Des « centres de déportation » aux USA ? Une traduction très tendancieuse

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Le titre se veut anxiogène - et même davantage, puisque ce sont directement les « heures les plus sombres de notre Histoire » (les HLPSDNH, les fameuses) qui sont convoquées, en tant que sous-entendu, dans le titre de l’article du journal Le Parisien. « Le Texas offre des terres à Trump pour construire un "centre de déportation" » : tous les mots-clés sont là. Le Texas, c’est la terre des méchants rednecks. Pour le lecteur de gauche, ils ont des santiags, des chapeaux de cow-boy, un fusil au-dessus de la porte et il sont racistes. Il le sait, il a vu Walker Texas Ranger à la télé. Ça, c’est fait. Trump, pareil : le lecteur n’a pas besoin de se creuser les méninges, ça fait des mois que les médias français lui expliquent obligeamment quoi penser. Trump est bête et méchant, il ne dit que des mensonges et il a été élu par un peuple de salauds, recroquevillés sur eux-mêmes et incapables de s’ouvrir à la diversité sans laquelle ils ne sont rien. Comme tous les pays occidentaux, d’ailleurs. Et voici le clou du spectacle : les « centres de déportation ». Derrière cette formule qui se veut lourde de sens, on entend déjà le bruit du wagon de marchandises qui ralentit dans les solitudes désolées du désert, emportant vers une mort certaine des millions d’immigrés illégaux (onze millions, selon Le Parisien).

De l'utilité des dictionnaires

Impeccable. Seulement, il y a un petit problème : deportation, en anglais, ne veut pas dire « déportation » mais « expulsion ». Un simple petit tour sur Reverso, en quelques clics, aurait pu détromper les rédacteurs de cet article particulièrement alarmiste. Mais d’ailleurs, ô surprise : plus bas dans l’article, lorsque le journaliste cite Dawn Buckingham, commissaire à l’aménagement du Texas, qui offre 570 hectares à la future administration Trump, on lit, cette fois, qu’il s’agit d’« aider son administration à mettre en œuvre ses plans d’expulsion ». Ah. Du coup, déportation ou expulsion ? N’eût été cette double traduction, on aurait pu mettre une telle faute de jugement sur le compte d’un mauvais niveau d’anglais. La chose est assez répandue, en France, et singulièrement dans la presse. Là, il s’agit plutôt de mauvaise foi…

Revenons tout simplement aux faits : il ne s’agit pas de déporter qui que ce soit, il s’agit seulement de regrouper les migrants illégaux dans des centres (qui s'appellent, en France, des « centres de rétention administrative (CRA) »), puis de les expulser. Rien qui évoque l’enfer des camps ni le nazisme, on pourra tout de même en convenir. Mais en parlant de déportation, un journal sait très bien ce qu’il fait : il « joue sur les peurs », comme disent les gauchistes quand un meurtre de Blanc sort dans la presse. L’épouvantail du nazisme fonctionne toujours (pour combien de temps, encore ?). On aurait tort de s’en priver.

Mauvaise foi, parti pris, éléments de langage de gauche, niveau d’anglais (ici volontairement) indigent, dénonciation de crimes imaginaires (et ce, alors même qu’il ne s’est, pour le moment, rien passé), ton moralisateur et inquiétudes injustifiées : pas de doute, on est bien dans la presse française. Le plus dramatique n’est pas l’insuffisance intellectuelle de certains, mais leur absence quasiment totale de contradiction. Notre caste politico-médiatique continue à prendre le monde entier de haut, malgré une situation catastrophique à tous points de vue. Le réveil risque d’être un petit peu pénible.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

4 commentaires

  1. « Mauvaise foi, parti pris, éléments de langage de gauche, niveau d’anglais (ici volontairement) indigent, dénonciation de crimes imaginaires (et ce alors même qu’il ne s’est, pour le moment, rien passé), ton moralisateur et inquiétudes injustifiées…  »

    En même temps (!), c’est lLe Parisien, vous vous attendiez à quoi ? Un article de qualité ?

  2. Par le passé, Mélenchon avait déjà usé du subterfuge contre Zemmour, qui parlait « d’expulser » à un journal italien, ce qui avait donné « deportare ».
    Au demeurant, le même terme donne « deportar » en portugais et en espagnol, langue que maîtrise bien JLM, ce qui aurait dû l’alerter.

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