La crise du recrutement des professeurs : le symptôme d’un mal plus profond
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Jean-Michel Blanquer n’aura guère de mal à répondre à l’engagement du président de la République de réduire le nombre des fonctionnaires. Il avait déjà, pour la session 2018, diminué le nombre de postes offerts aux concours. Les résultats des écrits au CRPE (écoles) et au CAPES (collèges et lycées), qui viennent d’être publiés, laissent présager que tous les postes ne seront pas pourvus lors des épreuves d’admission, faute d’admissibles suffisants. La crise du recrutement se perpétue. Seule l’agrégation pourrait y échapper, sauf en mathématiques.
Il est déjà certain qu’on manquera d’enseignants dans le premier degré, notamment dans les académies de Créteil et Versailles. Dans le second degré, près de 400 postes ne seraient pas pourvus en mathématiques, allemand, lettres modernes, lettres classiques et, sans doute, anglais. En lettres classiques (français, latin et grec), on compte 105 admissibles pour 183 postes offerts : près de 50 % des postes ne seront pas attribués.
Voilà qui ne va pas faciliter le dédoublement des classes de CP et de CE1, en réseau d’éducation prioritaire, ni la généralisation de la scolarisation dès l’âge de trois ans.
Dans le second degré, la mise en œuvre de la politique ministérielle, notamment la prochaine réforme du lycée, ne pourra s’effectuer sans surcharger les classes pour les enseignements communs. Quant au latin, déjà moribond, il risque de disparaître dans de nombreux établissements, faute de personnels compétents pour l’enseigner.
Cette crise du recrutement, récurrente depuis plusieurs années, est grave de conséquences. Les jurys de concours ne peuvent pas décemment pourvoir tous les postes, sans considération de niveau. Les adversaires des concours ne manqueront pas de souligner que cette sélection est désuète et inappropriée, ou de soutenir que la pédagogie prime sur les connaissances, voire que le meilleur enseignant est celui qui accompagne les « apprenants » sans en savoir plus qu’eux : les préjugés idéologiques sont tenaces !
On relancera l’idée d’un prérecrutement, ce qui ne pourrait être une bonne solution qu’à certaines conditions : qu’il se fasse par concours dans chaque académie, comme autrefois dans les instituts de préparation aux enseignements de second degré (IPES), ouverts à tous les étudiants motivés pour sélectionner les meilleurs ; non pas sur des critères comme la diversité ou la « discrimination positive ». Mais le coût de cette mesure (on recrutait ainsi des élèves-professeurs rémunérés durant leurs études) sera probablement dissuasif pour les technocrates de Bercy.
La crise du recrutement provient d’abord du manque d’attractivité du métier, qui détourne de l’enseignement les étudiants, notamment les plus brillants. Une gestion des ressources humaines mécanique et, trop souvent, sans humanité ; des affectations qui ne tiennent aucun compte des compétences ; le manque de perspectives de carrière ; un métier où les tâches subalternes et les réunions incessantes mangent le temps ; plus généralement, l’absence de reconnaissance matérielle et morale : tout cela explique qu’il y ait de moins en moins de candidats de qualité à vouloir exercer cette profession.
Sans compter que se répand parmi les étudiants la triste renommée des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), bastions des prétendues sciences de l’éducation, qui contribuent surtout à faire rentrer dans un moule et à infantiliser les professeurs stagiaires au lieu de développer leur esprit d’initiative et de responsabilité.
Pour pallier la crise du recrutement, c’est à cette réalité multiforme que Jean-Michel Blanquer doit s’attaquer ! Tâche insurmontable, si l’on ne décide pas de rompre avec des décennies de mauvaises habitudes.
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