Dette de la France envers la Libye, à nouveau le mauvais calcul de la repentance
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Ce 23 mars, le président du Conseil présidentiel de Libye a été reçu à l'Élysée. Emmanuel Macron lui a déclaré que « nous avons une dette envers la Libye, très claire : une décennie de désordre ». C’est la première fois que la France reconnaît publiquement une responsabilité nationale particulière dans les conséquences de l'intervention internationale en Libye qui a provoqué, le 20 octobre 2011, la chute de Mouammar Kadhafi.
On sait qu’une des ficelles du langage communicant consiste à souligner un terme d’autant plus fort qu’il n’est pas évident, pour en exclure toute contestation – ici, « très clair ». Or, il n’est pas clair du tout que la France doive endosser seule la responsabilité d’une décennie de conséquences d’une opération militaire multinationale qui a été menée par l’OTAN sous l’égide de l’ONU, en application des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Cette nouvelle repentance de la France, érigée en principe de politique internationale, est présentée comme un geste d’honneur national et un gage de respect de la communauté internationale. Hélas, cette marque injustifiée d’humilité est un signe contre-productif de perte de vitalité d’une nation qui n’assume plus son Histoire ancienne et contemporaine ; un signe de faiblesse qui rabaisse un peu plus la considération générale envers un pays masochiste.
Cette nouvelle reconnaissance de dette est injuste pour trois raisons.
Repentance injuste, d’abord, parce que la chute du régime sanguinaire d’un tyran psychopathe ne peut pas n'avoir que des conséquences négatives. Après 41 ans de pouvoir totalitaire, celui qui se faisait appeler le « Guide de la Révolution » avait atteint un degré insoutenable de cynisme et de cruauté, contre lequel son peuple terrorisé ne pouvait lutter seul. À ce titre, un peu de décence s’impose en mémoire des innombrables victimes libyennes et étrangères d’un dirigeant terroriste qui n’avait pas encore payé pour ses crimes – dont les 243 passagers du Boeing 747 abattu au-dessus du village écossais de Lockerbie, le 21 décembre 1988.
Repentance injuste, ensuite, parce que les pays alliés prétendent s’être « laissés entraîner » par la France. L’ancien président Barack Obama a déclaré que cette intervention avait été « sa plus grande erreur ». Il ne s’agit nullement de défendre les motivations réelles et supposées de Nicolas Sarkozy mais de pointer l’hypocrisie générale, car les mécanismes internationaux ne permettent pas à un va-t-en-guerre de déclencher un conflit sans raisons mûrement réfléchies. Ou alors, que les États-Unis reconnaissent leurs mensonges dans le déclenchement de guerres opportunes en Irak (armes fictives de destruction massive) ou en Afghanistan, qui se soldent comme en Libye par des fiascos sans repentance, faute de « service après-guerre » approprié.
Repentance injuste, enfin, parce que les pays africains ont beau jeu de se plaindre de conséquences dont ils sont largement et en premier lieu responsables - perte de la manne financière de Tripoli, dispersion de combattants. Outre le caractère douteux de l’origine de la manne financière prodiguée par le mythomane qui se présentait comme « le roi des rois » que très peu de pays africains reconnaissaient, chantre d’un panafricanisme délirant, on a déjà pointé dans ces colonnes la responsabilité des États défaillants concernés dans le développement du terrorisme au Sahel.
Ainsi, ces considérations dépassent les calculs électoralistes en forme de règlement de comptes qui viseraient à neutraliser politiquement l’ancien Président Sarkozy. Que cherche Macron dans cette repentance dont il est coutumier et qui rabaisse encore la France ? On a déjà dénoncé ici l’ambiguïté de ses reconnaissances de dettes dont on ne connaît pas la nature ni le montant des indemnités.
Il y aurait une part de naïveté et d’amateurisme à prétendre incarner avec innocence la bonne conscience d’une nouvelle gouvernance mondiale pour en récolter les fruits économiques. En attendant, c’est une fois de plus le prestige de la France qui en fera les frais. Car de tels gestes inconsidérés d’honneur sont généralement récompensés en retour par d’autres, moins respectueux.
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