Démontage d’un calvaire à Clisson : le curé calme le jeu

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À Clisson, la disparition d’un imposant calvaire propriété de l'Église n’est pas passée inaperçue, suscitant l’inquiétude de fidèles, habitants du quartier et association de défense du patrimoine. Adossé à une grande friche de 400 m², le monument surplombait la route de Saint-Hilaire depuis 1954. Aujourd’hui, il n'y a plus rien. Sur le terrain a poussé une grande maison flambant neuve. L’opération s’est déroulée à la mi-juillet dernier. Acte anti-chrétien ? Le père Nicolas Harel, curé de la paroisse Sainte-Marie-du-Val-de-Sèvre dont dépend le clocher de Clisson, répond à nos questions.

Jean de Lacoste. Ce Calvaire posait-il problème à quelqu’un ?

Père Nicolas Harel. Cela faisait déjà plusieurs années que le propriétaire du terrain voisin demandait à la paroisse de lui vendre le calvaire pour lotir sa parcelle. Mes prédécesseurs ont toujours eu le bon réflexe de refuser, car si l’on vendait, c’était pour la destruction. Quand je suis arrivé sur la paroisse, il y avait déjà une maison en construction. Les propriétaires nous ont demandé s’ils pouvaient acheter le calvaire. Ma posture était la même que mes prédécesseurs : « Ce calvaire était là quand vous avez acheté. Il ne bougera pas. »

J. de L. Alors, comment en est-on arrivé au démontage ?

P. N. H. Le calvaire était très mal placé dans Clisson. Or, il se trouve que nous avons une maison paroissiale en projet de construction. Belle opportunité ! Nous avons donc vendu la parcelle et demandé au propriétaire de payer le démontage du calvaire. Celui-ci sera remonté dans un endroit plus visible, pour qu’il soit enfin missionnaire.

J. de L. Y avait-il lieu de s’inquiéter ?

P. N. H. Le jour du démontage, l’association du patrimoine de Clisson est venue. Non pas pour manifester, mais pour se renseigner. Le calvaire n’étant pas classé monument historique ni inscrit au patrimoine municipal, rien n’empêchait qu’il soit déplacé. De plus, il l’avait déjà été. Construit au XIXe siècle, il a connu déjà plusieurs emplacements différents. Ce n’est donc en aucun cas un acte anti-chrétien. La mairie n’a rien à voir là-dedans, puisqu’elle n’était pas propriétaire. Il s’agit, au contraire, d’un projet porté par la paroisse pour faire du monument un instrument missionnaire. Tout l’inverse de ce qui est dit et raconté. Nous sommes une paroisse vivante, donc, parfois, un calvaire, ça se déplace.

J. de L. De nos jours, les disparitions d’églises, de chapelles, de monuments, de calvaires peuvent apparaître comme le signe d’une hostilité.

P. N. H. Si les gens les interprètent souvent comme cela, c’est parce qu’ils partent du principe que tous les monuments religieux appartiennent aux mairies. Mais il y en a quelques-uns qui sont paroissiaux, dont celui-là. Et nous décidons de les faire vivre, comme nos prédécesseurs les ont fait vivre. La preuve : mon prédécesseur l’avait déjà déplacé en 1955.

J. de L. N’est-ce donc pas plus la réaction des gens, le point marquant de cette histoire ?

P. N. H. Tout à fait ! C’est la réaction des gens qui est intéressante. Ils sont attachés à leur patrimoine de pierre. Il ne faut pas y toucher. Je ne suis pas contre : je suis historien de formation. Mais on oublie une chose : ce monument de pierre, c’est une croix, un crucifix ! Il a une valeur religieuse. Et la religion est mobile, dynamique, vivante. Alors, ça coince : on fait du signe vivant d’une foi vivante un monument historique.

J. de L. Ce ne seraient donc pas seulement des pierres ?

P. N. H. C’est la question de la mémoire. Il faut faire mémoire, pour ne pas être des arbres déracinés, arrachés à la première tempête. Mais faire mémoire, ce n’est pas fossiliser ! La mémoire est vivante, à la différence de l’Histoire.

J. de L. N’avons-nous pas un rapport sclérosé à notre passé ? Les papes de la Renaissance n’avaient pas hésité à détruire des basiliques pour en reconstruire de plus belles. Nous n’oserions jamais, aujourd’hui. 

P. N. H. Le grand drame du XXIe siècle, c’est de fossiliser. Mais l’Église a toujours fait du neuf ! Aujourd’hui, si je veux toucher à mon église, y placer un monument, on va me bloquer. On ne crée plus de patrimoine. Ou du moins, quand on en crée, c’est affreux : le mobilier de Notre-Dame en est un exemple. Pas sûr que cela reste dans le temps. En même temps, faire du laid nous permet de mieux apprécier le beau.

Jean de Lacoste
Jean de Lacoste
Journaliste stagiaire à BV, étudiant en master d'histoire du droit.

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Puisque ce calvaire sera remonté dans un endroit plus visible il n’y a rien à redire, il est heureux que des membres d’une association de sauvegarde se soient déplacés pour suivre l’opération .

  2. Je ne sais pas bien pourquoi, mais je me mets à penser au papa Francesco. Pourquoi ce tohu-bohu, s’il n’y a pas de problème ? S’il n’y a qu’un vrai-faux problème. A Clisson, les affaires sérieuses sont plus anciennes : Le 23 février 1793, la Convention décide la levée en masse de trois cent mille hommes. Clisson, comme beaucoup d’autres paroisses de la région ne se soumettent pas au recrutement. Le 10 mars 1793, l’insurrection commence dans le district de Clisson. Les Vendéens occupent Clisson le 15 mars22. Le 18 mai, un détachement républicain entre dans la ville, commet un premier massacre et brûle des maisons. Le 16 septembre, les Mayençais de Kléber entrent dans Clisson. En évacuant plus tard la ville, ils mettent le feu au château et à un bon nombre de maisons. Le 24 janvier 1794, les colonnes infernales occupent Clisson, des massacres ont encore lieu. La ville est alors complètement détruite. Clisson resta déserte durant deux ans, ses habitants ayant fui ou ayant été massacrés.

  3. Pourquoi donc, ce calvaire, tout à coup nécessite d’être implanté dans un endroit plus visible. L’emplacement actuel aurait il perdu de son caractère missionnaire ? L’opportunité d’un gain pour construire une maison paroissiale ne serait il pas l’unique raison? Je crois me rappeler les paroles d’un certain « Jésus » qui vilipendait il y 2000 ans les marchands du Temple qui pensaient plus à l’argent qu’à Dieu.

  4. Touche pas à mon calvaire, mon église si modestes soient-ils! Touche pas à ma collégiale, à mon abbatiale à ma cathédrale! Ils sont tous témoins du génie, de la virtuosité, de cet passion du beau de nos anciens bâtisseurs. Pourquoi ne devraient-ils pas faire partie intégrante de ce grand « devoir de mémoire » dont on fait l’éloge à chaque commémoration?
    Nul besoin d’être fervent catholique pour cette exigence.

  5. Ce que dit ce curé est juste, mais en même temps ça laisse envisager le pire.
     » Faire du laid nous permet de mieux apprécier le beau » n’est malheureusement pas toujours vrai : On voit bien que l’on s’habitue de plus en plus au laid et qu’on finit par le trouver beau…

    • ah non, quand c’est laid, désolé çà reste laid ! Beaubourg par exemple est un parfait exemple du genre, çà ressemble à une usine à gaz en plein Paris, désolée, même si le contenu est interressant, le contenant reste une grosse verrue pas très loin de Notre Dame la magnifique !

  6. Les commentaires que je lis sur cet article sont aberrants! Un calvaire n’est absolument pas un lieu de culte, mais un rappel de la Passion du Christ, où qu’il se trouve. Et tant mieux si on lui trouve un meilleur endroit, plutôt que ce terrain privé où il n’a plus lieu d’être. Ces éternels « indignés » devraient plutôt faire paroisse en apportant leur présence, et un de temps, aux offices, où ils seront les bienvenus.

    • qui vous dit qu’ils ne  » font pas paroisse » ?! D’ailleurs pour  » faire paroisse  » comme vous dites encore faut il qu’il ait des messes, hélas elles sont de plus en plus clairesemées de nos jour puisqu’il manque de prêtres !

  7. « En même temps, faire du laid nous permet de mieux apprécier le beau », nous dit Monsieur le curé. Alors là, bravo, il fallait la trouver, celle-là. Une perle de rhétorique. Vivons donc dans le souvenir de nos monuments, de nos clochers et de nos cathédrales, cela nous consolera des horreurs qui les ont remplacés ! Mais l’Histoire avance…

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