Dissection anatomique d’une émission sur le « cannabis thérapeutique »
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« Le cannabis sur ordonnance », diffusé par La Chaîne parlementaire, le 3 décembre dernier, débute par un film du réalisateur Raphaël Hitier à la gloire, sans équivoque, du cannabis thérapeutique. Ainsi, le cannabis permettrait de traiter les tumeurs cérébrales des souris et sans doute d’autres tumeurs humaines.
Il vante l’intérêt du cannabidiol dans certaines épilepsies de l’enfant (données mieux documentées, mais loin d’être une révolution thérapeutique). Votre serviteur apparaît brièvement, par deux reprises d’enregistrements anciens : l’une où il rappelle le titre d’un communiqué de l’Académie nationale de médecine : « Le cannabis – un faux médicament, une vraie drogue » ; l’autre où il fait remarquer que, cinq ans après qu’un médicament comportant du THC (Sativex®) a obtenu l’autorisation de mise sur le marché, il n’est toujours pas disponible (prix élevé pour un « service médical rendu » jugé insignifiant par la commission ad hoc). Le film présente le défilé parisien de la « journée mondiale du cannabis » (habituellement un vrai canna-« bide »), pris sous un angle faisant croire que, par un prompt renfort, les défileurs étaient trois mille en arrivant au port. Il présente aussi un congrès sur « le cannabis thérapeutique » se déroulant tous les ans à Strasbourg, organisé par un sidéen pratiquant une automédication par des extraits de cannabis de sa préparation, qui « lui ont sauvé la vie ».
Arrive le débat, animé par un journaliste de la chaîne, Jean-Pierre Gratien, en faveur du cannabis dit « thérapeutique », qu’il exprime déjà patent par son choix des débatteurs invités : Nicolas Authier (professeur de pharmacologie), qui préside la commission spécialisée temporaire chargée d’apprécier les potentialités thérapeutiques du cannabis, Jean-Baptiste Moreau, éleveur creusois, député, porte-parole de LREM, vice-président de la mission de l’Assemblée nationale, sur le « cannabis thérapeutique », Marc Lévêque, neurochirurgien marseillais spécialisé dans la prise en charge de la douleur. Il fut le seul à exprimer des doutes et à déplorer le « buzz » fait autour du cannabis antalgique, indiquant entre pouce et index la ténuité de son effet, cette focalisation d’attention injustifiée détournant de développements sérieux pour s’attaquer à la douleur.
Que retenir de ce débat ?
Que le député Moreau patauge dans un conflit d’intérêts qui l’invalide pour vice-présider la mission de l’Assemblée nationale sur le cannabis thérapeutique. Il veut « développer une filière cannabis dans la Creuse et [s] ’y prépare avec plusieurs amis ». L’expérimentation qui va démarrer devant faire appel à du cannabis d’origine étrangère, il estime urgent de développer une filière française pour le produire. Cette expérimentation sur 3.000 patients fait qu’un tel développement est inutile et prématuré. Que deviendrait cette filière si l’expérimentation n’était pas convaincante ? Mais il sait, avant qu’elle ne commence, qu’elle le sera.
Dans ce même esprit, Authier parle de « cannabis thérapeutique ». Il déclare que cette étude coûtera 30 millions d’euros ; les conclusions semblant déjà acquises, ne devrait-on en faire l’économie ? Cet abus de langage d’Authier l’invalide pour diriger une étude (menée dans des conditions dénoncées par l’Académie de pharmacie) dont il tire les conclusions avant son démarrage. Comment ne peut-il réaliser qu’il s’est embarqué dans une croisière dont la première escale est le « cannabis thérapeutique », suivie de celle du « cannabis de confort » et qui se terminera par celle du « cannabis récréatif »? C’est le programme qu’a présenté Moreau et qui correspond aux trois volets officiels de la mission parlementaire constituée, à cet effet, en janvier 2020.
Si la croisière s'arrêtait à la première escale, Authier affirmerait que les indications du cannabis correspondrait à « une niche » concernant 80.000 patients. Alors qu’on produit, en Inde ou en Chine, des médicaments essentiels (paracétamol, corticoïdes…) pour des millions de nos concitoyens, voilà que, pour 3.000 patients (qui devront peut-être y renoncer) ou, si l’expérimentation était probante, pour 80.000 patients, on développerait une filière française du cannabis : un chanvre indien shit in France.
Ont évidemment été oubliés, dans ce « débat », les méfaits graves et multiples du cannabis, dont ceux qui, il y a déjà un demi-siècle, l’avaient fait rejeter de la pharmacopée française.
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