De Gaulle au Trianon : un héritage à (re)découvrir

En 2025, à l'occasion du 150e anniversaire de la IIIe République, le château de Versailles met en lumière son héritage républicain en ouvrant au public, dès le 5 avril, une aile méconnue du Grand Trianon : Trianon-sous-Bois. Parmi les œuvres architecturales édifiées par les souverains Bourbons sur le domaine de Versailles, cet ensemble d’appartements fut aménagé par le général de Gaulle. Cette ouverture au public permet ainsi aux Français de redécouvrir un pan méconnu de l’Histoire politique et patrimoniale de notre beau pays.
Un havre de paix
C’est grâce au génie et au talent du grand Jules Hardouin-Mansart que le Grand Trianon fut conçu en 1687 à la demande de Louis XIV. Ce palais devait alors offrir au Roi-Soleil un refuge loin des tumultes, des fêtes et des intrigues politiques de son château de Versailles. Ce cadre intime, caractérisé par ses marbres roses, ses fontaines miroitantes et ses jardins raffinés, fut également prisé par Louis XV, qui décida d’agrandir le domaine en y ajoutant le Petit Trianon.
En 1805, Napoléon, devenu empereur, se fit également restaurateur en ordonnant que le Grand Trianon retrouve sa beauté passée dont la Révolution avait accéléré le déclin en pillant son mobilier. Après l’exil de l’Aigle, les frères de Louis XVI délaissèrent à leur tour Trianon qui devra attendre l’avènement du roi des Français Louis-Philippe pour retrouver sa fonction de demeure royale et familiale. Malheureusement, l’effondrement de la monarchie de Juillet en 1848 provoqua la mise en sommeil de Trianon pendant plus d’un siècle.
Une demeure pour les invités de la France
Il fallut attendre ainsi 1958 pour que Trianon intéresse à nouveau le pouvoir. Devenu Président et fondateur de la Ve République, le général de Gaulle souhaite alors doter la France de plusieurs résidences officielles pour le chef de l’État et pour ses homologues étrangers en visite en France. L’idée d’installer le pouvoir exécutif au château de Versailles est rapidement abandonnée en raison de la charge historique du monument. Cependant, de Gaulle voit en Trianon un cadre plus approprié et intime. Il confie alors à son ministre de la Culture, André Malraux, la mission de restaurer le palais.
Malraux soutient pleinement le projet, reconnaissant Versailles comme un « lieu exemplaire de civilisation occidentale ». Les dimensions plus modestes du Grand Trianon, déjà en cours de restauration depuis 1954, facilitent les travaux demandé par de Gaulle. Par ce projet, ce dernier souhaite également réconcilier symboliquement le peuple français avec son Histoire en affirmant une continuité historique entre la monarchie et la république par l’association de ce lieu emblématique au pouvoir moderne.
De grands travaux
Cependant, le chantier, qui ne débute qu’en 1962, est d’une ampleur considérable. En effet, il s’agit d’électrifier et de moderniser l’ensemble de l’édifice tout en respectant son architecture d’origine. Le plan d’aménagement prévoit ainsi de diviser les espaces : l’aile gauche du Grand Trianon est destinée à recevoir les chefs d’État étrangers, tandis que l’aile de Trianon-sous-Bois est réservée au président de la République.
Pour répondre à ce lourd cahier des charges, le rez-de-chaussée de Trianon-sous-Bois est réorganisé pour accueillir des espaces de travail, comprenant le bureau du Général, celui de ses aides de camp ainsi que des salons et des salles de réception ornés de boiseries de style Régence et d’un mobilier Empire. À l’étage, des appartements privés et des chambres dans le style Louis XVI sont aménagés pour offrir un cadre plus intime au chef de l’État et à sa famille. Les lits destinés à Charles et Yvonne de Gaulle sont même conçus sur mesure pour s’adapter à la stature de ce géant qui mesurait près de deux mètres. Enfin, au sous-sol, un complexe de 800 m2 de cuisines est installé afin de répondre aux exigences des dîners d’État organisés au Grand Trianon. Les travaux s’achèvent officiellement le 10 juin 1966.
Changement et renouveau
Étonnamment, de Gaulle ne séjourna que très brièvement à Trianon-sous-Bois et jamais à titre privé. Après son départ de l’Élysée en 1969, le Grand Trianon continua de remplir sa fonction diplomatique en accueillant de nombreux chefs d’État et souverains du monde entier. Le dernier de ses invités de marque fut le président russe Boris Eltsine, en 1992.
En 1999, Jacques Chirac prit la décision d’ouvrir le Grand Trianon au public avant qu’en 2011, il ne soit entièrement réintégré au domaine du château de Versailles. Cependant, au fil des décennies, le bâtiment, ayant subi les outrages du temps, nécessite d’importantes restaurations, qui furent entreprises dans les années 2010. Ces travaux ont permis de restituer Trianon dans son état des années 1960, tel qu’il fut aménagé sous de Gaulle.
Aujourd’hui, la réouverture des appartements de Trianon-sous-Bois permet ainsi aux Français de redécouvrir un lieu historique qui aurait pu remplacer l'Élysée et devenir un véritable palais présidentiel. À cette nouvelle possibilité de visite s’ajoute également celle de la salle du Congrès et de l’appartement du président du Congrès, accessibles exceptionnellement au public depuis le 15 février et jusqu’à la fin du mois de septembre 2025.

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