« Le cas Cantat » : le documentaire qui oublie que Cantat était d’extrême gauche

L’affaire Cantat, les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. En 2003, à Vilnius (Lituanie), le chanteur du groupe Noir Désir tue à coups de poing sa compagne, l’actrice Marie Trintignant. Un documentaire Netflix d’Anne-Sophie Jahn, De rockstar à tueur : le cas Cantat, revient sur ce drame, sous l’angle du féminicide.
L’autopsie, une autre version des faits
Trois épisodes concentrés où tout fait mouche, en particulier les propos de la combative chanteuse Lio ou ceux du batteur de Téléphone et ancien compagnon de Marie Trintignant, Richard Kolinka. Le documentaire apporte des archives de valeur : des extraits des deux auditions de Cantat à Vilnius où affleure une personnalité sans élégance. Agacé lorsqu’on lui demande de préciser quels coups il a portés à Marie, il répond : « La prochaine fois que je me disputerai avec quelqu’un, je prendrai des notes. »
La presse française mainstream reprendra les versions successives du chanteur telles quelles. Avec complaisance. L’accident : elle s’est cognée contre le radiateur. Après l’autopsie, qui révèle de terribles traumatismes faciaux et cérébraux, Cantat plaide le drame passionnel : Marie était hystérique et je l’aimais tellement… Comme si des coups de poing étaient synonyme d'amour ! Des médias français n’hésitent pas à le présenter en victime, Marie devenant une femme pas très recommandable - alors que, depuis des semaines sur le tournage du film en Lituanie, Cantat s’est révélé possessif et harceleur.
Peine légère et retour sur scène
Cantat n’a été condamné qu’à huit ans de prison, en Lituanie, grâce au témoignage de son ex-femme Cristina Rady. Elle a assuré qu’il n’était pas un « cogneur ». Transféré en France, il est sorti au bout de quatre ans. Le juge d’application des peines et la psychologue, comme souvent, ont estimé qu’il ne présentait aucun danger. Cristina Rady a repris la vie commune avec Cantat et s’est suicidée en 2010. Rebelote : la presse française fait de nouveau de Cantat une victime, un homme meurtri dans son amour. Seule Anne-Sophie Jahn, journaliste au Point, ira au fond de la question, dans une enquête publiée en 2017, accablante pour Cantat.
Entre-temps, le rockeur est remonté sur scène, dès 2010. Les Inrocks font sa promotion. Interview en 2013, à la présentation très victimaire. Couverture en 2017, qui fait scandale : l’auteur d’un féminicide n’est plus vendeur. Le documentaire Netflix veut démontrer que la société de 2003, patriarcale, a montré une indulgence pour Cantat qui ne serait plus possible aujourd’hui.
Dupond-Moretti au secours du poète
Si l’approche des violences conjugales évolue, il reste que le documentaire d’Anne-Sophie Jahn laisse totalement de côté une autre explication du traitement médiatique du « cas Cantat » : son appartenance au « camp du Bien ». Le grand poète, qui faisait scander « Le Pen ! Le Pen ! On t’enc… ! » pendant les concerts de Noir Désir, a bénéficié d’une indulgence et d’une compréhension à la mesure de son engagement à l’extrême gauche.
Le groupe de rock dénonce le FN dès 1996, avec Un jour en France. Dans l’entre-deux-tours de 2002, dans une vidéo appelant à voter Chirac, Cantat prend position en compagnie de Debbouze, Zidane, Zazie, Karl Zéro ou… Gérard Depardieu. Comme un DSK lors de l’affaire du Sofitel (2011), il bénéficie d’âpres défenseurs sur les plateaux télé. Dernier en date, Dupond-Moretti assure, en 2018 : « Cantat, qu’on le veuille ou non, n’a pas bénéficié d’une impunité. »
« Il semble intouchable »
Et pourtant... L’unanimité médiatique de 2003 n'a été ébréchée que hors de la presse mainstream. De tous les quotidiens, seul Présent ne fait alors preuve d’aucune complaisance pour le chanteur. « Cantat semble intouchable », constate Anne-Sophie Jahn. Et en effet, il l’est, tant que le système peut le protéger. Peut-on tout mettre sur le dos du patriarcat ? Non. Comme l’a écrit un autre journaliste du Point, « compagnon de route d’Attac », « le chanteur s'est fait remarquer par ses coups de gueule antimondialisation et anticapitalistes qui lui valent, aujourd'hui encore, l'indulgence de nombreuses belles âmes de gauche ». La piste de la connivence idéologique ferait un second documentaire non moins éclairant que cet excellent De rockstar à tueur, le cas Cantat.

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51 commentaires
Il est gonflé le réalisateur! Mais il en a d’autres qui ont fait des films sur les criminels célèbres….Alors……
Encore une fois justice deux poids deux mesures …
Encore l’apologie d’un psychopathe.
Pas l’apologie d’un psychopathe mais un regard réaliste sur un pervers narcissique.
Les artistes et l’extrême gauche, un mariage de raison. Soutien politique contre subventions.
Cantat est un monstre de cruauté pour ce qu’il a fait subir à Nadine Trintignant et son amie , il a bénéficié d’une libération anticipée mais ses victimes et leurs familles elles sont enfermées à vie par leur décès .
« Cantat, qu’on le veuille ou non, n’a pas bénéficié d’une impunité. » Ben si… Huit ans de prison divisés par deux, moi j’appelle ça de l’impunité par rapport au calvaire et à la barbarie qu’il a fait subir à Marie Trintignant. De plus il avait l’air de s’en foutre complètement. Il n’a même pas eu la décence de ne pas remonter sur scène. Toute cette affaire est monstrueuse.
Bien sur qu’il a eu une certaine impunité , beaucoup pour moins que cela on pris 30ans voir perpette.
Les personnes d’extrême gauche et de gauche bénéficie de mansuétude de la part de la justice gauchiste de ce pays.
Vous n’avez rien compris : Cantat est un poète !
Un poète sanguinaire et violent auquel paroles et musique ne suffisent pas pour s’exprimer.
Poète a coups de poings et consommations de produit illicite ……
Revenez sur terre, Poulbot.
Les « produits illicites », ils sont nombreux ceux qui en prennent. Même à l’Assemblée nationale !
@Alesia :
Certes mais cela n’autorise pas a frapper une personne a coup de poings jusqu’à la mort.
Non, le privilège rouge comme dirait Gilles William Goldnadel
Le privilège rouge comme dirait Pascal Praud !
Evidemment, puisqu’il est d’extrême gauche, on ne le dit pas. Il serait d’extrême droite, on le dirait une ligne sur deux. Pauvre France à la dérive !
Normal! Un type d’extrême gauche ne peut pas se comporter comme cela avec une femme, donc on oublie …
J’approuve tout à fait l’article de Samuel Martin. Il met bien en évidence les porteurs de moralines bien sévères quand il s’agit du camp d’en face. Quatre ans, en effet, c’est pas cher payé.
Dès qu’il est question de Bertrand Cantat on est obligé de faire une déclaration liminaire avant d’en parler. On peut, comme moi, apprécier le répertoire de « Noir Désir » et Cantat lui-même en tant qu’interprète mais pas en tant que personne. C’est la même chose pour tous les artistes ou écrivains, il faut distinguer l’homme de l’œuvre. Il est certain, je dirais même indiscutable, que Cantat a bénéficié du fait qu’il appartenait au « camp du bien » auto-proclamé, la gauche et mieux encore l’extrême-gauche. S’il avait été dans l’autre camp, celui qu’il qualifiait lui-même, comme ses soutiens inconditionnels, d’extrême-droite et ses militants, voire ses simples électeurs, de « fachos » il aurait été lynché par les médias et par l’opinion dominante. Il n’aurait non seulement pas pu remonter sur scène mais il aurait dû s’exiler fissa pour se faire oublier. Selon que vous serez « extrémiste » de droite ou de gauche, votre sort ne sera pas le même quoi qu’il arrive et quoi que vous fassiez ou disiez.
Bof…..Noir Désir…..jamais écouté la moindre chansonnette !!