[Des lectures pour l’été] Le mage du Kremlin, de Giuliano Da Empoli, 2022
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Le narrateur de ce roman a une passion pour un écrivain russe bien oublié, Zamiatine. Ce trait peu commun va le rapprocher sur les réseaux sociaux d’un autre adepte de Zamiatine qui lui propose une rencontre et le reçoit dans sa luxueuse datcha.
Il s’appelle Vadim Baranov et c’est une légende : on le surnomme le mage du Kremlin. Il fut le conseiller intime de Vladimir Poutine pendant des années avant de le quitter soudainement. Les rumeurs les plus folles ont couru sur lui alors qu’il coulait une retraite paisible à deux pas de Moscou. Baranov va raconter au narrateur sa vie avec Poutine qu’il appelle joliment le Tsar.
Tout commence avec l’audacieux raisonnement du fameux oligarque Berezovsky. Lui et ses semblables, qui se sont honteusement enrichis après la chute de l’Union soviétique, ont compris que pour durer il fallait tirer un trait sur cette période tragique où la Russie s’est effondrée : « Les gens veulent retrouver un sentiment d’unité. La nostalgie qu’ils éprouvent n’est pas pour le communisme, elle est pour l’ordre, le sens de la communauté, l’orgueil d’appartenir à quelque chose de vraiment grand. Les Russes ne sont pas et ne seront jamais comme les Américains. »
Il faut donc que les oligarques trouvent un homme qui ait le profil pour rétablir l’ordre mais que l’on pourra manœuvrer pour que rien ne change. Ils pensent au chef de la sécurité, Vladimir Poutine.
L’Italien Da Empoli, essayiste connu en Italie, a écrit là son premier roman (directement en français) et c’est une belle réussite. Il analyse brillamment les fondements du nouveau pouvoir russe et nous fait comprendre comment et pourquoi l’arrivée de Poutine correspondait à une attente du peuple. La Russie d’Eltsine était devenue ridicule et aucun Russe ne peut supporter cela.
Avec un joli sens de la formule (« Ils avaient grandi dans une patrie et se retrouvaient dans un supermarché »), il tient parfaitement son lecteur. Notons que les personnages ont tous existé excepté le narrateur pour que cela reste un roman. Certains passages sont passionnants comme l’entretien entre l’oligarque et Poutine qui vaut le détour à lui seul.
Malgré son hostilité avérée à Poutine, l’auteur sait prendre du recul et ce roman fort instructif se lit avec bonheur.
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