Dette inoffensive, prévisions de croissance mirobolantes : à quoi jouent les économistes des plateaux télé ?

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L'autre soir, à l'émission « C dans l'air », sur la 5, consacrée à la situation économique, l'économiste Nicolas Bouzou a prononcé, à la va-vite, cette phrase incroyable : « La dette, on la remboursera sans mal avec la croissance qu'on va avoir... » Il y a quelques semaines, c'était Patrick Artus qui riait en parlant du niveau de la dette française, qui deviendrait perpétuelle et dont il ne fallait pas se faire du mouron. Et j'avais évoqué dans un article, il y a quelque temps, le rapport de Jean Tirole (prix Nobel d'économie) et Olivier Blanchard, qui parle d'une dette facilement soutenable grâce aux taux d’intérêt très bas et aux marges considérables que l'économie numérique va dégager.

Quand j'entend tout cela, je me demande vers quel avenir tous ces gens veulent nous mener. Les taux d’intérêt sont bas, voire négatifs, depuis des mois : ils remonteront un jour, et cela a déjà commencé. Car les risques d'inflation commencent à pointer le bout de leur nez, et les banques centrales ne pourront continuer à inonder la planète de liquidités comme elles le font. Quand les taux remonteront, la dette qui nous coûte 36 milliards d'euros d’intérêts annuels sera un fardeau bien plus lourd à porter au moment où nos prêts arriveront à échéance et qu'il faudra réemprunter pour les payer... Et puis, la dette est une nasse tissée par le monde de la finance, qui emprisonne les États et les contraint à mener des politiques dociles à leurs intérêts.

Quant à la croissance mirobolante qui nous attend, Bruno Le Maire en personne vient de revoir ses prévisions à la baisse (5 % au lieu de 6 % pour 2021). Et encore, tout dépend de la sortie de la crise sanitaire dont M. Delfraissy vient de suggérer, lundi soir, au JT de TF1, qu'elle ne peut être envisagée avant 2022... En se fondant sur les prévisions les plus optimistes pour cette année, nous ne retrouverions en aucun cas le niveau de PIB de 2019. Et il faudra certainement des années pour qu'il en soit ainsi. En attendant, la France a 300 milliards d'euros de dettes en plus à honorer.

Enfin, le rapport Tirole-Blanchard insiste sur le numérique qui générerait des marges considérables et rendrait la dette facile à avaler. La numérisation de nos économies est un phénomène déjà engagé depuis quinze ans : si ça permettait aux États de se désendetter, cela se saurait. Mais peut-être que les pronostics de nos pontes se fondent sur une hypothèse non avouée : dans le livre Le Grand Reset de Claude Schwab, il est question de la numérisation accélérée du commerce de proximité, de la suppression de millions d'emplois dans les grandes surfaces et des marges mirifiques qui en découleraient. Pas sûr que ceux à qui ces marges profiteraient se bousculeraient au guichet du Trésor public pour apporter leur contribution au remboursement de la dette...

Olivier Piacentini
Olivier Piacentini
Ecrivain, politologue

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