Dans quelle proportion mangeons-nous de la viande halal ? La grande inconnue

Pris en étau entre cause animale et pression démographique, les politiques se soucient surtout de cacher les chiffres.
L214 - Ethique & Animaux, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons
L214 - Ethique & Animaux, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

Ils seraient, selon l'INSEE, plus de 80 % à pratiquer le ramadan, en France, sur une population estimée à près de 7 millions de musulmans (environ 10 % de la population, chiffres INSEE). Durant cette période de l'année qui s'est achevée ce 30 mars, les familles musulmanes consacrent une part plus importante de leur budget aux produits alimentaires (à hauteur de 40 %). Une aubaine, pour les acteurs de la grande distribution, car ces dernières années, le marché des produits halal a explosé, enregistrant un chiffre d'affaires passé, en quatorze ans, de 5,5 milliards d'euros à 7 milliards, en 2023. Parmi tous les produits estampillés halal, le secteur de la viande en profite. Propulsé par des personnalités people comme le chanteur Soprano, « ambassadeur de la chaîne de fast-food Quick » « halal compatible » qui pose, bosse bien visible sur le front (signe de sa très grande religiosité). Derrière le business, c'est toute une pratique et un savoir-faire liés à l'abattage des animaux d'élevage qui s'en trouvent profondément modifiés. Plus ou moins perceptiblement. Mais qu'aucun de nos responsables politiques n'a réellement osé limiter.

Des statistiques qui ne sont plus collectées : l'opacité officielle

Le sujet est récurrent. Il émerge en 2016, avec la diffusion de plusieurs vidéos chocs réalisées par l'association de protection animale L214 pour alerter sur la cruauté des abattages rituels. La pratique consiste à égorger l'animal vivant sans l'étourdir préalablement, idéalement la tête tournée vers La Mecque. Une agonie qui peut durer jusqu'à deux minutes en présence d'un sacrificateur, musulman pratiquant qui prononce les paroles rituelles de l'islam. L'émoi provoqué par ces vidéos suscite la création d'une commission d'enquête qui ne servira, finalement, qu'à alerter l'opinion. En pleine campagne présidentielle de 2022, Éric Zemmour relance la polémique en affirmant que « plus de 50 % de la viande que tout le monde consomme est halal », au point « qu'en France, on mange de la viande halal sans le savoir ». Faux, protestent les fact-checkers, qui s'empressent de diffuser ces chiffres : « 34 % de l'ensemble des abattoirs, en France, sont autorisés à effectuer des abattages rituels. » Ce qui ne dit rien sur la proportion de viande halal consommée en France. Un seul rapport officiel, celui du ministère de l'Agriculture, datant de 2014, est exhumé, selon lequel « en nombre de têtes abattues, l'abattage sans étourdissement représentait 15 % des bovins abattus et 27 % des ovins ». Et TF1 Info de préciser : « La statistique n'a jamais été mise à jour », le ministère de l'Agriculture ayant justifié ce manque d'information par un « changement du système d'information du ministère, effectué en 2015 ». L'opacité est donc officiellement de mise.

Des politiques qui ne tranchent pas

Pris en étau entre les défenseurs de la cause animale et la pression démographique, les responsables politiques préfèrent ne pas trancher. Si l'interdiction de l'abattage sans étourdissement demeure la règle, le circuit de la chaîne halal peut profiter d'une dérogation offerte par un décret européen au nom du « libre exercice du culte ». Une sacro-sainte entorse à laquelle tous les responsables politiques, de François Fillon, en 2017, à Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture, en 2020, de droite comme de gauche, n'oseront jamais toucher. Quitte à entretenir les consommateurs dans la plus totale ignorance de ce qu'ils ont dans leur assiette. Toute tentative pour exiger une information claire d'étiquetage sur le mode d'abattage de leur viande ayant échoué. En février 2024 au Sénat, au cour de l'examen de la loi d'orientation agricole, un amendement LR allant en ce sens a, une fois de plus, été rejeté.

De dérogations en fêtes religieuses : faire face à la demande

Dans l'idée d'« écarter les risques d'abus d'abattages rituels », depuis décembre 2011, le ministère de l'Agriculture oblige les abattoirs qui souhaitent pratiquer l'abattage rituel à obtenir un agrément délivré par le préfet. À ce jour, et selon l'OABA, association d'assistance aux bêtes d'abattoirs, sur les « 240 abattoirs de boucherie agréés, 150 (soit 62 %) ont obtenu une dérogation pour pratiquer un abattage sans étourdissement pour répondre aux demandes de viandes halal ou kasher ». Une belle proportion qui ne dit toujours pas quelle est la part globale de viande halal injectée dans le circuit de consommation. D'autant qu'à titre exceptionnel, à l'occasion de la fête musulmane de l’aïd el-kébir, par exemple, pendant laquelle plus de 100.000 moutons sont égorgés (encore un vieux chiffre jamais réactualisé), des autorisations supplémentaires et ponctuelles d'abattages rituels sont également délivrées.

L'anthropologue et chercheuse au CNRS Florence Bergeaud-Blacker, pour qui le marché du halal s'apparente à un « djihad économique », expliquait récemment, sur le plateau de CNews : « Il est plus simple, pour des raisons économiques, de ne pas faire de distinction dans l’abattage [...] l’abattage rituel en mode halal produit une quantité plus large de viande que celle qui est consommée sur le territoire. Le restant est distribué dans les supermarchés et les boucheries. Donc, nous mangeons de la viande halal qui n’est pas étiquetée comme telle. »

D'une manière générale, en France, le marché de la viande se porte mal et, mécaniquement, celui du secteur des abattoirs. Une partie d'entre eux, en grande difficulté, sont « sauvés » par de grands groupes qui ne se cachent pas de pratiquer l'abattage rituel, comme le groupe Bigard, d'ailleurs épinglé en avril 2024 par L214 pour son abattoir de Venarey-les-Laumes, en Côte-d'Or. En plein Pays de Bray, à Forges-les-Eaux (Seine-Maritime), c'est le groupe de supermarchés officiellement halal, HMarket, qui a racheté l'activité. Au grand désespoir d'un Xavier Bocquet, éleveur porcin chassé de son coin de territoire et contraint, désormais, de faire des kilomètres pour conduire son cheptel. Le soft power musulman pénètre tous les interstices de nos quotidiens.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

65 commentaires

  1. Ce retour à la barbarie pour des raisons strictement superstitieuses et qu’ON NOUS IMPOSE est une honte absolue. Et en plus, la viande est dégu… !

  2. Ou j’achéte ma viande au rayon avec un boucher ou celui-ci me certifie que la viande n’est pas hallal,je prend là, concernant les 7 millions de musulmans en France ce chiffre est mensonger il était déja de 7 millions ily à 20 ans au bas mot aujourd’hui 20 millions et peut’étre plus.

    • Tout à fait d’accord. Je pense qu’avec ce chiffre de 7 millions , on est très en dessous de la vérité . Vérité qui est cachée car elle est effrayante.

  3. Si nous étions vraiment en démocratie, toute la viande que nous achetons devrait être correctement étiqueté et le mode d’abattage bien indiqué clairement. Faute de savoir quelle viande j’achète et pour ne pas me faire rouler et être complice de la souffrance animale, je n’achète que du porc.

  4. Comprends pas… Il paraît qu’en France (je n’ose plus dire « chez nous »), à l’exception d’une petite minorité de « fascistes », tout le monde est ravi d’accueillir de plus en plus de gens issus de la « diversité ».
    Si donc on ne veut pas étiqueter « viande halal » pour éviter toute forme de discrimination à leur égard, il n’y a qu’à étiqueter « non halal » pour les attardés qui s’obstinent à prétendre que le « grand remplacement » n’est pas un mythe !

  5. Le halal est un business comme un autre et malheureusement s’il y a de la demande il y aura de l’offre. Perso, je refuse 1) l’abattage rituel parce que non respectueux de l’animal, générant des problèmes d’hygiène et finançant le culte musulman et 2) je refuse d’acheter du halal s’en en être informée. L’abattage rituel, au départ avec dérogation mais devenu majoritaire, doit être formellement interdit. La viande halal peut être importée. L’étiquetage de la viande vendue en barquette et en boucherie doit comporter une mention sur le type d’abattage. Existe-t-il des pétitions ? Pourquoi aucun député ne porte ce projet ?

    • Précision d’importance : L’agonie dure AU MINIMUM 10 minutes et non pas « jusqu’à deux minutes ». J’ai déjà signalé à plusieurs reprises que l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir) publie et met régulièrement à jour la liste des abattoirs pratiquant systématiquement l’étourdissement, dont font partie les abattoirs bio. Chaque abattoir est doté d’un numéro qui figure sur l’emballage de la viande ou sur le comptoir de la boucherie (rayon « à la coupe » ou boucherie traditionnelle). Je rappelle que l’OABA agit en cas de maltraitance et recueille les animaux (souvent des troupeaux entiers) pour les remettre sur pied. Ces animaux, sauvés à vie, ne seront plus jamais exploités.

  6. Déjà une chose a interdire Marine aucune autorisation qu’un imman soit présent dans un abattoir si ces gens là la veulent du halal qu’ils restent chez nous n’avons pas a suivre leur coutume qui est atroce ou sont les écolos qui nous donne des leçons et les végétarien ainsi que la protections des animaux qui condamne un maitre de donner un coup de pied son chien ou mal traitance aux animaux de ferme ainsi que condamner une chasseur pour avoir tué un loup ou autre sont t-ils ces donneurs de leçons encore des gauchistes

    • Il faut lire les commentaires avant de dénigrer les associations ! J’ai déjà signalé à plusieurs reprises que l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoir) publie et met régulièrement à jour la liste des abattoirs pratiquant systématiquement l’étourdissement, dont font partie les abattoirs bio. Chaque abattoir est doté d’un numéro qui figure sur l’emballage de la viande ou sur le comptoir de la boucherie (rayon « à la coupe » ou boucherie traditionnelle). Je rappelle que l’OABA agit en cas de maltraitance et recueille les animaux (souvent des troupeaux entiers) pour les remettre sur pied. Ces animaux, sauvés à vie, ne seront plus jamais exploités. L’OABA intervient en cas de maltraitance dans les élevages et recueille les animaux en détresse pour les remettre sur pied. Ces animaux sont sauvés à vie, et ils ne seront plus jamais exploités.

  7. 7 millions de musulmans en France ??
    C’est un chiffre qu’on entend depuis plus de 20 ans.
    Je crois qu’il est temps de reconnaître qu’on peut le multiplier par deux, voire même trois.

  8. Petite précision : quelle est la part globale de viande halal injectée dans le circuit de consommation ?
    Pour les ovins je ne sais pas mais pour les bovins, je tiens ça d’un boucher professionnel.
    Les musulmans ne prennent que le tiers avant d’une carcasse de bœuf, les deux tiers arrière étant considérés comme impurs car contenant les viscères et organes d’évacuation.
    Il va de soi que jeter les 2/3 d’une carcasse signifierait la faillite de la filière viande. Ces 2/3 halal sont donc mis dans le circuit classique et c’est pour ça que l’état interdit l’étiquetage halal de la viande.

    • Vraiment ? Je l’apprends et il serait normal de mentionner non halal pour notre légitime information. Mais, dans leurs nombreux pays, que font t ils des deux tiers arrière d’une carcasse ?

  9. « Une agonie qui peut durer jusqu’à deux minutes  » = faux car peut durer jusqu’à 20 mn!

    « En pleine campagne présidentielle de 2022, Éric Zemmour relance la polémique en affirmant que « plus de 50 % de la viande que tout le monde consomme est halal » » = OK et lui, il ne mange pasEn pleine campagne présidentielle de 2022, Éric Zemmour relance la polémique en affirmant que « plus de 50 % de la viande que tout le monde consomme est halal » = OK et lui, il ne mange pas En pleine campagne présidentielle de 2022, Éric Zemmour relance la polémique en affirmant que « plus de 50 % de la viande que tout le monde consomme est halal » = OK et lui, il ne mange pas Kasher ? (j’ose l’espérer)

  10. NB : même chez le petit traiteur asiatique ou j’achète de temps en temps riz cantonnais et autres rouleaux de printemps, le jambon à été remplacé par du jambon de dinde halal. Parce que «  si on ne le fait pas, on perd trop de clients ».

    • Récemment j’ai refusé une salade au poulet dans un stand Columbus quand j’ai vu, près de la caisse, que le poulet était halal. L’employé m’a regardée de travers mais j’ai dit tout haut pourquoi je changeais pour un autre article. Peut-être que si les réactions comme la mienne sont nombreuses, les choses peuvent évoluer.

      • Idem pour moi qui ai refusé hier du boudin noir étiqueté « origine UE)…Il nous reste, pour l’instant, la charcuterie…

  11. Manger halal, ce n’est pas seulement de la souffrance animale, c’est donner de l’argent aux imams pour chaque kilo de viande abattue.

  12. Ayant contacté il y a quelques années , un groupe d’éleveurs qui vendaient directement en ligne , leur production, il m’avait été répondu qu’il pouvaient me rassurer sur la façon dont étaient traitées leurs bêtes … de leur vivant . Pour la mise à mort , ils ne pouvaient pas m’assurer qu’elles ne subissaient pas l’abattage rituel . Au moins ils ont été honnêtes . Par conséquent, je me suis tournée ( par goût aussi) vers la viande de porc et la volaille . Dans le doute , je n’achète ni boeuf, ni mouton, ni veau etc …D’autant plus que je ne trouve de viande que dans mon supermarché maintenant que TOUTES les boucheries de ma ville ont été rachetées par des arabes musulmans et que je me refuse à acheter du halal .

  13. C’est un scandale amusant le bien être des animaux, égorger en toutes consciences sans étourdissement des animaux c’est bien, pendant ce temps là on interdit les cravaches dans les courses hippiques donc plus grave que l’abatage culturel, on es chez les fous.

  14. Pourquoi ne jamais dénoncer le scandale sanitaire de cet abattage qui contamine la viande en E Coli responsable des gastro entérites potentiellement mortelles? Vous savez? Ces « épidémies  » de gastros !!

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