Dissoudre la fête des mères : la cancel culture, c’est aussi ça

fête des mères

La Dernière Fête, c’est le nom d’un roman un peu nostalgique de La Varende. 2022 sera-t-elle l’année de la dernière fête des mères ? Si, du côté de l’Éducation nationale, aucune consigne n'a été donnée, les médias ne parlent que de ça : « Pour rendre cette fête traditionnelle plus inclusive et représentative des différentes situations familiales, ces professeur.es des écoles ont décidé de célébrer la fête des gens qu’on aime, voire de ne pas marquer le coup du tout », peut-on ainsi lire sur le site de Elle. Le magazine manie l’indigeste écriture inclusive pour faire montre de son grand féminisme mais ne s’insurge aucunement de la suppression d’une reconnaissance proprement féminine, de ce privilège exorbitant d’enfanter, comme disait Françoise Héritier.

Le procédé est toujours le même, la déconstruction plutôt que la destruction, entre lesquelles il n’y a qu’une différence de chronomètre : elle suscite moins d’opposition parce que progressive, mais le résultat est le même. Ce n’est pas une suppression qui est initiée, mais une dissolution dans un grand tout : comme François Hollande avait créé le ministère des Familles qui était en fait un ministère « défamille », avec un « dé » privatif (si tout est famille, rien n'est famille), d’aucuns proposent que la « fête des gens qu’on aime » remplace « la fête des mères ». Comme si l’amour que l’on porte à une mère était comparable à l’affection que l’on peut éprouver pour son camarade de classe, son instituteur ou son chien (qui, au train où l’on va, fera bientôt partie des « gens »). Comme si le dévouement de l'une ne méritait pas plus de reconnaissance que les marques d’intérêt superficielles des autres.

Comme pour Noël, on emballe le déboulonnage dans le papier de soie de l’inclusion et de la délicatesse. Selon Le Parisien, « de plus en plus d’écoles décident de l’adapter pour les petits ayant perdu un parent ou issus de familles monoparentales ou homoparentales ». Mais aucun de ces enfants n'est né par parthénogenèse. Tous ont au fond du cœur une maman, à laquelle ils pensent même si les adultes évitent le sujet. Les maîtresses d'autrefois, en un temps où les orphelins étaient plus nombreux, savaient comment, délicatement, aider à fabriquer malgré tout un petit présent qui serait déposé dans un lieu dédié (sur un oratoire, devant une photo), c'était même l’occasion salvatrice pour l’enfant, une fois dans l’année, d'en parler. Dans le même Parisien, une pédopsychiatre s'émeut, d'ailleurs, de cette disparition programmée : « Les rituels sont importants, ils sont vecteurs de transmission de valeurs pour un groupe, ils servent à définir la place de chacun. Le jour de la Fête des mères, les mamans sont sacralisées. »

A-t-on le droit de penser que des institutrices déguisent en tact ce qui n’est qu’un mélange de flemme et d’idéologie ? Il faut trouver une idée et suppléer aux doigts maladroits des enfants sans complètement les remplacer. Quelle corvée ! Les maîtresses n’en imaginent pas la portée. Les mères non plus, d’ailleurs, qui ne savent parfois que faire de ces petits objets bricolés. Et pourtant... Que l’on me permette une anecdote : j’ai visité, il y a longtemps, un appartement venant d’être mis à la location parce que la vieille dame qui y vivait depuis cinquante ans venait de décéder. Le propriétaire - son fils - ne cessait d’en parler, y compris aux potentiels locataires, un peu surpris. Sa sœur et lui n’étaient pas en meilleurs termes avec leur mère. Celle-ci avait divorcé et leur reprochait à mots couverts d’être restés en contact avec leur père. L’âge n’avait rien arrangé, elle était devenue tellement acariâtre qu’ils n’osaient guère l’appeler et passaient peu la voir. Elle était morte seule.

Mais c’était à eux, les enfants, de vider l’appartement. Et sous le lit, il avait trouvé une boîte à chaussures et, dans la boîte, une collection de cadeaux de fête des mères. Elle avait tout conservé, précautionneusement. Et lui, le sexagénaire grisonnant, en pleurait. Tout était pardonné. Je ne sais dans quel cimetière ni quel coin du ciel sont ces institutrices d’après-guerre, mais elles mériteraient d’être bénies, plus d’un demi-siècle plus tard, pour leurs deux heures de bricolage laborieux.

Comme Joyeux Noël, bonne fête Maman, de souhait innocent, deviendra bientôt marqueur politique suspect. Il est des moments où c’est à ces gens qui ne nous aiment pas que l’on aimerait faire leur fête.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 30/05/2022 à 16:59.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

75 commentaires

  1. Que de souvenirs émouvants évoque en moi ce magnifique article en l’honneur de celle que, malgré l’âge, nous appelons lorsque nous souffrons. Comment peut-on déconstruire cette journée que j’attendais chaque année lorsque mes enfants étaient petits et qu’il m’offraient extrêmement fiers, leur cadeau assorti d’un joli poème appris avec amour à l’école, notamment cette minuscule empreinte de main du petit dernier ou de l’aîné cet objet sculpté d’un personnage sorti de ses mains déjà habiles. Merci

  2. La destruction de la société est en marche forcée, elle avance sur un immense boulevard, bientôt les individus ne seront plus qu’un numéro anonyme noyé dans une marée de numéros tous aussi anonymes. Plus de fêtes de Noël, de Pâques, des mères et des pères, plus rien de joyeux pour montrer notre amour à ceux qu’on aime…uniquement des robots sans âme ni réelle identité attendant leur fin médiocre dans l’indifférence générale.

  3. Peu à peu notre société se déconstruit sous les coups de minorités agissantes, ce phénomène qui devrait inquiéter, est rendu possible par la lâcheté de nos dirigeants qui n’aiment plus la France, et il faut le dire par nos propres accommodements, nous devenons peu à peu des Dhimi des groupuscules agissants.

    • Nous dénonçons, mais que faisons-nous concrètement? Il y a certainement des gens avertis qui pourraient lancer des actions, mais…

  4. Jusqu’à quand va-t-il falloir subir ces attaques contre la raison ? Les politiques sont coupables bien sûr, mais on ne peut exonérer les français qui acceptent ces agressions sans broncher. La majorité subit, en baissant la tête…

  5. Belle anecdote et bonne conclusion.
    Je pense à ces enfants privés de maman parce qu’on leur a attribué un Parent 1 et un Parent 2.
    La chanson qui dit :
    « Ma maman est une maman, comme toutes les mamans,
    mais voilà c’est la mienne »
    fera bientôt partie d’une époque révolue.
    Tristesse et dégoût, voilà ce que je ressens.

  6. Merci mille fois chère Gabrielle Cluzel pour cet article frappé au coin du bon sens et tellement bien écrit . Tout est vrai …la reconstruction continue .
    J’ai parmi mes proches un jeune femme qui n’a pas pu avoir d’enfants…elle est la première à trouver scandaleux la projet de suppression de cette fête .(..pourtant d’aucuns pourraient penser que cette fête lui porte ombrage !!!)

  7. Par contre, Halloween, une fête issue de cette culture pourrie d’outre-atlantique, et arrivée en France dans les bagages de McDo et KFC, semble plutôt bien se porter !.. Je désespère de mes concitoyens qui ont tout perdu, le sens critique, l’amour de notre nation, et même le sens de la fête.

    • Halloween est une fête celtique (en Gaule : Samain) d’origine irlandaise et vieille de 3000 ans

  8. Ce n’est pas parce que que les wokistes nous l’imposent qu’il faut l’accepter !
    Je continuerai à fêter la fête des mères !
    Je vous invite à regarder un très beau film de 1955 réalisé par L Vajda « Marcellino pane e vino »

  9. Wokisme et cancel culture sont à l’Élysée. Aussi longtemps que les leaders des 41,5% de Français qui rejettent ces aberrations sont infoutus de s’unir pour défendre  »la France et les Français » dont ils ont plein la bouche. Honte à eux.

  10. Merci beaucoup ; l’anecdote est touchante.

    De petits gestes insignifiants peuvent changer la face du monde. Trop peu comprennent que délaisser les traditions c’est en fait délaisser tout un système humain qui s’est forgé et affermi depuis des siècles.

    S’en prendre à l’identité française ce n’est pas simplement menacer une culture ou un « art de vivre » ; c’est aussi et surtout détruire l’ordre de vie devenu coutumier qui a permis à une population de s’épanouir.

  11. Évidemment, entre la mère porteuse, la famille homoparentale, difficile de savoir où se trouve la maman.
    La fête des mères remplacée par « la fête des gens qu’on aime ». En tout cas il y a en un à qui on aimerait faire la fête. Mais on ne dira pas son nom, c’est un secret.

  12. Et ce collier de nouilles que l’on porte parce qu’il a été fait avec amour .La dernière phrase résume tout ce que nous souhaitons : faire la fête à ces destructeurs , ces idiots qui sont mal dans leur peau mais surtout dans leur tête .Nous ne céderons pas, tout comme pour les fêtes qui resteront de Noël , Pâques ,Toussaint .Continuons à bien ancré ces mots dans la tête de nos petits n’en déplaise à ces détracteurs .Ou et quand s’arrêtera la connerie .

    • Mon fils (40 ans) m’en a offert un récemment, me disant qu’il y avait longtemps que je n’en avais pas eu. Le symbole est toujours là, il n’est pas mort, il bouge encore !

  13. Indirectement nous participons et propageons ce terme de M……E qu’est la cancel culture qui gangrène la langue FRANÇAISE ; qui a participé au siècle des lumières passée.
    Ceci posé , le sujet s’y affairant ici fait partie malheureusement de ce nouveau monde dans lequel on se perd, on se noie et qui de fait par tristesse et de nostalgie nous remplacera.
    Ainsi va le monde qui évolue en bien ou en mal JE et NOUS sommes pas DEVINS sûr l’avenir de l’humanité.

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