Démission des maires : le « malaise démocratique » selon Fabius existe-t-il ?

fabius

Invité de France Inter, Laurent Fabius a fait le constat d’un « vrai malaise démocratique ». De la part de celui qui préside le Conseil constitutionnel, l'organisme qui a validé la réforme des retraites obtenue par un 49.3, c’est osé. Les symptômes de ce malaise ? Les gilets jaunes et les émeutes pour Nahel mis dans le même sac ! Et l’hémorragie des maires : « Depuis 2020, chaque mois, 40 maires démissionnent », précise Fabius.

Cette moyenne de 40 maires démissionnaires par mois est comparable à celle du mandat 2014-2020, notait, il y a un an, une étude de l'Association des maires de France (AMF) et du Centre de recherche de Sciences Po (CEVIPOF). Mais sur cette période, elle était gonflée par l’application de la loi sur le non-cumul des mandats (entrée en vigueur en 2017). Il y a donc bien une hausse depuis 2020. Elle s’accompagne d’un fort taux de démission des élus municipaux. L’AMF comptabilisait 12.648 élus démissionnaires en 2020 (sur 512.000).

Malaise social et systémique ?

Il y a sans doute à cela des explications sociétales, aggravées par le statut particulier des maires. De même qu’on constate une réticence des salariés à se laisser « bouffer » par la vie professionnelle et une baisse de l’engagement bénévole dans les associations, les maires peinent à tenir le rythme épuisant, 24h/24, 7j/7, de ce qui s’apparente à un bénévolat. Pour Robert Ménard, maire de Béziers, il faut différencier le poids de la charge selon la taille des communes. « La ville de Béziers emploie 1.600 personnes. Autour de moi, j’ai un cabinet, des services techniques, des ingénieurs, explique-t-il à BV. C’est très différent dans une toute petite commune où il y a le maire, un ou une secrétaire de mairie, point. Aucuns moyens humains. Tu dois répondre à tout un tas de question auxquelles tu ne connais rien. Politique sociale, urbanisme, scolarité : la réglementation est très technique. Où est la simplification qu’on nous annonce régulièrement ? »

Le poids de l’État se fait sentir. Le couple préfet-maire vanté par Emmanuel Macron lors de la crise du Covid ? « Il est resté un vœu pieux », tranche Robert Ménard. « Il y des préfets insupportables qui pensent que les maires sont aux ordres. Or, pardon, vous êtes nommé, moi je suis élu : la démocratie est de mon côté », rappelle le maire de Béziers dans son style. Selon l'enquête AMF-CEVIPOF citée supra, en 2022, ils étaient 45,4 % des maires à vouloir « aller beaucoup plus loin vers plus de libertés ou de compétences locales » et 27,9 % à aller « un peu plus loin dans la décentralisation ». Seulement 9 % des maires voulaient plus de centralisation.

Parmi les choses qui échappent aux maires, deux viennent à l'esprit du premier magistrat de Béziers : « Comment se fait-il que je ne peux pas consulter la liste des fichés S de ma ville ? Comment peut-on dépenser autant d’argent pour la police municipale qui a si peu de pouvoirs ? » Rarement mentionnées, les différentes intercommunalités ne sont-elles pas elles aussi responsables du désintérêt des maires ? Président de l'agglo Béziers-Méditerranée, Robert Ménard y est pourtant opposé. « Je suis président de l’agglomération et je suis contre. Il faut ne dépouiller en rien les maires de leur pouvoir. Longtemps, il y a eu des syndicats intercommunaux pour l’eau, etc., et ça fonctionnait. Là, c’est une strate de plus. Mais les choses sont complexes, car des tas de petites communes bénéficient des intercommunalités. Il n’y a pas de réponse simple à ces questions. »

Les maires se retrouvent donc dans la posture inconfortable d’être responsables de tout ce qui se passe sur leur commune, aux yeux de la loi et de leurs administrés, tout en ayant de moins de moins de responsabilités décisionnelles.

Des coups à prendre

Pour quelle récompense ? L’indemnité est dérisoire, le prestige bien entamé. Et - ensauvagement de la société oblige - le statut de maire ne protège plus ; il attirerait plutôt les ennuis. Bien sûr, le danger, c’est… « l’extrême droite », pour Libération et Le Monde. Dans les faits, la menace est minime. Par contre, tapez sur Google « maire + menace + gitan », vous obtenez, rien que pour les derniers mois, des menaces de mort contre des maires à Aimargue (Gard), à Cairanne (Vaucluse), et des agressions récentes à L’Houmeau (Charente-Maritime), à La Ville-Dieu-du-Temple (Tarn-et-Garonne), à Vertou (Loire-Atlantique)... Voilà, pour nos confrères du Monde, de vraies intimidations partout en France.

Autre cause d’insécurité : les « cités » et leur communautarisme. Menaces de mort contre Marie-Hélène Thoraval, le maire de Crépol qui a dénoncé les trafics de drogue et la violence. Menaces de mort et voiture incendiée pour faire comprendre à Sonia Brau, maire de Saint-Cyr-l’École (Yvelines) qui voulait mettre fin aux rodéos urbains, qu'il faut laisser les « jeunes » tranquilles. Là encore, l'extrême droite n'apparaît pas en première ligne.

Alors, « malaise démocratique » ? L’expression est vague et, dans la bouche de Laurent Fabius, tourne au lieu commun : il l'employait déjà en octobre dernier, entretenant lui-même le malaise en dénigrant… le référendum. Comme en juillet 2022 et en janvier 2023. Le malaise des maires, lui, existe. Robert Ménard ne le nie pas. Mais il le relativise. « Y aura-t-il moins de candidats demain ? Peut-être en quelques endroits. À Béziers, il doit y avoir 50 personnes qui rêvent d’être maire à ma place ! Le deviendront-elles, ça, c’est une autre question. » La crise des vocations n’existe pas, dit-il.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Ah, on l’avais oublié ! Il officie toujours ? Pourquoi toujours s’expliquer à « la maison mère » ( France-Inter ) ? Malaise démocratique ? L’expression est plus que très faible.

  2. Le VRAI « malaise démocratique » c’est que fabius soit encore dans le « pouvoir politique » ! … Lui comme bien d’autres coucous poli-tocards n’ont aucun honneur et encore moins de respect pour « le peuple français » ! …

    La cohorte de cette politique devrait vraiment relire la « Grande histoire de FRANCE » ! … La FRANCE est vraiment mal barrée … dans tous les sens du terme ! …

  3. Laurent Fabius, à part l’affaire du sang contaminé, a-t-il fait quelque chose d’exceptionnel dans sa vie ? Ah, oui, c’est vrai, il a été premier ministre d’un certain Mitterrand ! C’est crai encore qu’il a été, la larme à l’œil, président de cette chose qu’on appelle « COP21 » Pourtant il arbore au revers de son veston le bouton de la Légion d’honneur que madame Abdul Malak veut enlever à … Gérard Depardieu ! Cherchez l’erreur.

  4. Nombre d’habitants de la commune Indice de référence * Rémunération
    jusque 12 500 37 5 600
    entre 12 501 et 25 000 38 6 400
    entre 25 001 et 40 000 39 7 000
    entre 40 001 et 80 000 40 7 850
    Si vous appelez ça du bénévolat, je veux bien être bénévole et je ne vous parle pas dees avantages, voitures, repas, etc

  5. Inutile d’écouter ce personnage qui a du sang sur les mains et qui est complice de bien des choses peu reluisantes.

  6. Vous êtes nomme moi je suis élue tranche Robert Ménard. Pourtant ça fait vraiment une grande différence si on se rappel ce qu’est la démocratie d’une gouvernance demandé par le peuple. Le Maire est le premier magistrat dans sa commune il doit bien connaitre ses administrés et le préfet ne peux lui interdire certains renseignements qui lui sont nécessaire. Par contre le préfet a des prérogatives que certains appliquent ou pas en vertu de leur positions politiques ce qui n’est pas acceptables.

  7. Si quelqu’un a bien contribué à pourrir la démocratie, c’est bien Fabius. Quand on est chargé d’exercer un contre-pouvoir, et qu’on devient complice du pouvoir, pas la peine de pleurnicher et d’essayer de disserter sur l’origine du malaise. A son poste, il faut quelqu’un d’irréprochable qui n’offre pas de prise aux pressions. Pas de patrimoine oublié dans la déclaration, pas d’intérêts à l’étranger, pas de vieilles affaires qu’on peut menacer de ressortir, enfin bon, tout ce que n’est pas Fabius. Je ne lui fais pas confiance pour chercher dans la Constitution de quoi défendre nos libertés, on l’a vu au moment du Covid, et on le verra à la mise en place des premières retombées de l’euro numérique, ou bien s’il réagira quand l’UE voudra modifier ses règles de fonctionnement pour plus d’intégration.

  8. La taxe d’habitation donnait aux petites communes et au maire de quoi être indépendant et avoir les mains libres pour, avec leur conseil, diriger leur commune au mieux des intérêts de ses habitants. Maintenant, le maire est tributaire des subventions de l’état et doit donc se soumettre. Avec, en plus, tout un tas de fonctionnaires pour nous contrôler et nous casser les pieds inutilement. Tous les emm….. et aucun avantage. Pas étonnant qu’il y ait si peu de masos volontaires

    • Et pourtant, la taxe foncière ayant quasiment doublée, nous payons autant, nous les propriétaires de notre maison dont on va nous voler le terrain (nous serons propriétaires de notre maison, mais pas du terrain sur lequel elle est bâtie, pour lequel nous devrons payer un loyer à l’état!)

  9. Monsieur Fabius avec votre Historique et le présent vis à vis du Peuple Français. ça est le verre qui se fou de la Bouteille.

  10. Livrés à eux mêmes , sans soutien de l’état , de moins en moins de moyens financiers et un manque cruel de policiers et gendarmes . De plus ils sont de plus en plus souvent la cible de ces racailles . Honte à Macron et son gouvernement pour avoir mis ce pays dans un tel état de danger pour les citoyens français .

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