Des films à voir ou revoir cet été : Les Quatre Filles du docteur March, de Gillian Armstrong
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Nous recensions, en janvier 2020, la dernière adaptation en date de Little Women, le célèbre roman en deux volumes de Louisa May Alcott publié entre 1868 et 1869. Réalisé par Greta Gerwig, le film s’embourbait dans des choix de mise en scène chaotiques, perdant le spectateur dans un jeu d’allers-retours incessant entre deux temporalités sans véritablement se donner les moyens de bien les distinguer l’une de l’autre. La cinéaste avait, par ailleurs, le mauvais goût (l’indécence ?) de détourner l’œuvre d’origine à des fins militantes néo-féministes pour le moins douteuses.
À ce jour, l’adaptation de 1994 par Gillian Armstrong demeure, sans conteste, la meilleure, la plus vivante, la seule qui vaille le détour.
Pour rappel, Les Quatre Filles du docteur March nous raconte les joies et peines de quatre sœurs du Massachusetts faisant l’apprentissage de la vie en l’absence de leur père parti en tant qu’aumônier rejoindre les troupes de l’Union pendant la guerre de Sécession.
Meg, l’aînée, cultive sa féminité et ses qualités de séduction, tandis que Jo fait preuve d’un tempérament fougueux, artiste et passionné, rétif à toute contrainte. Les deux veillent sur leurs plus jeunes sœurs : Beth, la plus douce, la plus réservée et la plus conciliante des quatre, dont la santé est aussi la plus fragile ; et Amy, un poil narcissique et capricieuse, qui ambitionne d’épouser plus tard un homme riche et de surpasser ses aînées. La mère, incarnée à l’écran par Susan Sarandon, brille par son courage, par ses qualités de chef de famille par intérim et par sa propension à retrousser les manches pour venir en aide aux populations les plus démunies de Concord.
Absent, désiré, chéri, le père n’a pas encore été tué par Mai 68, ses filles se languissent de lui, l’admirent, le prennent pour modèle, et attendent son retour du front avec impatience. Ici, pas de « salauds », pas de « porcs », le discours féministe ne se fait jamais à l’encontre des hommes – le père, on le comprend vite, est irremplaçable – mais célèbre, au contraire, le contraste de l’altérité. C’est pourquoi Jo, l’impétueuse héroïne de l’histoire formidablement campée par Winona Ryder, dont l’espièglerie et la verve portent le récit, ne rechigne pas l’amour que lui porte le philosophe Friedrich Bhaer. L’émancipation de la femme et l’épanouissement, chez Gillian Armstrong, ne se font pas au détriment des hommes mais avec leur concours en vue d’une réelle complémentarité des deux sexes qui jamais ne vire à l’indifférenciation complète. Une subtilité dont le film de Greta Gerwig a évidemment choisi de faire l’économie…
Au-delà même de son propos, le film de Gillian Armstrong bénéficie de qualités de mise en scène rares. La composition des cadres fourmille de détails, les plans sont de toute beauté. La cinéaste n’a pas son pareil pour retranscrire l’exaltation d’un bal ou représenter le rythme des saisons. Elle excelle, en outre, à filmer les groupes et parvient avec brio à créer une dynamique solide entre les quatre sœurs, ce que ne parvenait jamais à atteindre Greta Gerwig dans son adaptation de 2020.
Quant à la bande originale du film, elle figure parmi les plus inspirées et les plus élégantes du cinéma américain des années 90.
À découvrir ou à redécouvrir en famille.
5 étoiles sur 5
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