Le Crépuscule des idoles progressistes (4) : Le Front national
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Durant le mois d'août, Boulevard Voltaire fait découvrir à ses lecteurs un livre récent que la rédaction a apprécié. Chaque jour, un nouvel extrait est publié. Cette semaine, Le Crépuscule des idoles progressistes, de Bérénice Levet.
De tous les partis, le Front national a été le premier à ne pas flétrir le besoin d’identité nationale – le fait qu’aux élections régionales de décembre 2015, la jeunesse (les tranches des 18-24 ans et des 25-34 ans) ait accordé majoritairement ses suffrages aux candidats de ce parti est des plus significatifs. Le Front national est quasi seul à se souvenir que l’être humain n’est pas qu’un acteur économique, qu’il a besoin d’être inscrit dans une histoire, qu’une nation est cimentée par des significations héritées et partagées, des mœurs communes. Leurs électeurs ne sont en rien suspects de xénophobie, d’islamophobie, d’homophobie… L’impuissance de Jean-Luc Mélenchon à capter les voix des Français revenus de tous les partis politiques est tout aussi instructive. S’il échoue à rallier les votes d’un peuple nié et méprisé par le Parti socialiste, c’est que, parfaitement acquis au libéralisme sociétal et culturel (l’ouverture à l’autre, "l’immigration est une chance pour la France", et le mariage des homosexuels font partie de son credo), il reste indifférent à ce que Laurent Bouvet appelle après Christophe Guilluy "l’insécurité culturelle", l’offense que représente pour les Français le fait de devenir une composante parmi d’autres dans son propre pays. Or, ce sont ces facteurs qui décident du vote Front national. Si "la gauche a perdu le peuple" (Éric Conan), c’est à proportion du mépris qu’elle réserve à ces postulations humaines, trop humaines.
Depuis la première percée électorale du Front national en 1982, nos politiques, nos intellectuels se promettent d’entendre le "message" qu’au travers de ce vote les Français leur adresseraient. Mais, élection après élection, ils s’obstinent à expliquer cette adhésion par la crise, le chômage, la misère sociale, autrement dit des facteurs économiques. Aussi longtemps que la classe politique, médiatique, intellectuelle, culturelle refusera de rendre leur légitimité à ces besoins anthropologiques que les électeurs frontistes revendiquent, aussi longtemps qu’elle abandonnera ces besoins à Marine Le Pen ou Marion Maréchal-Le Pen, elle assurera à ce parti un bel avenir.
Ce n’est pas le Front national qui est diabolique, ce sont ceux qui se refusent obstinément à prendre en considération ces besoins anthropologiques. La question n’est pas de faire front commun contre Marine Le Pen et se regarder dans le miroir embellissant de "l’anti-fascisme", mais de lutter pour restaurer les conditions minimales d’une existence humaine digne de ce nom. Le besoin d’enracinement ne serait qu’une vieillerie dont nos malheureux ancêtres éprouvaient peut-être la nécessité, mais dont nous, hommes émancipés du XXIe siècle, nous devrions être libérés. Nous nous trompons. La tâche qui s’impose à nous impérieusement est de rendre à ces besoins de l’âme leurs fondements anthropologiques.
Ceux qui excluent de penser ces réalités humaines essentielles au motif que le Front national les prend en charge depuis plusieurs années gagneraient à s’inspirer de cet esprit libre qu’était Simone Weil. La philosophe savait qu’en parlant en 1943 d’enracinement, d’identité nationale, de régionalisme, elle s’exposait au procès en sorcellerie, à ces éventuels imprécateurs, elle répondait par anticipation : "Loin de prendre en toutes choses le contre-pied des mots d’ordre [du gouvernement de Vichy], nous devons conserver beaucoup des pensées lancées par la propagande de la Révolution nationale, mais en faire des vérités."
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