[Des lectures pour l’été] Zouleikha ouvre les yeux, de Gouzel Iakhina, 2015
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Cette année encore, notre contributeur Antoine de Lacoste nous propose quelques lectures pour l'été. Souvent hors des chemins battus...
Zouleikha est une Tatare, non de Crimée mais d’une région appelée le Tatarstan, dont la capitale est Kazan, au sud-est de Moscou. La vie est dure. Zouleikha a perdu ses quatre filles à la naissance ou peu après, son mari n’est pas commode et sa belle-mère tyrannique.
Mais elle supporte tout cela sans une plainte et travaille sans cesse. Sa vie va basculer, un soir d’hiver. Le nouveau pouvoir bolchevique s’est lancé dans la « dékoulakisation », c’est-à-dire l’assassinat et la déportation de ces petits paysans qui ne veulent pas comprendre les bienfaits de la collectivisation.
« Un détachement de cavaliers apparaît sur la route. Un homme chevauche en tête, droit et léger sur sa selle, et on comprend tout de suite qu’il n’est ni forgeron ni fondeur. C’est un guerrier. Un soldat de la Horde rouge. »
Cet homme, c’est Ignatov. C’est lui qui doit déporter ces koulaks, qu’il s'agisse de Tatars musulmans ou des autres peuples russes. Tout le village est mis en colonne et Zouleikha, la robuste petite paysanne aux yeux verts, part pour un long voyage.
Sacré meilleur roman russe en 2017, Zouleikha ouvre les yeux constitue une magnifique fresque. Qu’il s’agisse des premières pages dans les neiges du Tatarstan, de l’interminable périple vers la Sibérie puis de la vie dans cette taïga inhospitalière, l’auteur, dont c’est le premier livre, nous transporte avec une force peu commune. « Le style quelque peu cinématographique du récit renforce le dramatisme de l’action et la vivacité des images , a écrit fort justement la préfacière Ludmila Oulitsakaïa.
Zouleikha côtoie d’autres déportés : un brillant médecin, un peintre, des bourgeois de Saint- Pétersbourg qui ont gardé leur humour dans un monde devenu absurde. Malgré sa timidité, la petite Tatare fait son chemin dans ce monde accablé de malheur et qui se serre les coudes.
Ce beau roman, largement traduit (et très bien traduit en français), eut un succès fort mérité. Gouzel Iakhina, née à Kazan en 1977, est assurément un grand écrivain.
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