Donald Trump et l’Iran : quel pilote à la Maison-Blanche ?

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Donald Trump demeure, à ce jour, le président américain à la fois le plus seul et le plus (mal ?) entouré. Dans un environnement façonné par la « destinée particulière », là-bas théorisée depuis 1845, voulant que le Nouveau Monde ait vocation à régenter l’Ancien Monde, il fait figure d’anomalie, ignorant manifestement tout des règles d’un sérail dont il n’a jamais fait partie, nonobstant ses milliards. Bref, il ne joue pas le jeu et fait voler les codes en éclats ; quitte, parfois, à naviguer à vue.

La preuve par le récent imbroglio perse. L’ayatollah Ali Khamenei commence par prévenir qu’il « ne faut pas jouer avec la queue du lion ». Message certes viril, mais qui demeure dans les normes diplomatiques. Réponse de Donald Trump, dans un tweet adressé au président iranien Hassan Rohani : « NE MENACEZ PLUS JAMAIS LES ÉTATS-UNIS OU VOUS ALLEZ SUBIR DES CONSÉQUENCES TELLES QUE PEU AU COURS DE L’HISTOIRE EN ONT CONNU AUPARAVANT. NOUS NE SOMMES PLUS UN PAYS QUI SUPPORTE VOS PAROLES DÉMENTES DE VIOLENCE ET DE MORT. FAITES ATTENTION ! » L’emploi des majuscules n’est pas dû à la rédaction de Boulevard Voltaire, mais à celle de la Maison-Blanche, précisons-le.

Après, ce que le président américain n’évoque pas, hormis la « queue du lion », c’est cette menace à peine voilée de Téhéran selon laquelle l’exportation du pétrole des pays du Golfe pourrait bien se trouver bloquée au détroit d’Ormuz ; soit 30 % du trafic mondial. Là, c’est du lourd méritant mieux que ces rodomontades. Alors, que veut Donald Trump ? Que veut son administration ? Et veulent-ils forcément atteindre les mêmes objectifs ?

Il paraît avéré, à en croire les sources du Figaro et les nôtres, que Donald Trump ait voulu rencontrer, huit fois au moins, son homologue Hassan Rohani, en marge de la réunion de l’ONU, à l’automne dernier. Démarche qui, manifestement, est restée lettre morte. Pourquoi ? Ce revirement serait-il destiné à calmer ceux qui s’insurgent de son rapprochement avec Vladimir Poutine ? Avec Trump, tout est toujours possible.

Du côté iranien, l’explication est plus aisée, à en croire les déclarations d’Ali Khamenei, relayées par le quotidien libanais L’Orient-Le Jour : « Comme je l’ai déjà dit, nous ne pouvons pas faire confiance aux États-Unis pour leurs propos et leur signature, donc les négociation avec les États-Unis sont inutiles. » Khamenei était contre l’accord nucléaire, mais autorisait aussi Rohani à tenter de le conclure. Si Rohani réussissait, cela devenait le succès de Khamenei. Si Rohani échouait, cela demeurait l’échec de Rohani. L’actuelle situation d’entre-deux présente ceci de pratique que de permettre au Guide de ménager à la fois franges « conservatrice » et « progressiste » de la population et de son gouvernement. Et, surtout, de conserver une marge de manœuvre vis-à-vis de son propre « État profond » : milices de la révolution de 1979 et fondations d’anciens combattants de la guerre contre cet Irak alors armé par… l’Occident, qui monopolisent depuis une large partie de l’économie iranienne.

Donald Trump n’est pas loin de se trouver dans la même posture, tiraillé qu’il est entre ces divers pouvoirs qui l’entourent, quand ils ne le cernent tout simplement pas. Éminent représentant de ces derniers : Mike Pompeo, équivalent de notre ministre des Affaires étrangères. Ancien directeur de la CIA, proche du Tea Party, il est réputé pour être un des « faucons » les plus déterminés de l’administration américaine, n’hésitant pas à menacer Téhéran, à mots à peine couverts, d’une guerre en bonne et due forme. Un messianisme qui épouserait le cynisme de son patron du moment ? Rien n’est moins sûr.

Les journalistes de L’Orient-Le Jour avancent encore cette hypothèse : « L’idée de l’administration Trump est simple ; tenter de profiter des tensions sociales qui semblent se multiplier en Iran, sur fond de difficultés économiques aggravées par l’annonce du retour des sanctions américaines qui fait partir de nombreuses entreprises étrangères. Elle compte s’appuyer sur une date symbolique, les quarante ans de la République islamique, l’an prochain. » Bonne chance, tant il est vrai que l’administration américaine avait brillé à l’époque…

En d’autres termes, voilà qui pourrait s’apparenter à des ingérences dans la politique d’un pays tiers. Un peu comme ce qui est reproché à la Russie lors de l’élection du même Donald Trump. Ou quand le lion plus haut évoqué se mord la queue à son tour.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:13.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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