Désert médical : le pire est encore à venir

medecin 2019-11-06 à 09.50.32

Le départ à la retraite de presque tous les médecins issus du baby-boom d'après-guerre laisse maintenant apparaître au grand jour des déserts médicaux, conséquence du numerus clausus imposé aux étudiants en médecine qui n'a pas permis de compenser ce vide. Si on ajoute à cela que les jeunes médecins ne veulent plus travailler autant que leurs aînés, qui sacrifiaient souvent leur vie de famille à leur vie professionnelle, on se retrouve maintenant face à un vrai problème de santé publique, tout particulièrement dans certaines zones géographiques.

En 2006, on comptait 327 médecins pour 100.000 habitants en France. On estime qu’en 2030, cette moyenne devrait chuter à 292. La répartition géographique des médecins est très variable. Certaines régions sont sous-dotées, moins de 300 médecins pour 100.000 habitants, comme la Picardie, la Normandie, la Champagne, les Ardennes, les Pays de Loire, la Bourgogne ou l'Auvergne, alors que d'autres, comme la région PACA ou l'Île de France, sont beaucoup mieux loties avec nettement plus de 300 médecins pour 100.000 habitants.

Devant cette situation, les responsables locaux ont multiplié les solutions pour essayer d'attirer vers leur commune ou leur région de jeunes médecins : création de centres médicaux pluridisciplinaires, mise à disposition gratuite d'un local pendant les premières années d'installation ou aide financière. Aucune de ces solutions n'a fait preuve d'une réelle efficacité, car d'après une enquête publiée il y a déjà quelques années, les jeunes médecins n'envisagent l’exercice libéral qu'en dernier recours. Ils préfèrent majoritairement un exercice salarié, ce qui est difficilement réalisable par les communes ; peu d'entre elles auraient les moyens de salarier un ou plusieurs médecins. Les collectivités locales préfèrent donc les attirer par d'autres moyens et leur proposer une installation locale en libéral.

Parmi les méthodes employées, celle qui semble être la plus prometteuse est celle qui consiste à proposer des bourses aux étudiants en échange d'un engagement à servir dans la commune après leurs études. L'idée n'est pas nouvelle et fut déjà expérimentée, il y a une quinzaine d'années, dans certains départements, avec des résultats mitigés. Certaines communes ou communautés de communes proposaient des bourses dès la deuxième année des études médicales en échange d'un engagement à s’installer pendant plusieurs années dans la région désignée.

Plus récemment, le 1er mars, Le Parisien nous informe que pour pallier cette désertification médicale, la commune d'Argenteuil offre une bourse de 12.000 euros par an aux jeunes médecins désireux de s’installer sur la commune, en secteur conventionné, pendant au moins cinq ans. S'ils ne remplissent pas le contrat, la somme devra être remboursée. Cette aide financière mise à disposition des étudiants en fin d'étude devrait permettre, d'après les responsables municipaux, de pallier le manque de généralistes sur la commune d'Argenteuil, où ils ne sont que 4,3 pour 10.000 habitants, alors que la moyenne en Île-de-France est de 7,2. Rien n'est moins sûr, cependant, car les facilités financières ne sont pas les seuls avantages que recherchent les médecins pour une installation. La qualité de vie joue pour beaucoup, tout comme la sécurité (les agressions de médecins se sont multipliées, au cours des dernières années) à laquelle sont particulièrement sensibles les femmes, qui représentent maintenant 60 % des jeunes médecins.

Ces zones de sous-médicalisation ne sont vraisemblablement que les premiers symptômes d'une modification en profondeur de la distribution des soins, sachant que l'offre ne correspond plus, dans bien des cas, à la demande, et qu'il faut trouver des solutions innovantes pour répondre à ce besoin qui correspond à un marché qui intéresse déjà les industriels de la santé comme le groupe Ramsay Santé (anciennement Générale de santé, filiale de la Générale des eaux rachetée par un groupe australien), qui compte implanter prochainement des centre de santé dans diverses régions de France actuellement sous-dotées. Mais les solutions adoptées par les industriels ne pourront être que rentable. Qui paiera ?

Dr. Jacques Michel Lacroix
Dr. Jacques Michel Lacroix
Médecin - Médecin urgentiste et généraliste

Vos commentaires

55 commentaires

  1. On touche les effets pervers du système de santé français.
    – la gratuité totale des soins a entraîné une saturation avec des abonnements permanents qui n’ont qu’une efficacité réduite (avant on allait voir le médecin quand on était vraiment malade, maintenant, on y va tous les 3 mois, malade ou pas).
    – l’affirmation « tout bien portant est un malade qui s’ignore » est dorénavant partagé par tous.
    Moi, je préfère : tout malade est un bien-portant qui a oublié qu’il l’était

  2. Il y a deux choses incompatibles. Les jeunes médecins souvent mariés, hésitent à s’installer dans des lieux, certes très agréables à vivre, mais sans structures adaptées à une vie familiale facile. Absence d’écoles, de transports etc…Il faudrait peut-être proposer aux médecins voulant partir à la retraite, un travail à temps partiel, rémunéré normalement, sans abattement de leur retraite. C’est peut-être une idée à creuser?

  3. Cen’est pas qu’un problème quantitatif, c’est pire. La crise dite « sanitaire » a révélé que de nombreux médecins étaient de vrais fonctionnaires, quand ils ne sont pas liés par des intérêts… préférant appliquer des ordres gouvernementaux sans réfléchir par eux-mêmes, et même i ça remet en question ce qu’ils sont censés savoir et leur serment d’Hippocrate.

  4.  » leurs aînés, qui sacrifiaient souvent leur vie de famille à leur vie professionnelle, » Car à l’époque ils avaient un revenu décent, non une aumône qui ferait rougir un plombier, octroyée par la Sécu et amputée par les impôts. Davantage que le numerus clausus, c’est l’asphyxie financière qui a tué la médecine libérale, à la grande satisfaction du ministère et de la Sécu.
    N’oublions jamais que le socialisme, c’est la pénurie.

  5. Les Elèves de l’ENA et de l’X, dont les études sont payées par l’Etat, ont le « devoir » (hélas, rarement respecté) d’effectuer leur 10 premières années au Service de l’Etat, sauf paiement d’une « pantoufle »…
    Pourquoi pas les Toubibs ?

  6. Cela venant compléter la Loi sur l’Euthanasie votée à l’A.N. en avril 2021 par l’article 1, en pleine guerre contre le Covid !!! Incroyable n’est ce pas ? ! Si Macron est ré élu avec ses sbires de mouvance secrète, la santé va encore plus se détériorer….Bill Gates disait qu’il y avait trop de Monde sur Terre

  7. Le problème est surtout longueur des études / Salaires ..Un médecin spécialisé c’est souvent 11 ans minimum et j’insiste sur le minimum pour un salaire de début très restreint si on compare à un HEC ou ESSEC .. Quant à l’article, quand on connait Argenteuil, personne n’a envie de s’installer à Argenteuil .. Coté politique, Macron et Pécresse, même combat, couler l’hôpital; ce qu’il en reste .

  8. Il ne faut pas rêver…quel jeune médecin, homme ou femme, ira s’installer dans une région où tout est sinistré? S’il n’y a pas d’emploi pour son conjoint, d’école pour ses enfants, de commerce local, un jeune n’ira pas « s’enterrer »…

    • Oui et pour ces jeunes médecins , il faut tout à disposition comme en ville , il faut aussi de la culture , grands consommateurs de culture alors vous pensez qu’en campagne c’est plus limité mais pas absent .

  9. « J’accuse tous les gouvernements d’avoir sciemment voulu tuer les Français ». La science de la démographie est une science exacte. Il était donc possible de savoir de combien de médecins nous aurions besoin en telle année. Seulement des Enarques sans culture mathématique ni biologique ont décidé que plus il y avait de médecins plus il y avait de malades. Il n’y a pas assez de formateurs à médecins en France. Reste à former des médecins là où c’est possible sans passer par l’Etat

  10. Pour résoudre cet épineux souci, il est nécessaire de réglementer l’implantation des médecins, un peu comme celle qui s’applique aux pharmacies.
    Une atteinte à la doctrine libérale ?…pas du tout si les intéressés sont prévenus dès le début de leurs études, études dont le coût est pris en charge en grande partie par la collectivité.

    • Règlementez, règlementez, vous finirez par résoudre le problème, c’est certain. Il n’y a qu’à demander à nos politico-administratifs qui ne savent faire que ça.

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