Déconfiture des batteries : vers l’explosion d’une « bulle verte » européenne ?

@chuttersnap/unsplash
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Parallèlement aux constructeurs automobiles, les fabricants de batteries européens enchaînent les déboires. Alors qu’ils étaient censés, voici à peine deux ans, contribuer à la réindustrialisation de l’« Europe verte », c’est hélas déjà l’hécatombe. Rappelons-nous Automotive Cell Company. Associant les grands Européens de l’énergie et de l’automobile (Total - via sa filiale batterie Saft, Stellantis & Mercedes), elle avait été baptisée par Bruno Le Maire (encore lui !) l'« Airbus des batteries » en souvenir du triomphe du consortium aéronautique franco-allemand.

Le fiasco des batteries

D’Airbus, ACC s’est rapidement transformé en Concorde. ACC a ainsi annoncé, début juin, le décalage dans le temps de la construction d’unités de production planifiées en Italie et en Allemagne. À la suite de l’arrêt des travaux sur le site de Termoli (côte Adriatique), le gouvernement Italien a ainsi décidé d’arrêter toute subvention. En France, l’usine de Douvrin (Pas-de-Calais) est censée regrouper, à l’horizon 2030, trois à quatre gigafactories produisant, chacune, huit GW/an, et ce, pour un investissement total de deux milliards d’euros. Inaugurée en grande pompe en juin 2023, la première unité (500 millions d'euros d’investissement, dont 121 de subventions publiques) tourne aujourd’hui à moins de 50 % de sa capacité, faute de marché, mais aussi par suite d’incertitudes quant à la technologie utilisée.

ACC n’est pas un cas isolé. Mi-2023, la société taïwanaise ProLogium avait décidé d’investir, à Dunkerque, 5,2 milliards d’euros (dont 1,5 milliard d'euros de subventions publiques) pour produire 48 GW de batteries lithium-céramique à l’horizon 2030. ProLogium vient de réviser ses ambitions à la baisse entre 8 et 16 GW.

Mais la (mauvaise) cerise sur le gâteau nous vient de Scandinavie. Fondée en 2016, la société suédoise Northvolt était parvenue à lever 13,8 milliards d’euros auprès des grands constructeurs automobiles comme BMW, Volkswagen et Volvo en vue de construire des gigafactories ion-lithium en Pologne, en Allemagne et au Canada. Incendies en série inexpliqués, commandes annulées : rien ne va plus, chez Northvolt. L’entreprise, dont Volkswagen est le premier actionnaire, est carrément au bord de la faillite depuis que le gouvernement suédois a refusé de la renflouer.

La vente de voitures électriques en berne

Cette déroute n’est que la partie émergée d’une bulle verte européenne en train d’exploser. Elle se lit, notamment, en filigrane des grandes difficultés auxquelles est confrontée l’industrie automobile européenne, dont les ventes de véhicules électriques ont baissé de près de 36 %, en un an (plus de 60 % en Allemagne). Les raisons sont multifactorielles : augmentation importante du prix des véhicules, recharge devenue parfois plus onéreuse au kilomètre parcouru que des carburants en forte baisse, raisons purement pratiques liées à l'autonomie sur longue distance et au manque de bornes de recharge, notamment dans les grandes villes.

Les voitures électriques sont, aujourd’hui, sous perfusion publique et ne se vendent qu’à condition d’être fortement subventionnées. Ainsi, en Norvège, avec une subvention de 35.000 euros par véhicule, associée à de multiples avantages (exemption de TVA, péages gratuits), le parc automobile est devenu électrique à 85 %. Des subventions permises grâces aux ventes norvégiennes… de pétrole et de gaz ! Les restrictions budgétaires, en France, qui vont dans l’autre sens (réduction du bonus écologique et accroissement du prix de l’électricité envisagé dans la loi de finances 2025), ne devraient pas améliorer la situation, loin de là.

Cette situation cataclysmique ne semble pourtant pas inquiéter les instances bruxelloises, qui continuent d’enfoncer le clou du suicidaire Pacte vert. Après avoir englouti plus de 200 milliards dans la mobilité électrique, les constructeurs européens, faute de ventes suffisantes de voitures électriques, vont devoir s’acquitter d’une taxe pour « émissions excessives ». En 2025, la punition s’élèverait à la bagatelle de 15 milliards d’euros.

Comme le mentionne l’excellent Jean-Paul Oury dans son ouvrage Greta a ressuscité Einstein (VA), on connaissait la « destruction créatrice schumpétérienne » ; désormais, on pourra parler de « planification destructrice vonderleyenne ».

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Philippe Charlez
Ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, membre du bureau politique de Identité-Libertés.

Vos commentaires

97 commentaires

  1. Dites moi où on va trouver l’électricité pour ces voitures. Une charge rapide de 1/2heure nécessite la puissance utilisée par un lotissement de 25 maisons en hiver et qui se chauffent à l’électricité

  2. Tout à fait d’accord avec Poulbot : l’hydrogène est la seule solution pour le futur : il est présent en grande quantité dans notre sous-sol – il ne pollue pas – le plein de la voiture en 3 minutes – autonomie équivalente à celle des voitures thermiques. La voiture électrique n’aura réussi qu’à ruiner nos constructeurs, et les gogos qui se seront laissé piéger à en acheter une qui très vite sera invendable sur le marché de l’occasion.

    • L’hydrogène est une chimère. Faite un Pert, et vous constaterez qu’avec 100% d’énergie aéraulique, transformé en électricité pour faire de l’hydrogène. Hydrogène utilisé pour faire rouler un véhicule .;… vous n’avez que 5% d’énergie restituée. C’est moins que le rendement d’un moteur thermique.

  3. Tenons bon !
    Notre pouvoir de consommateur est infiniment plus important que notre pouvoir de citoyen : si nous n’achetons pas de voiture électrique, cette délirante gabegie finira par s’arrêter et les médias complices diront tout le mal qu’ils pensaient de la transition quand il sera trop tard, comme pour le vaccin Covid…

  4. Tout n’est qu’arnaque, comme pour les éoliennes !!! Le climat fait ce qu’il veut et l’humain ne pollue guère !!!

  5. Et ce n’est pas fini, quand la  » bulle verte » finira sa ( courte) vie dans des décharges pour batteries extrêmement inflammables en attendant leur recyclage compliqué et poluant le vert passera vite au rouge !

  6. Le VE a batterie a accumulation c’est du n’importe quoi , lourds , charge lente même en passant par des bordes rapides , dangereuse en cas d’accident (voir accident dans les deux-sèvres), la moindre réparation coute une fortune ; la technologie a hydrogène est plus pratique , plein rapide , véhicule moins lourds , en cas d’accident une soupape de sécurité s’ouvre libérant l’hydrogène , moins de pollution tant a la fabrication qu’au recyclage , on ne peux pas en dire autant avec le VE a batterie.

    • L’hydrogène ne sera jamais possible ailleurs qu’en milieu industriel. Les risques de fuite en milieu confiné sont inacceptables pour le grand public.

      • On a dit ma même chose sur les véhicules a gaz et pourtant des camions roulent au gaz et des véhicules particulier également.

  7. Encore une démonstration par l’absurde de l’incapacité des politiques à gérer l’activité économique , ils savent pondre des règlements , normes etc etc mais n’ont aucune idée des obstacles que leur diarrhée normative engendre pour l’activité humaine .Perseverare diabolicum .

  8. On parle souvent des immenses richesses en hydrocarbures de la Norvège. On oublie sa richesse illimitée, et renouvelable en électricité hydraulique. Promenez-vous dans Oslo la nuit, toutes les lumières des tours de bureaux sont allumées. La différence entre les hydrocarbures et l’électricité est que celle ci ne s’exporte que vers des marchés géographiquement proches. Ce que fait ponctuellement la Norvège vers la Suède quand ce pays connaît une hydraulicité médiocre. Donc la Norvège à tout intérêt à privilégier la consommation de son électricité très bon marché et réserver son pétrole et son gaz à l’exportation vers des marchés plus lointains.

  9. Comme quoi l’ultimatum décrété par l’UE, au sujet des moteurs thermiques dont l’arrêt d’utilisation est prévu pour 2035, est purement et simplement une folie. Une chose est sûre, cela va leur revenir en pleine figure à ces décideurs de pacotille. J’en rigolerais presque si ce n’était le coût que cela représente pour les contribuables.

  10. Pourtant si on fait un peu gaffe, on voit très bien que les quantités de pétrole vont en diminuant avec le temps et ce n’est pas prêt d’arrêter. De plus notre dépendance au pétrole est synonime de dépendance aux pétromonarchies. Pour transporter de l’énergie, reste l’hydrogène, loin d’être la solution ideale, et les batteries. Donc a priori ce n’est pas une mauvaise idée d’investir dans les batteries. Il y aura des hauts et des bas, mais à terme, il est important que les batteries soient fabriquées en Europe plutôt qu’en Chine ou ailleurs. Sur le moyen et long terme, c’est une bonne idée.

    • Les batteries sont hyper polluantes, depuis leur fabrication (extraction de métaux lourds à l’autre bout de la planète) jusqu’à leur destruction (recyclage possible ou non ?). Entre les deux, risque d’incendie du véhicule.

  11. L’électrique n’est pas une mauvaise idée en soi, le problème vient de la précipitation car rien n’est prêt, ni les batteries qui sont parfois instables sans qu’on sache vraiment pourquoi, et encore moins les infrastructures pour recharger et je ne pense pas qu’aux bornes, je parles aussi des kms de câbles à mettre en place du surplus de courant à produire. Le thermique a pris du temps, et nous avons eu le temps de nous y adapter, là, « on » veux aller bien trop vite. Sans oublier qu’on surcharge les voitures et même les motos de technologies inutiles, moi j’ai la chance d’avoir pu récupérer une moto de 1991 et une voiture de 1960 rien que de l’utile sur chacune, l’E98 leur convient et sans être mécano -suis routier- tout est réparable. Et navré pour la longueur mais « on » dit aussi « on va manquer de pétrole » et bien navré mais à 100% d’électrique et d’électronique on manquera rapidement des métaux rares nécessaires.

    • Et d’électricité pour charger les véhicules. Les chiffres sont têtus. Pour une charge rapide il faut une puissance égale à celle d’un lotissement de 25 maisons individuelles munies de chauffage électrique. Faites un calcul.

      • Je me risquerais pas à un tel calcul déjà car je doute d’y arriver mais j’imagine sans peine que ça fait beaucoup. En tout cas merci pour l’info mais zut ça fait peur, je suis juste routier et pourtant sans prétention je pense que mon argumentaire est assez simple, vos sources doivent être vraies puisque vérifiables, et pourtant nos élus s’entêtent … Parfois je me demande pourquoi.

      • Les chiffres sont ce qu’ils sont, pour déplacer une à deux tonnes de feraille à 100km/h, quelle que soit la source d’énergie, il faut en gros la même quantité d’énergie, pétrole, électricité, hydrogène, kif kif bourricot. On peut aussi calculer le nombre de chevaux qui seraient nécessaires, sauf que les chevaux ne peuvent pas courir à 100km/h. La quantité d’énergie consommée pendant la charge est restituée ensuite sur plusieurs heures.

  12. Quand des technos, enfermés dans leurs bureaux rêvent, et asphyxient (économiquement) leurs concitoyens par leur incapacité à évoluer et à s’adapter….Comme en France.

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