Dans la ligne de mire de l’État profond : hier Nixon, aujourd’hui Trump ?
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À chaque jour sa nouvelle « affaire » Trump. Ainsi, Bob Woodward, journaliste américain devenu célèbre pour avoir, avec son complice Carl Bernstein, fait « tomber » Richard Nixon, en 1974, lors de l’affaire du Watergate, s’apprête-t-il à publier un livre consacré à l’actuel président. Le titre, Fear ("Peur"), est un programme en soi. Ce, d’autant plus que la sortie en est programmée pour le… 11 septembre prochain. Rien de moins.
Sans surprise, les bonnes feuilles nous apprennent que Donald Trump est une personnalité instable (sans blague ?), qu’il s’exprime en privé tel un charretier (on refuse de le croire !) et qu’il aurait même projeté de faire tuer un chef d’État étranger - le Syrien Bachar el-Assad, en l’occurrence. Du jamais-vu à la Maison-Blanche, sachant que le défunt Fidel Castro, pour ne citer que ce seul exemple, a tout de même survécu à 638 tentatives d’assassinat ; ce qui, au passage, explique un peu la traditionnelle paranoïa du régime cubain.
Alors, Donald Trump comme Richard Nixon ? Comparaison n’est pas raison, même si le comportement du magnat de l’immobilier ne doit pas aider aux affaires de certains. Le fameux « complexe militaro-industriel », pour ne pas le nommer, également connu sous le nom « d’État profond ». De ce dernier, le président Dwight D. Eisenhower affirmait en fin de mandat, le 17 janvier 1961, trois jours avant l’entrée en fonction de son successeur, John Fitzgerald Kennedy : "Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques." Avait-il raison ou non ? Toujours est-il que la suite des événements s’est exactement passée tel qu’il l’avait prédit, actuelle réduction drastique des libertés publiques à l’appui.
Sans forcément y voir rapport de cause à effet, le 22 novembre 1963, le même John Fitzgerald Kennedy, qui avait tenté de remettre au pas le « complexe » en question, était donc abattu à Dallas. Cinq jours plus tard, le général de Gaulle assurait à Alain Peyrefitte : "La police a fait le coup, ou bien elle l’a fait faire, ou bien elle l’a laissé faire." (1)
Richard Nixon, lui aussi, se méfiait du même « État profond » : le scandale du Watergate aura suffi à l’écarter des affaires ; deux meurtres d’un coup, ça aurait fait beaucoup… Mais si Eisenhower, Kennedy, Nixon avaient conscience du danger, il n’est pas sûr que Trump en ait pris la véritable mesure, même s’il doit bien avoir conscience, à l’instar de ses trois prédécesseurs, d’occuper, par effraction, un pouvoir de longue date réservé à ces gens du sérail connus pour se coopter les uns les autres.
En effet, Dwight D. Eisenhower était un soldat à la nuque raide, Richard Nixon, le fils d’un petit commerçant et John Fitzgerald Kennedy, un catholique dont le père avait plus que flirté avec le grand banditisme. Soit tout ce que les élites méprisent, comme elles méprisent aujourd’hui Donald Trump, plouc trop vite enrichi. Lequel est peut-être en train de comprendre que toutes ces puissances (militaires, médiatiques, culturelles et industrielles) sont en train de mutualiser leur pouvoir de nuisance pour le chasser d’un banquet auquel personne ne l’a convié, où il s’est installé à la place d’honneur tout en se mouchant dans les serviettes, en pinçant les fesses de la soubrette et en buvant l’eau des rince-doigts.
Que les médias français, par pusillanimité et suivisme atlantiste, participent à cette mise à mort a, certes, quelque chose de désolant, mais ne présente toutefois rien de bien inédit, tel étant le cas depuis des décennies. À ce sujet, Éric Branca, l’un des anciens patrons de Valeurs actuelles, a récemment signé un brillant essai sur la question, L’Ami américain (2). À lire absolument, tant c’est à la fois lumineux et consternant.
(1)C’était de Gaulle, d’Alain Peyrefitte. Gallimard.
(2) Perrin.
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