Danielle, Berthe, Chantal : ces femmes agressées qui n’intéressent personne

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Sur le banc des parties civiles, Danielle, 86 ans, attend le verdict. Veuve depuis plusieurs années, cette octogénaire, qui se déplace en déambulateur mais conserve toutes ses capacités intellectuelles, avait obtenu une chambre au sein de la résidence municipale Belle Feuille, à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne). Là, elle pensait sûrement vivre des jours tranquilles dans un cadre sécurisé. Mais un soir d’août 2021, quelques semaines seulement après son installation, Danielle aurait été violée à deux reprises par le veilleur de nuit, Madjid. G., 26 ans. Après avoir gardé le silence sur son agression présumée pendant deux mois, elle se confie à ses fils et à deux infirmières. Elle raconte alors que l’individu serait venu lui apporter un gilet, aurait entamé la conversation avant de lui ordonner de prendre une douche et de la violer une première fois. Il serait revenu quelques instants plus tard pour la violer à nouveau. Si l’accusé reconnaît avoir eu une relation sexuelle avec Danielle, il assure que celle-ci était consentie, ce que dément la victime. Devant le tribunal criminel de Melun, il comparaît depuis le 9 octobre pour « viol sur une personne vulnérable » et encourt jusqu’à 20 ans de prison.

Des victimes qui tombent dans l'oubli

Malheureusement, l’agression particulièrement sordide qu’aurait subie Danielle est loin d’être un cas isolé. Les rubriques « fait divers » de la presse régionale font état - trop - régulièrement d’agressions violentes subies par des femmes âgées. Il y a eu Chantal Kempf, un nom désormais tombé dans l’oubli, qui a été retrouvée morte, gisant dans sa salle de bain au sein d'une résidence senior de Mulhouse où elle pensait loger en sécurité. Âgée de 70 ans, Chantal a été égorgée en juin 2022 par trois Algériens « marginaux ». Un an plus tôt, à Paris, Berthe, 91 ans, a elle aussi été « massacrée » et laissée pour morte dans son appartement. « Elle a pris des coups sur la tête, le cou, le sein. Elle a été déshabillée. Il y avait une suspicion d’agression sexuelle… », confiait l’avocat de la famille au Figaro. Son agresseur, un Pakistanais de 25 ans sous OQTF, vient d’être condamné à 22 ans de réclusion. Et comment ne pas citer Huguette, 96 ans, violée, agressée physiquement et cambriolée à Clichy dans son appartement, en février 2023. Encore cette année, les agressions contre les personnes âgées continuent. En janvier dernier, une femme de 75 ans a été violée à son domicile. Son mari, présent, n’a pu intervenir en raison de son handicap. L’agresseur présumé : un trentenaire de type africain.

Face au silence et à l'oubli, certains de leurs proches tentent de faire vivre leur mémoire. « Sans couverture médiatique, c'est un entrefilet dans un journal local et c'est terminé », s'insurge ainsi Marius, petit-fils de Berthe, qui tente par son témoignage de faire évoluer la situation.

Le silence des autorités

Les violences contre les personnes âgées ne sont pas un phénomène nouveau, mais leur multiplication devrait alerter les autorités. Pourtant, il n’en est rien. Pas de MeToo pour ces femmes. Pas de manifestation ni de hashtag. Au plus haut sommet de l’État non plus, le sort de nos aînées agressées ne semble pas intéresser. La sénatrice Valérie Boyer (LR) tente depuis plusieurs mois d’alerter le gouvernement, en vain. En mars, elle interrogeait Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, sur le sort de ces femmes et demandait « davantage d’informations sur ces violences sexuelles contre nos aînées et sur les agresseurs sous forme d’une cartographie détaillée ». « Les chiffres relatifs à la tranche d'âge des seniors [au-delà de 74 ans, NDLR] ne sont malheureusement pas connus, alors même que la recrudescence de tels faits semble attester d'une augmentation de ces drames », expliquait-elle. Et alors que ces chiffres permettraient de quantifier le phénomène et de mettre en œuvre des politiques adaptées, le gouvernement semblait se satisfaire des études actuelles.

Sans se décourager, Valérie Boyer a alors écrit au ministre de l’Intérieur en avril pour obtenir des statistiques plus précises sur les violences sexuelles subies par les personnes âgées et le profil des auteurs. Dans une réponse datée du 5 août 2024 que BV a pu consulter, Gérald Darmanin la renvoie encore et toujours vers une étude du service statistique du ministère de l’Intérieur publiée en mars 2024 qui, selon lui, « répond à l’ensemble de [ces] questions ». Mais cette étude reste incomplète. Les chiffres sur les femmes victimes de plus de 74 ans sont quasiment absents. Les détails précis sur le profil de leurs agresseurs aussi. Combien faudra-t-il de Berthe, de Danielle et de Chantal avant que le problème des agressions contre nos aînées ne soit pris au sérieux ?

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Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

27 commentaires

  1.  » il comparait depuis le 9 octobre pour « viol sur une personne vulnérable » et encourt jusqu’à 20 ans de prison. » On parie sur le verdict réel?

  2. On nous parle encore et toujours de l’affaire Grégorie, non résolue aujourd’hui, mais depuis quelques années des faits autant sinon plus odieux, encore , sont tus aussi vite qu’ils se sont passés !
    je ne sais pas à quoi jouent les médias mais ils se décrédibilisent à chaque fois un peu plus .

  3. Le profil des agresseurs permet de se demander si, outre leur abjection et leur perversité, ces crimes ne sont pas une manifestation de racisme anti-blanc.

  4. Ces pauvres femmes ne dépassent pas le simple fait divers des lors que les agresseurs relèvent de la catégorie qu’il ne faut pas nommer.
    Ah ! si ils étaient d’extrême droite, on aurait une information en bonne et due forme.

  5. Et surtout, personne ne soulève le côté absolument abject de ces agressions.
    Il y a quelques années, personne n’aurait pu imaginer de tels actes.
    C’est une décivilisation dramatique, qui ressemble davantage à des actes de guerre contre notre civilisation, que dis-je, à des crimes de guerre.

  6. Je m’agace d’entendre ou de lire régulièrement « il encourt jusqu’à… de prison » car jamais ces peines ne sont prononcées et en outre, une fois la peine prononcée, bien inférieure à la peine encourue, du fait d’un juge des libertés (qui en réalité rejuge l’affaire mais sans les avocats de la victime) décide que le condamné a été gentil, il n’a pas frappé les gardien et le remet en liberté à mi peine ! Il est scandaleux d’effacer ainsi les victimes sous prétexte de réinsertion. Un condamné doit effectuer sa epine, toute sa peine et cela refroidirait (peut-être) certaines petites gouapes à partir de 14 ans ! En dessous, les parents devraient être mis à contribution.

    • A cet agacement, facilement compréhensible, s’ajoute un plus énervant et déplacé : « présumé », l’assassin présumé, le ceci-cela présumé, alors que les preuves ont déjà été apportées et sont entre les mains des hommes de loi, de la justice. N’est-ce pas Camus qui disait « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » ?

      • Oui, il serait grand temps de revoir la notion de « présomption d’innocence » : quand les « présumés » coupables ont été pris sur le fait, qu’il y a des preuves indiscutables, voire qu’ils sont passés aux aveux, cette « présomption », c’est une injure aux victimes, mais aussi aux enquêteurs : est-ce à dire qu’ils ont mal fait leur travail, voire qu’ils ont extorqué ces aveux par des méthodes répréhensibles ?

  7. Merci Clémence de rappeler ces faits ignobles. Transmettez cet article à la Dépêche du Midi, on verra s’ils osent en parler, et bien sûr à France Inter. Bref, si vous pouvez, à tous ces médias subventionnés par nos impôts.

  8. En voià une grande et honorable cause.
    Je m’appellerai Brigitte, je m’en occuperai. Vu mon age, je pourrai être concernée.

  9. En règles générales les médiats publiques gouvernés par la gauche en particulier sont foncièrement indifférents aux atteintes aux femmes et seul quelques déclarations les plus courtes possible ayant pour seul but de se faire parler d’eux nécessaire pour exister chez les électeurs.

  10. Avant Mr BADINTER ,nous étions peut être pas « civilisés » ,mais une chose est certaine ,c’est que ce genre de faits que l’on dit « divers » n’existaient pas !! Pourquoi ?? Simple question

  11. La cause de ces braves femmes ne peut intéresser ces soit disant mouvements féministe car leurs actions ne sont basées que sur le profit or là en l’occurrence il s’agit simplement d’humanisme.

  12. Comme je le dis souvent, nos dirigeants ont un projet de société où les Chantal, les Berthe et les Danielle sont absentes. Ces agressions sont considérées comme des « dommages collatéraux » qui ne doivent pas entraver la mise en place de ce grand projet sociétal. A terme, les Chantal et les Berthe n’existeront plus et le problème disparaitra avec elles. Quand vous avez compris cela, vous comprenez tout le reste, la justice, les OQTF non exécutées, l’impossibilité d’expulser ou de contrôler nos frontières qu’elles soient européennes ou nationales.

  13. Le sort de nos aînées n’ont pas l’air d’intéresser les féministes , ni grand monde d’ailleurs, qui, pourtant seront elles aussi concernées par la vieillesse.
    Le respect dû aux personnes âgées semble bien révolu, hélas, triste société déshumanisée. Le progrès technique a amélioré les conditions de vie de l’être humain mais a amené à la déshumanisation .

  14. Le silence assourdissant des mouvements féministes ainsi que des Sandrine Rousseau et autres les rend complices de ces agressions parfois mortelles. Mais l’explication vient peut-être de l’origine des agresseurs. En attendant le partage de l’article s’impose …

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