Crèches privées : le scandale qui va exploser !

kelli-mcclintock-U3SjBD72Tl0-unsplash

C’est un livre qui devrait faire autant de bruit que la bombe lancée par Victor Castanet sur le leader privé des EHPAD Orpéa. Prévu le 8 septembre aux Éditions du Seuil, Le Prix du berceau, de Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse, promet d’être tout aussi violent. Mais est-ce surprenant ?

« Franchement, je n’y apprendrai rien. » Cette auxiliaire en puériculture parisienne, contactée par nos soins, a suivi de très près les premiers articles évoquant l’ouvrage. Elle s’y retrouve dans chaque exemple donné. Elle travaille dans une structure privée rachetée, il y a un an, par un grand groupe. Et elle a vu la différence. « Au niveau des produits d’entretien, on est passé des produits bio adaptés aux petits enfants aux produits industriels à bas coût », pointe-t-elle. Un changement qui en a appelé d’autres : « Couches de moins bonne qualité et rationnées » ou encore « la suppression alternée d’une entrée puis d’un dessert d’un jour à l’autre » censée amortir les coûts.

Dans le viseur tout particulièrement, les grands groupes privés tels que « Les Petits Chaperons rouges », « Babilou » ou encore « People & Baby ». De quoi écorner l’image de ces structures dont l’un des présidents, Jean-Emmanuel Rodocanachi (Les Petits Chaperons rouges), recevait le prix de « meilleur entrepreneur de l’année » des BFM Awards en 2021 et déclarait à l'occasion, sur le plateau de la chaîne, vouloir « faire de l’enfance et de la petite enfance une cause nationale ».

Maltraitance et turnover

« Quelle joie de faire une série de conférences devant toute la communauté de managers des Petits Chaperons rouges… oui oui, les crèches. Plus de 800 personnes écouteront mon message autour du management bienveillant et de l’optimisme. » Le post LinkedIn plein d’allant de l’auteur et conférencier Gaël Chatelain-Berry illustre parfaitement le propos. Car le pionnier du « management bienveillant » pourrait bien être impuissant à enrayer l’une des difficultés de ce groupe : l’impressionnant turnover des effectifs… qui concerne aussi les cadres ! « On tourne avec une nouvelle directrice tous les deux ans », soupire la salariée d’un de ces groupes auprès de BV. Traque des coûts, acharnement à remplir les effectifs au moindre enfant absent, personnel souvent défaillant… Trop souvent au détriment du bien-être des enfants. Accidents, blessures, énervement… Les réseaux sociaux fourmillent de témoignages plus accablants les uns que les autres.

Un rapport glaçant

Jusqu’à ce rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en mars 2023 contenant des témoignages qui font froid dans le dos : « attraper un enfant par le bras en soulevant ses pieds du sol » ; « endormissement forcé d’un enfant, l’adulte le plaquait contre le lit » ; « enfants soulevés par les cheveux à hauteur d’adulte » ; « enfants jetés par une fenêtre, enfant maintenu dans son lit avec un adulte allongé sur lui pour l’endormir de force », « enfant attaché sur une chaise pour être puni », « enfant forcé à manger de façon violente ». Les descriptions s’enchaînent et l’on mesure l’ampleur de l’horreur. Enfonçant le clou, l’IGAS a dénoncé, à l’époque, un secteur « marqué par la domination de grands groupes engagés dans des stratégies de croissance ambitieuses ». Sans les nommer, les auteurs relèvent la responsabilité d'entreprises privées dans la « dégradation progressive de la qualité d'accueil au profit de logiques financières ».

Un personnel de moins en moins formé

C’est un drame sordide qui s’est déroulé à Lyon. L’employée d’une crèche privée, excédée par les pleurs d’une fillette de 11 mois, l’a tuée en la forçant à ingérer du Destop. Cet événement tragique de juin 2022 est heureusement exceptionnel, mais il met à nu de très préoccupantes carences que l’IGAS ne cesse pourtant de dénoncer. « Sur une structure pouvant accueillir 16 enfants, on en avait 18 à charge. Ma directrice n'était jamais là. On travaillait à la chaîne, sans avoir le temps d'interagir avec les bébés ou d'avoir des attentions particulières. La nourriture était rationnée, on était obligé de couper des parts en trois ou en quatre car il n'y en avait pas assez. C'était indécent. » Le témoignage d’une ancienne employée de la crèche privée lyonnaise en dit long. Et questionne aussi sur la qualité du recrutement. D’autant que pour répondre au manque criant de personnel, le gouvernement a prévu d’assouplir les conditions d’embauche du personnel dédié à la surveillance de vos bambins.

Des auxiliaires qui parlent à peine français

Ce dispositif ne fait évidemment pas l’unanimité chez les professionnels. « Non seulement cela dégrade la valeur de notre métier », s’insurge auprès de BV Clémence, auxiliaire en puériculture, « mais cela met les enfants au contact de personnes absolument pas qualifiées », poursuit celle qui travaille en crèche depuis près de quinze ans. Le profil, également, du personnel interroge. « Personne ne l’admettra pour des raisons que vous imaginez », murmure une autre, sous couvert d’anonymat, « mais on se retrouve bien souvent avec des auxiliaires non diplômées s’exprimant à peine en français. C’est incompatible avec le développement des enfants. »

Néanmoins, la qualité du personnel n’est pas le seul facteur. Ou plutôt, la présence de brebis galeuses ne saurait condamner le troupeau. En l’occurrence c’est surtout le berger qui fait défaut. « On n’est jamais à l’abri d’un individu malfaisant », analyse cet ancien cadre de la petite enfance. « Mais la violence et la maltraitance sont en quelque sorte institutionnalisées dans certaines structures privées », conclut-il.

Donc, après le scandale des EHPAD, celui des crèches ? Avec ce désagréable sentiment de vivre dans une société qui se veut davantage inclusive mais qui, en réalité, génère beaucoup de violence contre les plus fragiles.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Les bébés, les personnes agées, sont confiés à des gens dans des structures qui s’intéressent plus au profit qu’à l’humain. Dans les crêches, ils économisent sur le personnel, les couches, les repas et tout ça, out ça largement subventionné. Une honte !!

  2. Décidément, en France ça commence à la crèche pour finir à l’Ehpad.
    Les services sont lamentables.

  3. Il est clair que les crèches, tout comme les maisons de retraite à l’autre bout de la vie, ne peuvent fonctionner dignement, dans le respect des enfants et des vieux, si le principe de rentabilité est tenu pour primordial. Ce qui est pourtant inévitable dans une gestion d’entreprise privée. Par essence, ces deux secteurs de services ne peuvent être bénéficiaires si on privilégie le principe d’humanité, il n’y a que l’étatisation qui puisse supporter les déficits structurels de ce type d’activité.

  4. « des auxiliaires non diplomées s’exprimant à peine en français » (sic) ! Tout est dit. Ce sont ces mêmes gestionnaires qui sont pour l’immigration clandestine et leur répartition dans toute la France, vous avez compris pourquoi. D’ailleurs les sévices décrits dans ce livre sont caractéristiques de ces populations de médecins et d’ingénieurs !
    Après les résultats de l’enquête de l’IGAS une enquête fiscale sur ces grands groupes et les rémunérations de leurs dirigeants s’impose

    • Tout à fait ! ( tout est dit). J’ai heureusement gardé mes bébés auprès de moi jusqu’à leurs 3 ans révolus quitte à perdre 600 euros mensuels de retraite et me contenter de ma résidence principale laborIeusement acquise au bout de 40 ans, pas un schilling de plus à l’arrivée. Mes enfants , éloignés des mamies, se sont débrouillé autrement avec des nounous privées trièes sur le volet et très chères, et/ou en jonglant sur les temps partiels ; Trop important, les premières années, pour les confier à n’importe qui pour un illusoire objectif de carrière ou de sous !

  5. Tout ça pour nous dire que finalement rien n’est mieux que le public ou vos gosses seront dégenrés , lgbtqisés ,
    vivre-ensemblés, pas-d’amalgamés, autrisés, etc. Pour en faire des futurs électeurs de gauche aux frais intarissables payés par les contribuables.
    Fallait y penser : plombé le privé pour faire l’apologie du public. Ceux qui sont à la Manœuvre ne pensent qu’à ça 365 jours par an.

  6. Si l’ambition était certes un outil pour élever sa condition, mais pas pour détruire sa vie familiale, cela serait un idéal acceptable. Mais comme l’argent et le pouvoir y sont associés cela détruit la famille. Tout le monde veut découvrir des pays lointains. Mais que reste-t-il de ces voyages, des photos, et dire surtout nous y sommes allés. Pour certains c’est une vocation, tout le reste les indiffèrent. Donc les autres sacrifient d’autres choses plus importantes par nombrilisme. Alors que voir l’évolution de leurs enfants seraient plus constructifs, cela éviterait la marchandisation de l’enfance. A croire que la vie a deux cycles l’enfance dans un Ehpad, la vieillesse on y retourne. Où est la logique.

    • non pas  » révoltez vous » mais révoltons nous !!! nous tous qui sommes là à blablater derrière nos écrans sur ce qu’il faudrait faire ou pas faire ! Je le reconnais bien volontier j’en fais partie, mais au moins quand je constate quelquechose de visu, je ne le garde pas pour moi, je le fais savoir : exemple des nounous privées qui prennent en charge jusqu’à 5 bb, je les vois promenant des poussettes multiples de 3 avec 2 bouts de choux qui trottinent de part et d’autre de la dites poussette en se tenant aux montants, la nounou sur son Iphone ne regardant rien de ce dont elle a la charge, c’est à dire les bambins, ou en grand bavardage avec une autre collègue de la même confréries de  » gardiennes d’enfants » – pas d ‘inter action avec les petits, pas un sourire, rien, et les familles  » payent » cher pour ce genre de  » gardiennage » lamentable !!!

  7. C’est à l’image de ce pays. Tout s’y retrouve.
    Plus de valeurs, plus d’éducation. Une société de sauvages, à la dérive.

    Même l’innocence, qui leur est intrinsèque, ne protège plus les enfants.

    L’année prochaine nous aurons 200 000 ingénieurs, professeurs et médecins en plus.

  8. C’est à peine croyable. Effroyable. Il est intolérable de traiter des enfants de la sorte mais je me pose la question suivante : quels ados, quels adultes émergeront d’un tel début de vie ?

    • vous savez les enfants dans les familles ne sont  » bien traités » que depuis très rescemment ! autrefois c’était bien pire, et ils ne sont pas tous devenus  » des bons à rien » !

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois