Croire la parole d’une femme incontestable est sexiste. La preuve par l’affaire La Roncière

Marie de Morell
Marie de Morell

Comme du temps des affaires Griveaux et Strauss-Kahn, dès potron-minet, le nez dans le bol de chocolat, les enfants se voient infliger les détails glauques du scandale Abad, minutieusement révélés par Mediapart, complaisamment relayés par le programme matutinal de la radio familiale branchée dans la cuisine.

Alice Coffin, Caroline De Haas, que l’on a connues moins prolixes sur l’affaire Taha Bouhafs, sont aux avant-postes dans les médias. Dans la hiérarchie de l’intersectionnalité, l’antiracisme prime apparemment sur MeToo. La handiphobie, en revanche, ne vaut pas un cachou.

Les lignes qui suivent n’ont pas vocation à défendre Damien Abad ni à accuser de mensonges celles qui se disent ses victimes, simplement à souligner deux bricoles.

L’une est que dans la rhétorique MeToo développée par les féministes de gauche, il y a toujours un angle mort : le climat d’agressivité sexuelle régnant dans le monde politique, du spectacle et des médias est avant tout le fruit de la libération des mœurs portée par Mai 68. Celle-ci a dérégulé les relations hommes-femmes. Le sans-frontiérisme de gauche s'est étendu à tous les domaines, y compris sexuel, mettant à bas les limites entre le consentement et la contrainte, écrasant les étapes intermédiaires. Cette libération a promu dans le cinéma, la littérature, la presse, la pub et jusque dans l’éducation sexuelle dispensée à l’école un « amour libre » très entreprenant, assorti d’un vocabulaire plus que direct. Elle était tellement obnubilée par son interdit d’interdire que même face à la pornographie, qui fixe les standards aujourd’hui de la sexualité, elle n’a rien trouvé à redire. « Je lui ai dit qu’il se voyait dans un film porno » lâche une accusatrice de Damien Abad à Mediapart.

L'autre est que la parole d’une femme n’est pas sacrée, irréfragable, incontestable, forcément vraie. Il faut ne pas avoir lu plus loin que Oui-Oui et la gomme magique ou Martine à la plage pour l’imaginer. Les femmes, aussi, sont capables de duplicité et de calcul. Les penser petits êtres benêts et innocents tel l’idiot du village serait infiniment sexiste. La littérature est truffée d’exemples, l’Histoire aussi : il y a 173 ans, le 16 mars 1849, Émile de La Roncière était réhabilité, reprenant, après de longues années de prison, le fil de sa carrière (il finira gouverneur de Tahiti). Dès 1899, sous la plume de Stéphane Arnoulin, sortait L'Affaire La Roncière. Une erreur judiciaire en 1835. Plus près de nous, en 1996, Pierre Cornut-Gentille publiait L'honneur perdu de Marie de Morell. L'affaire La Roncière, 1834-1835 (Perrin), relatant ce scandale qui a défrayé la chronique de la bonne société du XIXe siècle. Plantons le décor : Saumur, le 1er lanciers. Émile de La Roncière, jeune officier de bonne famille, est connu pour ses mœurs passablement dissolues… Marie, 16 ans, est la fille du général de Morell, qui commande la place. Un regard grave, un teint diaphane, des rouleaux autour des oreilles, irréprochable. Un matin, celle-ci affirme, entre deux crises nerveuses, avoir été violentée dans sa chambre. De fait, les vitres sont brisées. Elle est formelle, elle a reconnu le bel Émile. Ce drame fait suite à la réception de lettres anonymes menaçantes. L'enquête est rondement menée, face à la pure et sage Marie, tout accable le lourdaud et fêtard La Roncière. Il écope d'une peine sévère. Pourtant, des années plus tard, on comprend que la machiavélique adolescente - complexée par la beauté de sa mère et dépitée de ne pas avoir séduit La Roncière ? - a tout fabriqué, les lettres comme l’agression.

Il est des latitudes où le témoignage d’une femme vaut deux fois moins que celui d’un homme. Bénissons le Ciel que ce ne soit pas le cas en Occident. Mais créer une disproportion inversée ne serait pas plus juste. Damien Abad, présumé innocent, est peut-être coupable. Mais seule la Justice doit en décider. Ou alors, convenons tout de suite de transférer le palais de justice dans les locaux de Mediapart.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Normalement, un viol laisse des traces donc si l’enquête a été parfaitement bien menée, l’analyse des prélèvements effectués ont dû permettre de confirmer le viol même si le violeur a pris des précautions, il reste toujours un indice, même infime.

  2. Je ne peux qu’abonder dans votre sens. Au XVIIème ou XVIIIème siècle, à Aix-en-Provence, un malheureux prêtre a été roué en place publique suite aux accusations mensongères d’une jeune fille, passablement hystérique… L’innocence du malheureux a été prouvée mais après son supplice… Ces faits tendent à prouver qu’il faut rester prudent, en la matière, face aux accusations, la perversité humaine n’étant pas l’apanage des mâles.

  3. Une seule personne a porté plainte celle ci a été classée sans suite par deux fois. Justice a été rendue. Les nouveaux auto proclamés juges associations et medias pratiquent un acharnement politique extra judiciaire diffamatoire contre un handicapé de droite. Melenchon et ses sbires s’octroient le droit de juger des violences sexuelles de Bouhafs ? Apres « la République c’est Moi » l’islamogocho megalo clame : la Justice c’est moi.

  4. Il faut réviser l’histoire : Alice Coffin et Caroline De Haas vous diront que ce militaire (mâle blanc de bonne famille, j’imagine) était coupable et qu’accuser le soldat Taha Bouhafs constitue une erreur judiciaire.
    Émile de La Roncière devait payer pour sa faute. N’était-il pas le fils d’un militaire ?

  5. Une « féministe » a soutenu qu’il fallait appliquer que principe de précaution et mettre l’écart un homme simplement soupconné, y compris en le privant de son emploi.
    Ça conduit à une société totalitaire, ça bafoue tout nos principes mais personne ne proteste

    • Imaginez un peu qu’on applique ce « principe de précaution » aux femmes! et on se retrouve à Kaboul, où le simple bruit des talons hauts est considéré comme pouvant exciter la convoitise des hommes!

  6. Il va peut-être falloir arrêter de gloser sur ce sujet. Rappelons que ces affaires datant de 2010 et 2011 ont été classés sans suite, l’une pour « carence de la plaignante », puis pour « faute d’infraction suffisamment caractérisée ». Pourquoi revoient-elles le jour maintenant?

    • Pour qu’on ne parle plus de Bouhafs. Mediapart, media d’extrême-gauche, le lance et les autres medias, complices font caisse de résonance.

  7. J’entends sur tous les plateaux que l’on se « réjouit que la parole des femmes soit libérée ». Je préférerais que ce soit la parole des victimes. Il n’y a pas que des victimes femmes et toutes les femmes ne sont pas des victimes. La présomption d’innocence commence à être remplacée par la présomption de vérité dans la bouche des femmes. C’est pervers. Cela devient une arme pour se débarrasser de ses adversaires ; et les réseaux sociaux sont de redoutables commères du village politique.

  8. Oui tout cela est vrai ….et en ce moment sur les plateaux télé on lave du linge très très sale dans une ambiance de voyeurisme glauque …

  9. Comment trouver la vérité après 10 ans et plus ?
    Viol, geste déplacé, consentement ou se situe la limite des unes ou des autres.
    Cela devient ridicule, des dizaines de starlettes déclarent avoir été violé 15/ 20 ans après.
    Des viols promotion canapé, frôler une femme devient un attentat, les grands pères n’ osent plus embrasser leurs petits enfants
    Le monde est malade, les réseaux sociaux détruisent le monde et les familles
    pour le buzz les médias détruisent le pays.

    • L’accusation sans preuves, une des pires façons de détruire, sans risques, un être humain. Un dénommé Dominique Baudis pourrait nous en expliquer la chronologie.

  10. C’est surtout un règlement de compte politique, monde salasse dont il fait partie.
    L’affaire de mœurs est hélas mal traitée.

    • Vous n’avez pas tord, l’oeil matois et brillant de x. bertrand hier à la télé en dit long sur les « boules puantes »? Mais la « boule puante » a-t-elle été concoctée dans le labo LR, ou LREM ?

  11. Il me semble que ces affaires ont été classées sans suite par le parquet ! Si cet anonyme (pourquoi anonyme?) qu’elle porte plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instructions Cela aurait le mérite d’être clair
    Si les femmes sont agressés sexuellement qu’elle dépose plainte rapidement et ne pas attendre la prescription des faits pour en fait nuire à la personne
    Si certains hommes sont de vrais brutes, certaines femmes ne sont pas pour autant des anges

  12. Les faits remontant à plus de dix ans il est possible d’imaginer que la maladie n’avait pas atteint les proportions de handicap d’aujourd’hui. Peut-être l’accusé joue t’il de son état actuel pour se dire innocent, mais imaginons qu’au contraire tout ait été fait pour se débarrasser d’un personnage de droite gênant et ce dès son entrée au gouvernement ???

    • Utiliser le handicap comme argument à charge faut être dénué de tout sens moral pour faire cela. Quelle honte de voir qu’en France aujourd’hui certains tiennent de tels propos.

    • Evidemment je ne sais rien, mais il a été dit dans les médias, répondant à une question du pourquoi maintenant ? une femme faisant partie d’une association a répondu que, lorsque la victime voit, à la télévision, l’homme en question, ses démons remontent à la surface ! je veux bien le croire pour n’importe qui, mais Mr Abad est vu et connu depuis longtemps et visible aussi, depuis longtemps ! cet argument ne tient pas la route …

  13. C’est un grand problème pour les hommes,. Comment prouver son innocence des années après des faits imaginaires.. ou réels, mais réécris dans le mensonge par la suite? Ne serait-ce pas une façon de maintenir les hommes dans la peur?
    Attention, ceci n’est pas une plaidoyer contre les femmes…

    • Étant donné qu’il est possible de retourner la problématique dans l’autre sens soit : « c’est un grand problème pour les femmes, comment prouver la réalité des faits des années après ». On touche, là, la grande difficulté pour la justice, en l’absence de preuves irréfutables, de statuer. Pour le quidam la sagesse devrait lui recommander de ne point prendre position.

    • verrons nous, comme aux Etats-Unis, un homme refuser de prendre l’ascenseur s’il doit se retrouver seul dans la cabine avec une femme?

  14. Désolé mais en attendant que la justice passe et fasse la lumière, il n’a rien à faire au gouvernement. Les mails et les SMS sont édifiants.
    Darmanin et dupont ne veulent pas commenter et pour cause.

    • Toutes considérations politiques mises à part, sur quelles réalités factuelles vous basez vous pour l’évincer d’un poste ou, peut-être, son habileté intellectuelle pourrait servir la Nation ?

    • La justice est passée par deux fois affaire classée sans suite. Que la personne apporte de nouvelles preuves l’enquête sera rouverte. En attendant ce ne sont que rumeurs diffamation Mr Abad a raison de ne pas céder au chantage victimaire piétinant la justice. Pendant ce temps là des femmes sont assassinées à coups de couteau . Hélas elles n’ont pu saisir la justice. C’est cela la priorité sauver des vies. Qui va enquêter ouvrir le débat sur ces crimes avec mode opératoire venant d’ailleurs?

    • on peut penser comme vous, mais le temps que la justice passe, il peut y avoir tout un quinquennat ! ce qui veut dire aussi que n’importe quelle personne qui se présenterait, pourrait se voir accusée, pour des raisons politiques …Maintenant je n’ai pas vu ni les mails ni Sms , alors peut être que ce n’est pas normal en effet ..mais alors on peut se demander pourquoi les LR, son parti d’avant , ont accepté cela ?

  15. Chère madame Cluzel, votre article est parfait, en effet, la duperie et les mauvaises intentions ne sont pas l’apanage d’un sexe, mais une disposition d’âme encore jeune et sauvage et ceux quelque soit le sexe. Ah oui, je ne connais rien du dossier Abad, donc je ne préjuge pas. Cordialement.

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