Crise du logement : en Espagne, les locataires se révoltent

@Erwan Hesry/Unsplash
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Des manifestations de locataires mécontents ou de candidats à la location éconduits ont eu lieu, fin 2024, contre les loyers trop élevés et les difficultés à trouver un logement dans toutes les grandes villes d’Espagne : le 13 octobre à Madrid, le 9 novembre à Malaga, Séville et Cadix, le 23 novembre à Barcelone, où des milliers de personnes ont dénoncé ces difficultés d’accès au logement et revendiqué des baisses de loyers. Le 19 novembre, quelques jours avant la manifestation de Barcelone, le groupuscule d’extrême-gauche Arran avait pénétré en pleine journée dans la résidence secondaire de l’ex-joueur du Barça Gerard Piqué, cette réelle crise du logement constituant une bénédiction pour l’activisme politique.

Cette situation ibérique de révolte des locataires, liée à l’insuffisance de l’offre induisant une très importante hausse des prix des loyers, nous rappelle le caractère paneuropéen de la crise du logement. Ses volets conjoncturels et structurels français avaient fait l’objet d’une contribution dans BV en décembre 2024.

Loi contre-productive

L’Espagne avait défrayé la chronique, il y a quinze ans, avec un des pires krachs immobiliers, après une envolée spéculative des prix et de la production dans les années 2000. Le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez (PSOE, en poste depuis 2018) a proposé plusieurs actions, face à la crise. Il y a eu d’abord une loi d’encadrement des loyers en 2023 : les propriétaires ne peuvent plus dépasser une augmentation annuelle de 3 % des loyers et, dans certaines zones « en tension », les loyers des nouveaux baux sont limités au montant du bail précédent. Hélas, cette loi a eu plus comme conséquence la réduction de l’offre que la baisser des loyers : les propriétaires ont préféré retirer leurs biens du marché locatif, désormais plafonné, et signer des baux de courte durée de type AirBnB ou même laisser leurs logements vides, renforçant encore la pénurie.

Cette situation est particulièrement problématique à Barcelone, la deuxième ville du pays où, justement, ont eu lieu les principales manifestations, comme le relate le site equinox : 30.000 logements sont sortis du marché depuis la loi d’encadrement de 2023. Le plafonnement des prix a certes gelé les tarifs, mais au prix d’une baisse notable de l’offre dans les endroits où la demande est la plus élevée. Donc, comme souvent, l’outil politiquement tentant de l’encadrement des loyers a pour conséquence une réduction de l’offre et ses résultats sont contraires à l’objectif affiché au départ.

La crise du logement est telle que le gouvernent espagnol a sorti, le 13 janvier dernier, un plan logement beaucoup plus complet : exonérations fiscales pour les bailleurs proposant des loyers accessibles, répression fiscale et administrative de la location touristique, subventions pour réhabilitations, renforcement des garanties locatives et développement du logement social. La mesure phare est la limitation de l’achat des biens immobiliers par les non-Européens non résidents, à l’instar de ce qui existe depuis longtemps en Suisse ou en Thaïlande.

Quelles leçons, pour la France et les Français ? D’abord, la réalité de la crise du logement et l’instabilité politique et sociale qu’elle provoque, souvent récupérée par la gauche (en Espagne, l’extrême gauche et le gouvernement de centre gauche). Ensuite, la nécessité d’une approche globale et cohérente de la question du logement, les solutions partielles échouant le plus souvent, comme avec le projet espagnol d’encadrement des loyers.

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Georges Le Breton
Haut fonctionnaire en activité, spécialiste des politiques publiques.

Vos commentaires

26 commentaires

  1. A Barcelone il faut une licence pour louer aux touristes et je ne sais même pas si on en accorde encore. En France on aura le même problème avec la politique du logement, impossibilité de reprendre son logement aux mauvais payeurs avant des années de procédure, règlementation sur les augmentations des loyers, isolation, CSG-RDS on arrive vite à un prélèvement fiscal de 47% sur les loyers, il y a un moment où le bailleur doit y trouver son compte sinon il investit autrement. Dans certains pays où les loyers sont très élevés à cause de l’offre et la demande, les revenus fonciers ne sont pas imposés pour éviter d’en faire exploser le montant. Enfin depuis la libération le logement et les loyers ont toujours été la préoccupation de la gauche qui au lieu de proposer des solutions n’a pensé qu’à brimer les propriétaires. Par exemple à la libération, parce qu’il n’y avait pas beaucoup de logements, il y avait des contraintes pour exercer une activité commerciale ou libérale chez soi, la droite avait supprimé ces contraintes qui n’avaient plus de raison d’exister Mermaz lui les a remises dans sa loi alors que ça n’ aucun sens.

    • Votre commentaire est en attente de validation.

      les licences touristiques ne sont pas seulement exigées à Barcelone !! quand aux gauchos dans tous les pays ils sont d’une rare incompétence , menteurs hypocrites et malhonnêtes et pire quand ils sont avec l’étiquette des éscrolos …en ESPAGNE que je connais trés trés bien pays Européen les lois sont pour nous Français très défavorables pour beaucoup de choses par rapport à d’autres pays d’Europe comme la Belgique par exemple ! ; faites donc ré immatriculer une voiture Française en Espagne vous comprendrez votre douleur , pour l’assurance on ne doit pas dépasser un certain nombre de mois etc…bref… mais malgré cela la vie est agréable selon les régions …et bien moins cher que chez nous !!

  2. En dehors des aspects spéculos-fiscalisants qu’on nous présent systématiquement comme la première raison de la crise il y a celui-ci plus simple à comprendre : quand on laisse rentrer un demi million de clandestins tous les ans, on doit trouver un endroit où les loger.

  3. En Argentine, Javier (Milei) a dérégulé l’accès au logement (fini le normes, les encadrements…). Résultat : , l’offre de logement a doublé et les loyers ont baissé de 20%. Mais en Europe on n’aime plus la liberté. On veut un Etat totalitaire qui s’occupe de tout, même de nos vies. Viva la libertad, Carajo!

  4. J’ai acheté un appartement en Espagne il y a 10 ans avec l’idée que je pourrais le louer et compléter ainsi ma retraite, ce que j’ai tenté de faire. Entre les locataires qui restent un an sans payer de loyer parce qu’ils attendent que leur soit versée leur allocation logement qui est payée en Espagne avec un décalage de un an, les dégradations systématiques de l’appartement, les vols au départ des locataires du mobilier parce que les appartements se louent meublés et les locataires qui pensent qu’ils peuvent emporter ce qui les intéresse, exemple les radiateurs, les couverts, les couvertures , la vaisselle, j’ai complétement renoncé à le louer, c’est fini. Je ne gagnais absolument rien en le louant. Au moins maintenant je passe des vacances au bord de la mer bon marché. De plus je viens d’apprendre que mon appartement est classé G, donc soi disant  » indécent » et donc interdit à location depuis 2025. Il sera toujours assez bien pour y passer l’été au bord de la mer et me changer de la vie parisienne, je suis retraitée, j’ai tout le temps pour en profiter pour moi.

    • Ce genre d’expérience est fréquente sauf a être soi même sur place et tres vigilant surtout quand on est un particulier ..Louer comporte hélas trop de risques majeur surtout à notre époque ; résultats les bons payent pour les mauvais je suis bien placé pour le savoir ! allez louer quand vous passez derrière des escrocs et autres squatteurs, c’est mission impossible je suis en plein dedans en ce moment c’est usant … moi qui voulait retourner vivre la bas en louant à l’année ……cela me semble tres compromis et d’un autre cote ayant été propriétaire très longtemps sans avoir jamais voulu louer ….je comprends parfaitement

  5. Peu importe que les manifestations contre les difficultés à se loger viennent de la gauche ou de la droite. La crise du logement existe belle et bien et notamment dans les villes où se trouvent pourtant les possibilités d’emploi. Les nouvelles normes édictées par Bruxelles accentuent le phénomène. Si on ne n’y met pas bon ordre, on poussera les gens à se révolter avec toutes les conséquences que cela entraînera. S’il est normal qu’un propriétaire soit payé au juste prix du service qu’il rend en louant son bien, il est cependant anormal d’en réduire l’offre par le biais de travaux exigés auxquels beaucoup sont incapables de faire face. Les propriétaires à faibles ressources vendront leur bien ou les laisseront à l’abandon. On y gagne quoi dans cette affaire ? Que des emmerdements.

  6. Ce que vous oubliez de signaler c’est que le gouvernement socialo communiste espagnol a favorisé les squatteurs qui en Espagne sont pratiquement inexpulsables. Cela rajoute encore au fait que les propriétaires ne louent plus. Il est quasiment impossible d’expulser un locataire qui ne paie plus ses loyers.

  7. Ne pas tout mettre sur le dos d’Air BNB. Il y a bien pire : avec les bilans énergétiques on a interdit à la location des milliers de logements. Ayant ainsi réduit considérablement le nombre de logements pouvant encore être loués, leur rareté entraîne automatiquement l’augmentation du loyer que les propriétaires peuvent leur appliquer. C’est la double faute d’une politique absurde : moins de logements offerts à la location, et des loyers plus chers ! Bravo les Politiques gribouilles !

    • je suis très tres loin de minimiser l’immigration massive insupportable , mais en Espagne que je connais très très bien le probleme du logement n’est pas directement lié a l’immigrations mais a une volonté pour les Espagnoles de se faire du fric facile comme ils le font depuis des décennies sans bosser comme à l’époque de la pesetas !! le tourisme c’est leur fond de commerce sans besoin de faire des études brillantes , comment voulez vous contrer l’appât du gain quand un appartement bien placé , sur la Costa Blanca par exemple entre VALENCIA et ALICANTE , correctement équipé se loue 600/700 euros /mois en hiver passe à 1.500 la semaine en saison !! et encore ce n’est qu’un petit exemple «  »modeste » » pour un appartment et dès que l’on touche les villas alors là ….selon lla localisation les prix de locations estivales sont délirants comme chez nous sur la cote d’azur .. certains proriétaires jouent sur les 2 tableaux et louent l’hiver en limitant l’occupation seulement certains mois pour louer l’été au quadruple du prix voir plus , ce qui élimine la location a l’année pour les espagnols en particulier mais pas seulement eux pour tout le monde ..mais croyez moi les migrants n’ont pas d’influence sur ces prix là …les migrant ne veulent qu’une chose venir en France ou on leur donnera tout gratuitement …

  8. Je ne sais plus combien d’immeubles parisiens appartenant à des riches propriétaires étrangers sont vides mais le chiffre était astronomique. Il y aurait largement de quoi loger des français de province voulant travailler dans la restauration… Et puis je pense qu’il faudrait accorder un droit de préemption sur les logements mis à disposition sur les plates-formes AirBNB, sur le même modèle qu’a été fait le droit de préemption aux agriculteurs sur les terres agricoles mis en vente.

    • A Gaut : Il y a un revers à la médaille dans les propositions de mettre à disposition des logements inoccupés, c’est l’attaque au droit inaliénable à la propriété. On a négligé pendant des décennies la création du neuf abordable pour les petites bourses. Riches ou pauvres ce n’est pas en culpabilisant les propriétaires que cela résoudra le problème. Beaucoup d’entre eux ont tenu à économiser toute une vie pour s’acheter un bien venant soutenir leur retraite. La préemption peut-être parfois nécessaire (en cas de succession indivis par exemple) mais ne doit pas être utiliser pour faire face à l’incurie de ceux qui avaient et ont la charge du logement. Sinon, c’est le régime soviétique et non libéral qui entrera en usage avec les conséquences que l’on sait : la dégradation encore plus flagrante de l’immobilier.

  9. Une majorité d’Espagnol a mis la gauche au pouvoir! Qu’il est loin le temps ou on pouvait effectivement croire que les socialstes, entre autre, étaient des défenseurs des pauvres et de ceux qui sont les laissés pour compte! C’était avant et mainteanat la gauche et particulièrement les socialistes, se servent des pauvres en leutr promettant des jours meilleurs. Jours meilleurs qui n’arrivent pas car l’économie est anémiée! Mais, les socialiites eux vivent très confortablement de cette situation! C’est ce qu’il s’est passé en France! Tous les dignitaires socialistes, et plus généralement de la gauche y compris LFIstes, vivent confortablement de l’imposture qu’est la dite « défense » du pauvre!

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