« Pour les députés non inscrits, c’est la double peine : très peu de temps de parole et obligation de présence, sans pouvoir vraiment défendre ses amendements. »
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Emmanuelle Ménard, députée de l'Hérault, réagit au micro de Boulevard Voltaire au risque de "burn out" des députés évoqué par François de Rugy. "Burn out, non, c'est exagéré, mais c'est vrai que le rythme est soutenu. On n'a plus le temps d'être dans nos circonscriptions. C'est aussi très préjudiciable au travail législatif. Il n'y a pas assez de temps pour examiner des textes aussi importants."
Elle explique aussi les obligations très particulières qui pèsent sur les députés non inscrits.
Les députés seraient menacés de burn-out. Êtes-vous témoin de ce phénomène ?
Il ne faut pas exagérer. Burn-out est un peu fort, mais le rythme est en effet assez soutenu depuis la loi sur l'immigration. Il est surtout difficile de cumuler les temps en commission et les sessions dans l'hémicycle, y compris la nuit et les week-ends. La question n'est pas tant le burn-out, mais le manque de temps dans nos circonscriptions, et je ne parle pas de la vie de famille. C'est évidemment préjudiciable au travail législatif.
D'où vient ce rythme assez infernal depuis quelques mois ?
Tous les textes peuvent avoir leur importance selon les sujets, mais leur grandeur respective influe sur le temps nécessaire pour les instruire. En début 2018, les textes présentés aux députés n'étaient pas très volumineux, puis nous avons vu passer de gros textes. Il y a eu la loi immigration, la loi sur l'agriculture, et maintenant la loi Elan. Ce sont des textes qui comportent beaucoup d'articles et beaucoup de propositions d'amendements de la part des députés. Nous avons en revanche trop peu de temps pour les examiner. Cela me semble relever de la responsabilité du gouvernement, car il n'est pas raisonnable de ne prévoir que 40 ou 50 heures de travail sur des textes aussi longs. Cela a pour conséquence de multiplier les sessions de nuit et de week-end. Il n'est pas possible de travailler en pleine efficacité à ce rythme-là et de préparer à la fois le travail en commission et le travail dans l'hémicycle. Or, les deux sont très importants.
On vous a entendu protester hier sur le sort des députés non-inscrits. Pourriez-vous nous expliquer un peu plus les contraintes qui pèsent sur vous ?
Le problème vient de la procédure particulière du temps restreint. Les députés non-inscrits ont très peu de temps de parole. Sur le projet de loi agriculture, nous avions par exemple trois minutes par député. J'ai déposé une trentaine d'amendements sur ce texte. Trois minutes pour les présenter ne sont pas suffisantes. C'est la même chose pour le projet de loi Elan, pour lequel j'ai déposé plus d'une quarantaine d'amendements. Je ne dépose pas des amendements pour le plaisir ou pour faire obstruction comme on peut l'entendre parfois. Je dépose des amendements parce qu'il me semble de mon devoir de faire avancer la loi dans le sens des engagements que j'ai pris pendant ma campagne électorale ou des enjeux d'intérêt national comme dans le cas de la loi sur l'immigration.
Le fait de ne pas pouvoir ses amendements est assez frustrant. Il est rare qu'un amendement soit accepté, mais si en plus ils ne peuvent pas être défendus, les députés ont tendance parfois à les lire un peu superficiellement, surtout quand il y en a plus de 3000. Si on ne peut pas les défendre, ils ne peuvent pas être compris et donc ont peu de chance d'être adoptés.
Par ailleurs, avec cette procédure, on oblige les non-inscrits qui n'ont plus de temps de parole, ce qui est très facile lorsque nous n'avons qu'une heure pour 20 députés, d'être présents dans l'hémicycle, y compris le week-end entier sous peine de voir l'amendement tomber. Dans ce cas, ils ne sont même pas ni examinés ni votés. Je suis donc restée tout le week-end dans l'hémicycle pour que mes amendements ne tombent pas, car ils me semblaient importants. Or, je n'ai pas pu les défendre. J'ai l'impression que les députés non-inscrits sont frappés d'une double peine.
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