Danemark : la CEDH condamne l’Etat danois qui a expulsé un trafiquant irakien !
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Une jurisprudence qui n’est pas sans conséquence. Ce 12 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par un trafiquant de drogue irakien, a condamné le Danemark ! Que s'est-il passé ?
En septembre 2022, la Haute Cour danoise avait validé, dans un jugement définitif, l’expulsion de Zana Sharafane, coupable d’infractions liées au trafic de drogue et condamné à deux ans et demi de prison. Cette expulsion était assortie d’une interdiction temporaire de retour sur le sol danois d’une durée de six ans. Quatre mois plus tard, le 28 janvier 2023, Zana Sharafane, mécontent de se voir expulser du Danemark pendant six ans, dépose un recours auprès de la CEDH invoquant le respect de sa vie privée et familiale, alors même qu’il n’a ni conjoint, ni enfant au Danemark. Dans leur arrêt, les magistrats européens ont, encore une fois, donné raison à l’étranger délinquant…
Une garantie de retour
« La CEDH indique clairement que le droit européen interdit dorénavant d’expulser des délinquants étrangers sans s’assurer au préalable que ceux-ci pourront revenir en Europe après quelques années », s'alarme auprès de BV Nicolas Bauer, chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), un organisme qui est intervenu dans ce dossier pour défendre le droit des Etats à « déterminer souverainement si un étranger peut séjourner sur leur sol ». En effet, ce 12 novembre, dans son arrêt Zana Sharafane contre Danemark, la Cour a d’abord rappelé que toutes les expulsions - y compris les expulsions visant des étrangers délinquants - devaient être circonscrites dans le temps. Mais les magistrats ne se sont pas arrêtés là. Ils ont, en outre, considéré que cet étranger expulsé, quand bien même celui-ci aurait été condamné, doit bénéficier de garanties de pouvoir retourner au Danemark une fois le délai de son interdiction de territoire expiré.
Les juges refusent ainsi que Zana Sharafane soit à l’avenir soumis aux règles d’immigration qui incombent à tous les étrangers et, par conséquent, qu'il risque de voir son titre de séjour refusé. Selon eux, le requérant a développé « une vie privée » au Danemark - alors que celui-ci n’a ni femme, ni enfants dans ce pays - et donc qu’à ce titre, il doit pouvoir revenir facilement sur le sol danois au terme du délai de son interdiction de territoire. La Cour se fonde sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen qui garantit le respect du droit à la vie privée et familiale. « Il est fréquent que la CEDH fasse dire tout et n’importe quoi à la Convention européenne des droits de l’homme, commente Nicolas Bauer. […] Dans l’intention des États, l’article 8 était rédigé afin de protéger au niveau européen la vie des personnes et des familles contre les immixtions arbitraires après la Seconde Guerre mondiale. Il n’était pas question pour les États de s’interdire l’expulsion de délinquants étrangers. La CEDH étend l’article 8 bien au-delà de la vie privée. »
La Cour « outrepasse son rôle »
Pour Zana Sharafane lui-même, ce jugement n’aura que peu d’impact. Le requérant a échappé aux autorités danoises avant de purger sa peine. En revanche, rendue de façon unanime, la décision fera jurisprudence. La CEDH crée donc une sorte de « garantie de retour », pour tous les étrangers, analyse Nicolas Bauer. Pour le juriste, la Cour « outrepasse clairement son rôle ». Il espère donc que « le Danemark n’exécutera pas ce jugement, car la CEDH va toujours plus loin. » En 2021, les magistrats européens avaient ainsi interdit les expulsions définitives, obligeant en théorie les Etats à modifier leur législation. Désormais, elle interdit les expulsions non-assorties de garanties de retour. Pour Nicolas Bauer, la CEDH est animée d’une « idéologie individualiste » qui fait « primer les droits d’un individu dangereux sur le bien commun » et d’une « idéologie égalitariste » qui place sur le même plan un étranger délinquant et un ressortissant national. Or la jurisprudence de la CEDH n’est pas sans conséquence pour les Etats membres. Cette décision qui concerne aujourd’hui le Danemark, a également visé la Suisse il y a quelques semaines, et pourrait bientôt concerner la France…
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