Départ du général de Villiers : l’épée le cède à la toge
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"Cedant arma togae" : l’épée le cède à la toge. Qui en douterait dans notre République, plus héritière en cela de la royauté capétienne que de la monarchie napoléonienne ! La foudre a frappé, le général de Villiers quitte ses fonctions de chef d’état-major des armées. Depuis quarante ans, c’est sur les doigts de la main que l’on compte les officiers généraux de très haut rang démissionnés ou démissionnaires, après un désaccord avec l’autorité politique.
En 1980, le général Jean Lagarde, chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT) depuis 1975, démissionne à la surprise générale, six mois avant la limite d’âge de son rang. Une démission sans tambour ni trompette, à l’image de cet officier discret qui fut incontestablement l’un des grands CEMAT de la fin du XXe siècle. On lui doit, notamment, une série de réformes profondes, tant dans l’organisation des commandements territoriaux et opérationnels que dans le mode de commandement (nous sortions de Mai 68). "Il n’y a aucune ambiguïté et il n’y a aucune exégèse à faire à mon départ", déclara-t-il laconiquement pour expliquer son départ.
Le général Jean Delaunay lui succède. Mais un an plus tard, François Mitterrand devient Président. En 1983, son ministre de la Défense, Charles Hernu, décide des réductions de budget et d’effectifs. Comme l’expliquera en 2017 le général Delaunay, "j’ai jugé de mon devoir de démissionner en 1983 pour marquer mon désaccord avec la politique de défense de l’époque".
Notons que ce même général Delaunay, malgré l’âge toujours aux avant-postes de cavalerie pour observer l’évolution de nos armées, évoquait cette année, à quelques semaines de l’élection présidentielle, la "misère matérielle militaire" qu’il avait connue en Indochine, alors qu’il était jeune officier. Et d’ajouter : "Ayant vécu ces faits, créateurs de beaucoup de souffrances humaines et de morts, je m’indigne donc que, 60 ans plus tard, le Pouvoir politique qui se glorifie pourtant de notre intervention au Sahel accepte qu’un hélicoptère sur deux y soit en panne chronique, comme beaucoup de nos blindés qui ont deux fois l’âge de leurs pilotes…"
Citons aussi le général Alain de Boissieu, qui démissionne en mai 1981 de ses fonctions de grand chancelier de la Légion d’honneur pour ne pas avoir à remettre le collier de grand maître de l’Ordre à François Mitterrand lors de son investiture, et ce, par fidélité envers le général de Gaulle, son beau-père.
Toujours sous le pouvoir socialiste, c’est le général Jean Salvan, commandant la région Atlantique à Bordeaux, qui démissionne, en 1991, pour protester contre les réductions du budget de la défense mises en œuvre par le ministre Pierre Joxe.
Il faut attendre 2008 et un contexte tout différent pour assister à la démission d’un officier général de très haut rang, en l’occurrence celle du général Bruno Cuche, CEMAT. Lors d’une démonstration publique, un militaire tire à balles réelles et fait de nombreux blessés parmi les spectateurs. Nicolas Sarkozy aurait pointé du doigt le général en déclarant : "Vous êtes des amateurs. Vous n’êtes pas des professionnels." Le général Cuche démissionne le lendemain.
Aujourd’hui, c’est le général de Villiers qui subit la foudre jupitérienne pour avoir parlé.
À propos des relations entre l’autorité militaire et le pouvoir politique, Maurice Gamelin (1872-1958), généralissime des forces armées françaises en 1940, écrivait, non sans une certaine tristesse : "J’ai cru que l’Armée devrait être effectivement la « Grande Muette » qui travaille en silence. Ai-je eu tort ?... J’estimais qu’en démocratie, c’est au gouvernement et non aux militaires qu’il appartient de parler." On sait la suite…
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