Décès d’un réalisateur de « Bonne nuit les petits » : à quand une version 2023 ?

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Vers 19 h 20, un gros nounours arrivait sur un nuage au-dessus de ce qui ressemblait à un pavillon de banlieue. Chaque soir, les enfants des années 60 attendaient ce rendez-vous avec les marionnettes de l'émission « Bonne nuit les petits ». Par une échelle de corde, l'ours descendait jusqu'à la chambre de Pimprenelle et Nicolas. Cascade réalisée sans aucune procédure de sécurité ! Après un bref dialogue empreint d'un odieux paternalisme, la peluche remontait à bord de son embarcation aérienne sur laquelle était resté le marchand de sable. Après un lâché de paillettes dorées sans doute très néfastes à l'environnement, les enfants s'endormaient et le nuage repartait vers d'autres aventures. Le décès de Michel Marini, qui fut l'un des réalisateurs de la série, donne l'occasion de se remémorer ce court programme impensable en 2023. Grossophobie pour le nounours, promotion des transports aériens, petite fille en rose, petit garçon en bleu... Le frère et la sœur obéissant au doigt et à l'œil à la bonhomie d'un animal en voie de disparition. Une compilation de préjugés !

Pour revenir sur les écrans, cette antiquité télévisuelle nécessiterait quelques aménagements. Une arrivée de l'ours en Mercedes haut de gamme, un jet de gaz lacrymogène pour neutraliser les enfants, combat à l'arme blanche avec les parents qui n'entendent pas se voir dicter l'éducation de leurs progénitures puis retour au véhicule encadré par un escadron de CRS. Un lâcher de blocs de béton sur la chambre par le marchand de sable finirait alors d'endormir les deux sauvageons. Départ poétique de la limousine avec, en arrière-plan, les ruines fumantes du pavillon. Bonne nuit, les petites racailles... Remis de ses blessures, gros nounours reviendrait alors le lendemain pour une nouvelle échauffourée. Pimprenelle, devenue Gérard suite à un changement de genre, attend son héros du soir alors que Nicolas, en robe à fleurs, s'interroge sur le rôle de la femme dans une société patriarcale. De cinq minutes, l'émission passe à une heure trente. La destruction de la chambre est remise à plus tard. Le marchand de sable dirige les débats.

Se remémorer « Bonne nuit les petits » amène à faire le constat de la disparition d'une mise en scène de la naïveté enfantine. Les adultes de l'époque ont l'intelligence de ne pas contaminer l'ensemble d'un intellectualisme ou d'un deuxième degré malvenu dans cet univers. La ville survolée par les deux personnages est paisible. Les échanges se déroulent dans un climat de bienveillance réciproque. Le nuage, visiblement en coton hydrophile, suffit à l'enchantement des tout-petits. La magie opère malgré une réalisation avec « les moyens du bord ». La représentation onirique du coucher gagne les cœurs des plus agités. En ces temps d'avant mondialisme et Planning familial, les téléspectateurs ignoraient que la nuit annoncée allait être si longue.

Jany Leroy
Jany Leroy
Chroniqueur à BVoltaire, auteur pour la télévision (Stéphane Collaro, Bêbête show, Jean-Luc Delarue...)

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Une chose de cette mise en scène a survécu : le pipeau du marchand de sable. L’instrument a été confisqué et tous les politiciens qui se sont succédés depuis la disparition de Bonne Nuit les Petits se le sont refilé et en ont usé et abusé. Le champion toutes catégories du pipeau, vous les connaissez trop bien, mes amis.

  2. Mais qui a inventé le smartphone pour supplanter la poésie indispensable à l’humain quelque soit son âge… ma petite fille de 7 ans est attirée (comme par un aimant) par les « arc en ciel » et autres « licornes » et bien sûr par les écrans qui assurent à la fois le calme et l’excitation…

  3. Comme d’habitude vous nous faites rire ou sourire. Le monde que vous évoquez (celui de Nounours) est celui de mon enfance, Je regardais passer le marchand de sable tous les soirs. Quelle sérénité rassurante , quelle période de bonheurs tout était plus simple malgré les difficultés quotidiennes. Le monde des enfants était encore le monde du rêve, des rêves de l’aventure, de Tom Sawyer, Robinson Crusoe, d’Ivanoe ou Thierry la Fronde . Je regrette bien sûr, mais je me rassure en pensant que cet univers harmonieux et bien construit m’a permis d’avoir une existence riche dans tous les sens du terme. J’essaie de transmettre à mes petits-enfants un peu de ce bonheur passé.

  4. Souvenir d’un peuple civilisé, digne, travailleur. L’époque était plus rude, il y avait moins « d’aides » de toutes natures mais le peuple était debout et uni.

  5. Une série qui invitait à l’apaisement, reflet d’une douceur à vivre. Depuis, quelle évolution ! C’est le progressisme nous affirment-ils !

  6. Nostalgie mais aussi colère dans un monde actuel où toute poésie a disparu et où on veut propulser nos enfants dans celui des adultes avant l’âge. Comme cette époque était belle. On y vantait encore nos racines avec des feuilletons sentant bon le terroir.

  7. Merveilleux souvenir ..mes enfants émerveillés devant la nouvelle télé en noir et blanc .Un monde non seulement disparu mais honni…

  8. On savait que lorsqu’apparaissait à l’écran, l’émission « Bonne nuit les petits », c’était l’heure du coucher des petits ! Je suis nostalgique de cette période

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