Des retraités et des instits pour boucher les trous : les mauvais calculs d’Attal et Belloubet

BELLOUBET

L'Éducation nationale est un champ d'observation privilégié des dérives et des délires gouvernementaux. Ce ministère qui, il y a encore trente ans, attirait des dizaines de milliers de candidats subit, désormais, une crise de recrutement sans précédent, et à tous les niveaux, primaire comme secondaire. Une grande partie des postes mis au concours ne sont pas pourvus et, dans les académies déficitaires (Versailles, Créteil), on est contraint de baisser le niveau en puisant dans les listes d'attente et en organisant des « seconds concours ». Une crise de recrutement ne se résout jamais d'un coup de baguette magique, à l'armée, l'hôpital ou dans les collèges et lycées. La sagesse élémentaire aurait donc dû conduire le ministère à ne pas accroître les besoins d'enseignement, vu la pénurie de profs. Eh bien, non, au pays des énarques et des inspecteurs des finances, au pays de Gabriel Attal, l'Éducation nationale, à son initiative, a décidé d'une réforme (les groupes de niveau en collège) gourmande en moyens et en postes ! Un État en faillite ne devrait pas faire ça.

Donc le mammouth a le cerveau en surchauffe pour trouver des profs, notamment de français et de mathématiques, à envoyer sur le front dès le 1er septembre prochain. Et il vient de sortir de son chapeau une lettre de cadrage du DRH adressée aux recteurs d'académie proposant de recourir encore davantage aux contractuels, mais aussi aux professeurs des écoles volontaires qui intégreraient, par voie de détachement, le corps des professeurs certifiés dans ces deux disciplines (enseignants du secondaire titulaires du CAPES). Mais alors, quid des nouveaux trous occasionnés par ces départs ? La même lettre a une solution toute trouvée : « Ces départs en détachement pourront alors être compensés par une autorisation de recourir à la liste complémentaire du CRPE. »

Mais l'ingéniosité RH du ministère ne s'est pas arrêtée à ce jeu de chaises musicales. Un autre document, intitulé « plan de préparation RH de la rentrée scolaire 2024 » ,prévoit de « favoriser le recours aux professeurs retraités ». La possibilité existe déjà, mais rares sont les candidats à vouloir rechausser les crampons pour des sommes dérisoires. Le ministère l'a compris et veut inciter le retour des jeunes retraités par une rémunération attractive, calée sur
leur indice de départ. Pourquoi pas ? Mais on peut avoir des doutes sur l'impact effectif de la mesure. On est dans la politique du cache-misère et de l'instant, comme partout ailleurs avec ce gouvernement.

La solution réside, bien sûr, dans un plan de recrutement renforçant l'attractivité du métier, y compris financière et y compris dès le début de carrière. Il semblerait que le gouvernement se dirige enfin vers cette solution avec la réforme des concours, dès la L3, avec une rémunération de 1.400, puis 1.800 euros en M1 et M2. Encore une idée de bon sens, comme les groupes de niveau, à condition qu'elle ne finisse pas comme eux en usine à gaz et en casse-tête RH et financier...

Les documents sont consultables ici.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

26 commentaires

  1. Quel enseignant retraité peut bien avoir le désir de retourner faire de la garderie, du maintien de l’ordre tout en révisant ses fiches sur toutes les expressions dorénavant interdites sous peine de poursuites et ce, dans tous les sens du terme ?
    Tous ceux que je connais sont très heureux de s’en être sortis sans trop de dommages, mais sont surtout extrêmement inquiets pour leurs enfants, enseignants eux-mêmes.
    Certains sont en « burn out » ou sur le point de l’être car se prendre tous les matins dans le visage l’échec programmé d’une idéologie de l’accueil inconditionnel dont ils étaient les premiers promoteurs semble être insurmontable.

  2. Dans un premier temps, il suffirait de recruter des gens sachant lire et écrire et experts en arts martiaux…
    C’est une boutade! Quoique, songerait sûrement Devos…

  3. Quels sont les nouveaux bacheliers qui, aujourd’hui, risqueraient leur sécurité, voire leur vie, en embrassant le merveilleux métier d’enseignant !!! Ils viennent juste de quitter l’école et savent exactement ce qu’il s’y passe, ce qui ne leur donne certainement pas envie de vivre la même chose que ce qu’ont subi leurs professeurs.

  4. Peut-être que la ministre, en principe retraitée, pourrait retourner dans une école pour enseigner?

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