Djordje Kuzmanovic : « Nous condamnons ces violences mais les députés LREM devraient comprendre la souffrance des agriculteurs ! »
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Djordje Kuzmanovic, qui a quitté La France insoumise pour fonder son propre mouvement République souveraine, revient sur le malaise profond des agriculteurs face aux traités de libre-échange et au CETA. « Les racines profondes de la crise des gilets jaunes ne sont pas réglées. »
https://soundcloud.com/bvoltaire/djordje-kuzmanovic
De nombreuses permanences de députés de la majorité ont été saccagées suite à leur vote en faveur du CETA. Beaucoup de voix se sont élevées pour condamner ces attaques.
Condamnez-vous ces violences ?
En démocratie, les violences sont condamnables, mais pas condamnées. Même si ce sont des députés de la République En Marche, c’est un minimum pour des représentants de la nation de comprendre qu’un peuple souffre dans le cadre d’une crise sociale. On peut parfois comprendre un ras-le-bol.
C’est arrivé plusieurs fois dans l’Histoire de France. Ce fut le cas pour les agriculteurs avec le GATT qui a précédé tous les grands traités de libre-échange. Depuis lors, l’agriculture française souffre. Des exploitations ferment toutes les semaines. Tous les deux jours, un agriculteur réussit à se suicider. Cela fait 180 par an. La détresse sociale est extrême. Pourtant, on en remet aujourd’hui une louche. Ces gens essaient de s’exprimer et protestent gentiment depuis des décennies, mais on ne s’en occupe pas.
Et on leur répond qu’ils vont subir des contraintes et des réglementations que n’auront pas à subir d’immenses producteurs de viande du Canada. Qu’ils vont subir les concurrences déloyales ! Et bien qu’ils soient déjà écrasés par les amis de monsieur Macron de la grande distribution qui leur imposent des prix parfois sous le coût de production, qu’ils vont faire encore moins de marge et encore plus souffrir. Comment voulez-vous que cela se finisse bien ?
Les violences sont condamnables, mais il faut aussi considérer la situation de ces gens. Quand on voit toute l’oeuvre de votre vie s’effondrer, qu’il n’y a pas d’avenir pour ses enfants et que l’exploitation va disparaître à cause des dettes, on peut s’attendre au pire ...
Le personnage principal du livre de Houellebecq finit par faire une action de suicide parce qu’il n’en peut plus de perdre l’oeuvre de toute sa vie, son exploitation agricole.
La signature du traité CETA intervient juste après la crise des Gilets jaunes.
Vous avez participé à nombre de ces manifestations.
Selon vous, ces manifestations sont derrière nous ou pensez-vous qu’elles vont recommencer à la rentrée ?
Je souhaite qu’on vive bien en France. Je ne souhaite pas la violence pour la violence. Mais les racines profondes de la crise ne sont pas réglées. Ce ne sont pas quelques mesures qui vont régler le libéralisme, l’augmentation de la richesse des plus riches, un appauvrissement réel, une paupérisation de la France d’en bas, l’absence d’avenir dans de nombreuses régions, la désindustrialisation. Tant que tout cela n’est pas réglé, nécessairement les protestations vont revenir.
Le mouvement des agriculteurs qui est en train de prendre forme fait très largement écho à celui des Gilets jaunes. Les mêmes aspirations de justice sociale et de ras-le-bol face à une élite politique et financière qui ne comprend pas la crise sociale qu’ils traversent.
Vous avez quitté la France Insoumise pour lancer votre propre mouvement politique.
Avec ce mouvement, comptez-vous parler à ces gens-là ?
À qui votre mouvement s’adresse-t-il ?
Notre mouvement République souveraine a pour objet le retour plein et entier de notre souveraineté française et de la souveraineté populaire. La construction de la République sociale par tous les moyens et la fin de tout ce qui brade la France. Il faut cesser de vendre tous nos bijoux de famille, en particulier l’agriculture.
Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, nous discutons et participons aux manifestations et aux assemblées. J’ai rencontré les jeunes agriculteurs en colère. Ils ne voient pas très bien comment ils vont réussir à joindre les deux bouts.
Je tiens à ajouter que, de manière tout à fait étonnante, nous sommes en plein dans les 230e anniversaires de la Grande peur. Ce mouvement de la fin juillet début août 1789 avait amené à la très célèbre nuit du 4 août. Elle avait mis fin aux privilèges féodaux. À ce moment-là,
la paysannerie française en avait ras-le-bol de cette injustice sociale et fiscale. Les impôts tombaient de n’importe où et très loin de Versailles. Des petits marquis vivaient bien tranquillement de manière bien aisée et méprisaient les peuples...
Encore une fois, la violence n’est pas tolérable, mais quand il n’y a plus d’autre issue, la responsabilité de la violence revient toujours à ceux qui ont le pouvoir.
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