Donald Trump se fâche contre les Saoudiens… En attendant le tour des Israéliens ?

Arabie-saoudite

L’avantage, avec Donald Trump, mais l’inconvénient aussi, c’est que ce personnage hors du commun dit généralement ce qu’il pense ; fait devenu peu commun en ce monde politique où il a fait irruption avec toute la délicatesse d’un troupeau de mammouths dans un salon de thé bio, équitable et citoyen. D’où ses récentes déclarations concernant l’Arabie saoudite et son actuel monarque, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud.

« Roi, nous te protégeons, tu ne serais peut-être pas là dans deux semaines sans nous… » Avec ses mots à lui, autrement plus feutrés, Barack Obama a naguère signifié la même chose à la dynastie wahhabite, par Washington tenue à bout de bras - militaires et financiers - depuis l’alliance dite du Quincy, entre USA et Arabie saoudite, en 1945. Les uns protégeaient l’autre, quitte à celle-là d’assurer l’approvisionnement énergétique des premiers, seule véritable constance de la politique américaine depuis près d’un siècle.

On a vu ce que ce pacte a donné par la suite. À chaque fois que le pouvoir politique de Riyad accordait de nouveaux droits au parrain américain - implantation de bases militaires et torpillage de la cause palestinienne -, le pouvoir religieux local arrachait de nouveaux privilèges, ramenant à chaque fois plus encore la société saoudienne à l’âge de pierre.

Autre prix à payer par Washington : le développement du salafisme à travers le monde, islam réduit à un simple formalisme alimentaire et vestimentaire, sorte de "soft power" wahhabite dont le pendant chrétien n’est autre que l’évangélisme américain, dont l’expansion n’en finit plus de bouleverser les sociétés catholiques traditionnelles ; l’Amérique latine en sait quelque chose. Plus grave encore : cette funeste alliance a donné lieu au renouveau du djihad militaire en Afghanistan. Puis ailleurs, en Algérie, en Bosnie, en Tchétchénie, en Irak, en Indonésie, sans oublier les marches de l’empire russe, pour ne citer que ces seuls foyers de troubles diligentés de l’étranger, au nom de bas intérêts politico-économiques et de grand principes humanistes.

Est-ce cette mécanique infernale que Donald Trump entendrait aujourd’hui bloquer ? Si tel était le cas, on ne pourrait que l’en féliciter. Il serait temps, en effet, de mettre un coup d’arrêt à cet islam de combat dont les ravages grandissants portent immanquablement la même signature : celle de Riyad.

Les terroristes du 11 septembre 2001 n’étaient pas palestiniens mais saoudiens. Ben Laden, quoique de nationalité yéménite, avait pris celle de l’Arabie saoudite. Et si l’État islamique a pu si longtemps prospérer, c’était aussi par accointances politiques et discrets financements saoudiens. C’est donc là un grand tabou géopolitique que Donald Trump vient de mettre à bas, même si, à en croire la vulgate officielle, l’Iran serait fourrier du terrorisme international, vaste blague à laquelle personne ne croit ; même ceux qui font semblant.

Pour le moment, peu de capitales ont réagi à cette annonce. Téhéran, dont l’affaire fait plutôt les siennes, demeure discret. En revanche, plus intéressant est le quasi-mutisme israélien. Car s’il est bien un État fragile que les USA maintiennent en perfusion permanente, c’est celui-là. Et c’est là tout le paradoxe. Tel Aviv, capitale légale d’Israël a très logiquement salué la décision "trumpesque" de transférer cette dernière à Jérusalem. Un certain pragmatisme le commandait peut-être. Mais c’est aussi ce même pragmatisme qui pourrait bien pousser, un jour ou l’autre, le fantasque président américain à prendre de raisonnables distances avec cet autre allié qui lui coûte bien cher pour lui rapporter aussi peu.

Les frappes chirurgicales peuvent causer des victimes collatérales. Le cynisme politique aussi, fût-il ou non bienvenu.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 21:07.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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