Documentaire : L’Intouchable, Harvey Weinstein. Quand le cinéma interfère avec la Justice
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La tentation était sans doute trop forte, le personnage fut un acteur majeur de l’industrie cinématographique hollywoodienne de la fin des années 70 jusqu’à aujourd’hui, il revenait donc à celle-ci de faire avec le plus grand zèle son autocritique et de s’emparer de l’affaire, fût-ce au détriment du fonctionnement de la Justice…
Très peu de temps après l’annonce concernant les abus sexuels présumés d’Harvey Weinstein, les producteurs Simon Chinn et Simon Young avaient décidé, en octobre 2017, de produire un documentaire sur le sujet. Sorti en salles au mois d’août, le film d’Ursula Macfarlane devance largement l’ouverture du procès prévue seulement pour le 6 janvier prochain. Un choix pour le moins curieux de la part des distributeurs. Comme si besoin était de s’assurer que l’opinion publique fût bien défavorable à Weinstein à l’aube de l’examen des faits. Comme si les jurés et magistrats en charge de l’affaire n’étaient pas suffisamment conditionnés par le discours médiatique ambiant depuis l’émergence du mouvement #MeToo. Aucune décision de Justice n’a été rendue pour le moment, l’accusé plaide non coupable, mais Chinn, Young et Macfarlane s’assoient sur la morale la plus élémentaire en bafouant un principe de droit qui, jusque-là, faisait la fierté des démocraties occidentales. Certains clameront qu’avec 93 plaignantes, parmi lesquelles quatorze accusent de viol Harvey Weinstein, le risque pour les producteurs de L’Intouchable d’enfoncer un innocent est proche de zéro, et sans doute ont-ils raison. Mais cela justifie-t-il, pour autant, de venir perturber le cours du procès ?
Le film, parlons-en. Il se résume, grosso modo, à une juxtaposition de témoignages en gros plans de victimes présumées et d’anciens collègues de Miramax (la boîte de production des frères Weinstein). Des témoignages peu nombreux, plus ou moins instructifs, plus ou moins pertinents, plus ou moins sincères aussi (celui d’Erika Rosenbaum laisse perplexe et crée le malaise), qui certes ont le bon goût d’éviter les détails sordides mais sont affublés inutilement de musiques à sensation composées en grande partie d’instruments à cordes (!). On en apprend, finalement, davantage sur la réussite professionnelle de l’accusé, sur la genèse de Miramax et sur l’omerta qui régnait au sein de la maison de production que sur le rapport personnel de l’individu aux femmes. De ce côté-là, rien de bien nouveau. Et pour cause : l’essentiel du dossier est entre les mains de la Justice, témoignages de victimes y compris.
On note, au passage, le besoin irrépressible de la réalisatrice d’exhiber, l’air de rien, une poignée de clichés photographiques unissant, lors de soirées mondaines, Harvey Weinstein et Donald Trump afin d’insinuer quelque lien trouble et de salir le locataire actuel de la Maison-Blanche. C’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups…
En fin de compte, on se demande quel était l’intérêt de produire ce documentaire si ce n’était pour raviver les haines et influencer l’issue du procès. On peut s’étonner, ici en France, de l’approbation critique réservée au film de la part de certains journaux réputés « sérieux » ; dans cette brèche se sont engouffrés, tête la première, Le Figaro, L’Obs, Le Point, L’Express, L’Humanité et Télérama.
Que ne ferait-on pas pour afficher son appartenance au camp du Bien…
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