Le Crépuscule des idoles progressistes (2) : Génération Mitterrand, la jeunesse flagornée
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Durant le mois d'août, Boulevard Voltaire fait découvrir à ses lecteurs un livre récent que la rédaction a apprécié. Chaque jour, un nouvel extrait est publié. Cette semaine, Le Crépuscule des idoles progressistes, de Bérénice Levet.
10 mai 1981. François Mitterrand remporte l’élection présidentielle. Moment de liesse dans les familles progressistes. Nous qui étions nés dans la décennie 1970, nous avions à peine dix ans. Nos années de formation, de maturation se dérouleraient ainsi sous le signe de la mitterrandie. Avec la figure centrale, éminemment charismatique, de son ministre de la Culture, Jack Lang.
Il ne suffisait pas que l’on renonçât à nous transmettre l’héritage civilisationnel, que l’on nous déshérite, il fallait qu’on nous encapsule dans notre prétendue culture. Jack Lang se fait en effet le promoteur de toutes les pratiques de la jeunesse et les estampille culturelles. Avec une prime à la jeunesse des banlieues. Graffitis, rap, bandes dessinées se voient élevés au rang d’œuvres d’art.
Il appartiendra à François Mitterrand lui-même de résumer l’esprit du "jacklanguisme" : le relativisme culturel. Il faut relire la Lettre à tous les Français que le candidat à sa propre succession rédigea en avril 1988 dans le cadre de la campagne présidentielle. Il y fait le bilan des réalisations qu’il a accomplies dans le domaine de la culture au cours de son septennat écoulé, et François Mitterrand de conclure : "Tout est culture en fin de compte, Jack Lang avait raison.".
Non, Jack Lang n’avait pas raison. Tout n’est pas culture, parce que les mots ont un sens, et que celui-ci parle la langue de Cicéron. Tout ne participe pas à la cultura animi, tout ne travaille pas à la formation de l’esprit, à l’élargissement de la pensée et n’étaye pas le vocabulaire de l’intelligence et de la sensibilité.
Au motif que François Mitterrand était un homme cultivé, ce qu’il était assurément, on tend à l’exonérer de ses responsabilités dans le naufrage culturel de la France. Mais n’en est-il pas au contraire plus coupable encore ? Sa connaissance intime de la littérature française notamment ne l’a en rien retenu de se faire le fossoyeur de la culture. Lorsque, en 1982, le président de la République qu’il est déclare : "Un peuple qui n’enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité", on est heureux de se l’entendre dire, mais qu’a-t-il fait pour que cette histoire soit enseignée, pour que l’école demeure une institution de transmission du récit national ?
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"Un peuple qui n’enseigne plus son histoire est un peuple qui perd son identité." Assurément, et il est en somme assez logique qu’un peuple qui ne veut pas se donner d’avenir n’enseigne plus son histoire. Renoncer à transmettre le récit national est la voie la plus courte pour perdre son identité. Or, tel est bien l’objectif de l’anthropologie progressiste. D’ailleurs, dix ans plus tard, en 1992, lors de la campagne du référendum de Maastricht, François Mitterrand jouera cartes sur table : "La France est notre patrie, l’Europe notre avenir." Et le projet européen lui-même se construit hors de tout passé, toute histoire, il n’est précisément tendu que vers l’avenir, un avenir vide d’identités, condition sine qua non, aux yeux des bâtisseurs, de l’avènement d’un monde de paix et de fraternité.
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La création de SOS Racisme en 1984, soutenue idéologiquement et financièrement par un pouvoir socialiste soucieux de donner des gages de son identité de gauche alors qu’il se convertit à l’économie de marché et opère le "tournant de la rigueur", constitue une étape cruciale dans le parcours de ma génération. L’antiracisme sera notre idéologie, avec "Touche pas à mon pote" pour slogan et la petite main jaune épinglée au revers de nos vêtements, nous nous installions dans le confort intellectuel et moral de ceux qui sont assurés d’appartenir au camp du bien. L’Autre, avec une majuscule, pure abstraction, se pare de toutes les vertus tandis qu’on nous fait grandir dans l’oubli, l’ignorance et le mépris de nous-mêmes. Avec Jean-Marie Le Pen en nouvel avatar d’Hitler, nous incarnions les nouveaux résistants.
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