Crèches privées : le scandale qui va exploser !

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C’est un livre qui devrait faire autant de bruit que la bombe lancée par Victor Castanet sur le leader privé des EHPAD Orpéa. Prévu le 8 septembre aux Éditions du Seuil, Le Prix du berceau, de Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse, promet d’être tout aussi violent. Mais est-ce surprenant ?

« Franchement, je n’y apprendrai rien. » Cette auxiliaire en puériculture parisienne, contactée par nos soins, a suivi de très près les premiers articles évoquant l’ouvrage. Elle s’y retrouve dans chaque exemple donné. Elle travaille dans une structure privée rachetée, il y a un an, par un grand groupe. Et elle a vu la différence. « Au niveau des produits d’entretien, on est passé des produits bio adaptés aux petits enfants aux produits industriels à bas coût », pointe-t-elle. Un changement qui en a appelé d’autres : « Couches de moins bonne qualité et rationnées » ou encore « la suppression alternée d’une entrée puis d’un dessert d’un jour à l’autre » censée amortir les coûts.

Dans le viseur tout particulièrement, les grands groupes privés tels que « Les Petits Chaperons rouges », « Babilou » ou encore « People & Baby ». De quoi écorner l’image de ces structures dont l’un des présidents, Jean-Emmanuel Rodocanachi (Les Petits Chaperons rouges), recevait le prix de « meilleur entrepreneur de l’année » des BFM Awards en 2021 et déclarait à l'occasion, sur le plateau de la chaîne, vouloir « faire de l’enfance et de la petite enfance une cause nationale ».

Maltraitance et turnover

« Quelle joie de faire une série de conférences devant toute la communauté de managers des Petits Chaperons rouges… oui oui, les crèches. Plus de 800 personnes écouteront mon message autour du management bienveillant et de l’optimisme. » Le post LinkedIn plein d’allant de l’auteur et conférencier Gaël Chatelain-Berry illustre parfaitement le propos. Car le pionnier du « management bienveillant » pourrait bien être impuissant à enrayer l’une des difficultés de ce groupe : l’impressionnant turnover des effectifs… qui concerne aussi les cadres ! « On tourne avec une nouvelle directrice tous les deux ans », soupire la salariée d’un de ces groupes auprès de BV. Traque des coûts, acharnement à remplir les effectifs au moindre enfant absent, personnel souvent défaillant… Trop souvent au détriment du bien-être des enfants. Accidents, blessures, énervement… Les réseaux sociaux fourmillent de témoignages plus accablants les uns que les autres.

Un rapport glaçant

Jusqu’à ce rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en mars 2023 contenant des témoignages qui font froid dans le dos : « attraper un enfant par le bras en soulevant ses pieds du sol » ; « endormissement forcé d’un enfant, l’adulte le plaquait contre le lit » ; « enfants soulevés par les cheveux à hauteur d’adulte » ; « enfants jetés par une fenêtre, enfant maintenu dans son lit avec un adulte allongé sur lui pour l’endormir de force », « enfant attaché sur une chaise pour être puni », « enfant forcé à manger de façon violente ». Les descriptions s’enchaînent et l’on mesure l’ampleur de l’horreur. Enfonçant le clou, l’IGAS a dénoncé, à l’époque, un secteur « marqué par la domination de grands groupes engagés dans des stratégies de croissance ambitieuses ». Sans les nommer, les auteurs relèvent la responsabilité d'entreprises privées dans la « dégradation progressive de la qualité d'accueil au profit de logiques financières ».

Un personnel de moins en moins formé

C’est un drame sordide qui s’est déroulé à Lyon. L’employée d’une crèche privée, excédée par les pleurs d’une fillette de 11 mois, l’a tuée en la forçant à ingérer du Destop. Cet événement tragique de juin 2022 est heureusement exceptionnel, mais il met à nu de très préoccupantes carences que l’IGAS ne cesse pourtant de dénoncer. « Sur une structure pouvant accueillir 16 enfants, on en avait 18 à charge. Ma directrice n'était jamais là. On travaillait à la chaîne, sans avoir le temps d'interagir avec les bébés ou d'avoir des attentions particulières. La nourriture était rationnée, on était obligé de couper des parts en trois ou en quatre car il n'y en avait pas assez. C'était indécent. » Le témoignage d’une ancienne employée de la crèche privée lyonnaise en dit long. Et questionne aussi sur la qualité du recrutement. D’autant que pour répondre au manque criant de personnel, le gouvernement a prévu d’assouplir les conditions d’embauche du personnel dédié à la surveillance de vos bambins.

Des auxiliaires qui parlent à peine français

Ce dispositif ne fait évidemment pas l’unanimité chez les professionnels. « Non seulement cela dégrade la valeur de notre métier », s’insurge auprès de BV Clémence, auxiliaire en puériculture, « mais cela met les enfants au contact de personnes absolument pas qualifiées », poursuit celle qui travaille en crèche depuis près de quinze ans. Le profil, également, du personnel interroge. « Personne ne l’admettra pour des raisons que vous imaginez », murmure une autre, sous couvert d’anonymat, « mais on se retrouve bien souvent avec des auxiliaires non diplômées s’exprimant à peine en français. C’est incompatible avec le développement des enfants. »

Néanmoins, la qualité du personnel n’est pas le seul facteur. Ou plutôt, la présence de brebis galeuses ne saurait condamner le troupeau. En l’occurrence c’est surtout le berger qui fait défaut. « On n’est jamais à l’abri d’un individu malfaisant », analyse cet ancien cadre de la petite enfance. « Mais la violence et la maltraitance sont en quelque sorte institutionnalisées dans certaines structures privées », conclut-il.

Donc, après le scandale des EHPAD, celui des crèches ? Avec ce désagréable sentiment de vivre dans une société qui se veut davantage inclusive mais qui, en réalité, génère beaucoup de violence contre les plus fragiles.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Les amis financiers de notre résident de l’Élysée… qui croyait qu’ils ne se gaveraient pas avec leur marionnette à la tête du pays ??? Les idiots qui ont voté pour sa réélection….

  2. Heureusement il existe des crèches privées gérées par les parents qui fonctionnent très bien et ou les enfants sont heureux et bien nourris. Dénoncer les profiteurs qui font feu de tout bois est une oeuvre de salubrité publique

  3. Il faut revenir à la subsidiarité et à la poursuite du bien commun. Ce n’est pas à l’Etat ni aux grands groupes privés (capitalistes libéraux) de prendre en charge les enfants et les personnes âgées, mais bien les familles. Redonner du pouvoir aux familles, voilà qui a du sens. Le but de l’Etat (l’actuel) est de normaliser et de contrôler. Le but des groupes sus-mentionnés est de faire du profit. Les deux sont foncièrement incompatibles avec l’humain.

  4. Plusieurs thèmes se télescopent dans cet article. D’abord, je découvre quelque chose d’hallucinant quand je lis qu’on fait ingérer du Destop à un gamin, qu’on jette des enfants par la fenêtre ou encore qu’on force un enfant à dormir … avec un adulte couché dessus ! On parle bien de la France en 2023 ? J’ai du mal à y croire. Ensuite, on aborde ce que j’appelle l’hypercapitalisme, terme fourre-tout dans lequel j’englobe l’ensemble des pratiques visant à faire un maximum de pognon, avec n’importe quoi et surtout n’importe comment. De quoi réjouir notre président et la Start-Up Nation. On retrouve ça partout, dans la santé, les services à la personne, la restauration, etc. Le pognon c’est fantastique, le reste on s’en fout. Et en plus on encense les « patrons » qui font ça. Mais ce n’est pas tout, on aborde dans l’article, à mots couverts, le problème des métiers en tension. Pour faire face on embauche n’importe qui, pourvu que le salaire soit le plus misérable possible. Le résultat ? On le voit tous les jours. Le plus extraordinaire, c’est qu’on parle de légiférer afin de régulariser massivement cette main d’œuvre étrangère. C’est la France de demain qui se prépare aujourd’hui. On s’étonnera après ça que certains nous affirment que « c’était mieux avant ». Bah oui, la « France d’avant » c’était mieux que le tiers monde d’aujourd’hui !

  5. En France, à force de vouloir faire du « multiculti », on finit par oublier nos classiques et par oublier que quand on parle de « Petit Chaperon Rouge », le « Grand Méchant Loup » n’est jamais bien loin. Et l’histoire se finit plutôt mal … Moralité, révisez vos classiques, cela vous évitera des déboires.

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