie hygiéniste ?

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Le show-biz a ceci de caractéristique qu’on l’entend plus souvent lorsqu’il n’a rien à dire - antiracisme à la noix ou pacifisme de bazar – alors qu’il se tait dès lors qu’il y a vraiment matière à débat. Heureusement, quelques exceptions demeurent et il faut bien avouer qu’en la matière, ce sont généralement les cheveux blancs qui foutent un sacré coup de vieux aux jeunes générations.

Ainsi, devant les restrictions grandissantes de nos libertés les plus élémentaires, qui pour défendre ces dernières ? Van Morrison, éternel grincheux irlandais, grand druide de la soul celtique – qui n’a pas écouté l’album Astral Weeks au moins une fois dans sa vie l’a un peu manquée –, et Eric Clapton, déjà cité en ces colonnes pour son opposition à l’actuelle dérive hygiéniste. Avec le single « Stand and Deliver », les deux compères avaient déjà frappé fort. Là, ils récidivent.

Avec ce nouveau titre, « The Rebels », ils se demandent ainsi où sont passés les rebelles en question, ceux d’hier un peu à la retraite, et ceux d’aujourd’hui dont la rébellion peut parfois faire figure de rente, à vie ; ces « anarchistes d’État » si bien dépeints par le regretté Philippe Muray.

En la matière, Eric Clapton n’a évidemment de leçons à recevoir de personne. Il est le premier à faire fuir les ingénieurs du son en exigeant que l’ampli Marshall de sa guitare Gibson soit enregistré à fond, quitte à faire s’écrouler les murs du studio. Il est hippie quand ce n’est pas encore la mode, s’habille en bouseux country rock quand ses confrères rivalisent de costumes efféminés. Puis défend Enoch Powell, sorte de Jean-Marie Le Pen, estimant qu’il y a trop d’immigrés en Angleterre alors que d’autres n’en pincent que pour le « vivre ensemble »…

Entre-temps, le présumé raciste fait découvrir le reggae au monde entier : sans sa reprise de « I Shot the Sheriff », Bob Marley fumerait encore des joints dans son ghetto jamaïcain de Kingston. Tant qu’à faire, Clapton redonne nouvelles vie et carrière à des hordes de bluesmen noirs tant fauchés qu’oubliés. Pour tout arranger, alors que les révolutionnaires d’alors sont en peau de zébu, tous plus ou moins issus de la bourgeoisie, les Clash au premier rang, lui n’en finit plus de revendiquer ses racines ouvrières, même si ami d’un autre foutraque de plus haute lignée : le prince Charles himself.

C’est donc très logiquement que le duc de Clapton, à 76 printemps révolus, annonce : « Je souhaite dire que je ne me produirai sur aucune scène faisant face à une audience discriminée. […] À moins qu’un protocole permette à chacun d’entrer, je me réserve le droit d’annuler le concert. » Une décision qu’il semble aujourd’hui payer au prix fort : « Mon téléphone ne sonne plus très souvent », dit-il à propos de ses confrères musiciens. Pis : « Je ne peux plus parler à ma famille et à mes enfants, c’était comme s’ils avaient subi un lavage de cerveau. » Bienvenue au club, cher maestro. Club d’autant plus restreint que, pour le moment, les seuls à l’avoir rejoint sont des vedettes de moindre envergure, tels Ian Brown, des Stone Roses, ou encore James Hetfield, de Metallica.

Et c’est précisément pourquoi, dans ce titre chanté en duo avec Van Morrison, « The Rebels », les deux compères en appellent à l’insolence d’autrefois, convoquant dans un joli clip les figures des défunts ou des endormis plus ou moins consentants, Jimi Hendrix et Bob Dylan, Janis Joplin et Patti Smith, James Brown et Mick Jagger, Lemmy Kilmister de Motörhead et Grace Slick du Jefferson Airplane.

En attendant, « the blues keeps us alive ». On a connu feuille de route plus vilaine…

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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